Évangile : « Quiconque aura tout quitté en mon nom recevra la vie éternelle »
Pierre, prenant alors la parole, lui dit: Voici, nous avons tout quitté, et nous t`avons suivi; qu`en sera-t-il pour nous ?
Jésus leur répondit: Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l`homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m`avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d`Israël.
Et quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie éternelle.
Homélie : Proverbes 2, 1-9, Colossiens 1, 12-20, Matthieu 19, 27-29
Saint Benoit, dont nous célébrons la solennité en ce dimanche, a choisi la voie du bonheur. Il nous propose un chemin de vie. Son témoignage a traversé les siècles et demeure actuel. L’invitation qu’il nous adresse à suivre le Seigneur et à ne rien préférer à son amour n’est autre que celle qui nous est adressée par la Parole de Dieu elle-même. Sa Règle, reflet de sa vie, se réfère à l’Écriture et amplifie cet appel de Dieu à qui veut vivre pleinement, en lui proposant les moyens d’y répondre.
Nous pouvons retenir deux attitudes fondamentales de la démarche monastique, telles qu’elles apparaissent dans les textes que nous venons d’entendre, puisque la Parole de Dieu est la source à laquelle puise saint Benoit : Que ce soit la Sagesse, les Psaumes, les Prophètes ou l’Évangile et les Épitres. Ces deux attitudes sont l’écoute et le renoncement. Grâce à elles, le moine peut parvenir à la communion avec Dieu et avec ses frères.
Le Livre des Proverbes nous propose de rechercher la connaissance de Dieu. Cette sagesse s’obtient par l’écoute de sa Parole. Ainsi nous parle le Sage : « Mon fils, écoute mes paroles, garde précieusement mes préceptes, rends ton oreille attentive à la sagesse, incline ton cœur vers la vérité. » Au début du prologue de sa Règle, saint Benoit ne parle pas autrement : « Écoute, ô mon fils, l’invitation du Maitre, et incline l’oreille de ton cœur. Recueille avec amour l’avertissement du Père qui t’aime, et, par tes actes, achève-le. » Cette invitation à l’écoute est développée dans la suite du Prologue et jalonne ensuite toute la Règle.
L’écoute est une attention à celui qui parle. C’est une disposition qui tient l’esprit en éveil et rend le cœur attentif à la voix de Dieu. Le disciple écoutant peut accueillir le don de Dieu qui est l’intelligence : grâce à elle, il comprendra la crainte du Seigneur et obtiendra la connaissance de Dieu.
Mais c’est au prix d’un labeur persévérant qu’il parviendra à ce but, par le discernement et une recherche assidue. Ce travail d’écoute s’inscrit dans une démarche de conversion. Écouter la voix du Seigneur permet le changement de notre cœur de pierre en cœur de chair. Citant le psaume 94, saint Benoit insiste : « Aujourd’hui, mais écoutez donc sa voix ! N’allez pas endurcir vos cœurs ! » Le péché a fermé nos cœurs. La conversion, c’est : « revenir par le labeur de l’obéissance à Celui dont nous avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. » Cette démarche, entreprise au début de notre vie monastique, ne s’achèvera qu’au moment de la rencontre ultime avec notre Créateur.
Pour mener à bien ce travail d’écoute de la Parole du Seigneur, de nombreux moyens nous sont donnés. Le silence est l’attitude première du disciple. Il enveloppe notre vie et favorise l’attention. La lecture régulière de la Parole de Dieu et de tout ce qui aide à sa compréhension nourrit le cœur et l’esprit. Elle se fait dans la lumière de Dieu, sous son regard et par amour pour Lui. Enfin, la célébration de l’office divin nous fait chanter et prier la Parole de Dieu avec le Christ et toute l’Église.
Ce sont autant de lieux ou Dieu nous parle. Sommes-nous toujours attentifs à sa voix ? Il est toujours présent à nous, sommes-nous toujours présents à Lui ? Que notre prière, ce dialogue aimant avec Lui, pénètre de plus en plus notre vie !
Ce travail d’écoute nous impose des choix. Nous devons fuir ce qui peut nous détourner de l’attention à Dieu. En fait, c’est toute la vie du moine qui est fondée sur le renoncement. C’est une attitude profondément évangélique. C’est ce qu’ont vécu les Apôtres qui se sont engagés à la suite du Christ comme en témoigne la question de Pierre : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre, quelle sera notre part ? »
Notre courte expérience de la vie monastique nous fait comprendre que le renoncement ne se réalise pas une fois pour toutes, le jour de notre entrée au monastère. Bien sûr, nous quittons une famille, des biens, une indépendance. Nous avons renoncé au monde mais nous pouvons nous laisser entraver par de nouveaux attachements. Nombreux sont les appels de saint Benoit à renoncer à la propriété, non seulement des objets, mais aussi de notre propre corps et de sa volonté. L’abandon conduit le moine à l’obéissance. Se dépouillant de ses désirs et de sa volonté propre, il s’en remet à un autre, le Christ, reconnu dans la médiation de l’Abbé et de la Communauté.
Cette obéissance ne vise pas une simple performance ascétique, mais une plus grande union au Christ qui s’est fait obéissant à son Père pour accomplir sa mission. Le disciple cherche à imiter son maitre qui a donné sa vie pour ceux qu’il aime. Cette obéissance humble et aimante unifie la vie du moine dans ses diverses activités : prière liturgique et silencieuse, écoute de la Parole de Dieu, travail et service fraternel, accueil de l’hôte et de l’étranger.
Dans l’épitre aux Colossiens, Paul affirme que le Christ a réconcilié tous les êtres pour Lui et qu’il a fait la paix par le sang de la Croix. En répondant à la sienne, notre obéissance nous rend tous frères et nous fait tendre à la communion dans son Église, ce Royaume de Lumière entrevu par saint Benoit au soir de sa vie.
Voilà ce que propose saint Benoit à celui qui choisit de suivre le Christ dans la vie monastique. Ce programme est l’écho fidèle de la Parole de Dieu et de l’Évangile. Or cette source est celle à laquelle s’abreuve tout baptisé. Chacun de nous est appelé à accueillir la Parole de Dieu, à la méditer, à la prier et à la mettre en pratique. Chacun de nous est appelé à suivre le Christ selon des voies adaptées à son état de vie. Tous, nous sommes invités à des choix et à des renoncements pour vivre en conformité à l’appel de Jésus et ne rien lui préférer car il peut mener à la perfection l’amour de notre cœur.
En Benoit, nous avons un guide de confiance sur le chemin qui mène à la vie et au bonheur. Nous pouvons lui adresser cette prière que nous chantons dans une antienne : « Ô Benoit, modèle de la vie céleste, docteur et guide, ton esprit partage au Ciel la joie du Christ. Pasteur aimant, protège ton troupeau, par ta prière, fortifie-le et conduis le vers la lumière du Ciel. »
Père Claude
Prieur du Bec