Commentaires de la Règle de saint Benoit – S10

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Catégorie : Vie monastique

CHAPITRE 27 : COMMENT L’ABBE DOIT AVOIR SOUCI DES EXCOMMUNIES.

Dimanche 4 juillet :

Si ce chapitre traite de l’excommunication, il traite aussi, et peut être davantage, de l’abbé. Celui-ci est considéré sous deux aspects : le médecin et le pasteur. Dans les deux cas, son modèle, c’est le Christ. L’abbé déploiera tous ses efforts pour ramener le frère coupable à la sagesse. La charité et la prière sont les remèdes les plus efficaces pour gagner le frère en dérive.

Comme le Christ, l’abbé est le pasteur du troupeau. Il a le souci des brebis malades et égarées, les ramenant sur ses épaules pour refaire l’unité de son troupeau. On a toujours en arrière fond les paraboles de la brebis perdue et du bon pasteur ainsi que cette parole de Jésus citée en début de chapitre par saint Benoît : « ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades » (Mt. 9, 12). Le but est que le coupable connaisse une vraie conversion et qu’il soit renouvelé, fortifié dans la charité.CHAPITRE 28 : DE CEUX QUI NE VOUDRAIENT PAS S’AMENDER, BIEN QUE SOUVENT CORRIGES.

 

Lundi 5 juillet :

Après tous ces chapitres sur l’excommunication pour les fautes, saint Benoît envisage en finale la perspective de l’exclusion. Mais c’est vraiment la dernière solution.

Auparavant, tous les moyens ont été tentés pour faire revenir le coupable dans le droit chemin. Au chapitre précédent, saint Benoît présente l’abbé sous les traits d’un médecin et sous ceux du pasteur, ce que l’on retrouve encore ici. Tous les remèdes ont été essayés, le dernier étant la prière de tous les frères.

L’exclusion n’est envisagée que si le coupable s’enferme volontairement dans une attitude d’orgueil, ou de refus de l’autorité de l’abbé, ou de la Règle. Il s’agit là, bien sûr, des cas les plus graves, donc assez rares, comme à une autre échelle, cela peut arriver dans l’Église. Il ne s’agit pas ici du départ d’un frère en formation, départ envisagé après un discernement par les responsables, s’il s’avère que ce frère n’est pas fait pour cette vie, et qu’il doit choisir une autre voie.

Notons que saint Benoît envisage l’exclusion comme ultime recours vis-à-vis du coupable, et pour préserver le bien spirituel de la communauté. C’est « afin qu’une brebis malade n’infecte pas tout le troupeau ».

 

CHAPITRE 29 : SI LES FRÈRES SORTIS DU MONASTERE DOIVENT Y ETRE RECUS A NOUVEAU.

 

Mardi 6 juillet :

Père Claude ne commentant pas ce chapitre, ce sera un passage de celui commenté par Dom Guillaume que nous proposons ce matin :

« Après avoir traité de l’exclusion, saint Benoît s’intéresse aux frères qui ont quitté le monastère volontairement. Il souligne en effet qu’ils sont sortis par leur propre faute : « proprio vitio », et qu’il est nécessaire qu’ils se corrigent de cette faute pour revenir. Saint Benoît prévois tout un processus pour ce retour […] Car pour Benoît, la clé du retour, c’est l’humilité.

L’humilité, ici, consiste à reconnaître sa responsabilité dans ce qui s’est produit, et aussi à accepter que cela soit connu par TOUS comme tel. En effet, si nous pouvons encore relativement facilement accepter de reconnaître notre faute, il reste toujours très difficile qu’on nous la mette devant les yeux et que les autres le sachent. C’est pourtant ce que fait saint Benoît Loin de condamner, saint Benoît, en objectivant la faute, invite le moine à faire de même et ainsi à se désolidariser de ce qu’il pouvait, jusque-là, considérer comme une part de lui-même. Voilà bien le propre de l’humilité chrétienne, de nous faire découvrir que notre être véritable est celui que le regard de Dieu a fait naître en nous, sans nous identifier aux erreurs du chemin que chacun de nous commet ».

Père Claude a commenté les deux textes de la messe du jour:

La liturgie d’aujourd’hui nous propose deux textes importants, mais différents l’un de l’autre. D’abord, en Genèse 32, 23-32, c’est le combat de Jacob avec l’ange. Jacob lutte pour obtenir la bénédiction de Dieu ; il y parvient, mais au prix d’un rude combat. C’est le combat de la foi, de la prière, le combat spirituel qui est ici évoqué. Il y faut de la persévérance et un effort soutenu. Mais la victoire même, ne laisse pas indemne ! Jacob est frappé à la hanche et restera boiteux. Le combat spirituel nous marque à vie.

Dans l’évangile (Mat.9,32-38), on voit Jésus pris de compassion pour les foules, car elles sont abattues, désemparées ; elles sont comme des brebis sans berger. C’est pourquoi il recommande de prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Ainsi, c’est une exhortation à la prière persévérante qui nous est donnée aujourd’hui par la liturgie. Prions donc instamment le maître de la moisson qui peut faire naître des vocations dans son Église.

 

CHAPITRE 30 : DES JEUNES ENFANTS ; COMMENT ON LES CORRIGE.

 

Mercredi 7 juillet :

 

Avec ce chapitre qui peut aujourd’hui nous sembler secondaire, car il ne s’applique plus, mais qui avait son importance au temps de saint Benoît, s’achève le cycle du code pénitentiel. Autrefois, on accueillait dans les monastères, pour leur instruction, des enfants, des adolescents, mais qui ne devenaient pas forcément moines pour autant. Il fallait donc les corriger selon les méthodes du temps.

Mais en ce qui concerne l’ensemble de ces chapitres sur l’excommunication, saint Benoît insiste beaucoup sur la patience, les nombreuses tentatives de l’abbé et des anciens pour ramener les coupables dans le droit chemin. L’abbé use de patience, de miséricorde, de charité. On voit se dessiner à travers lui, dans la parabole du fils prodigue, la figure du père qui attend, jour après jour, le retour de son fils cadet (Luc 15). Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive.

On peut lire ces chapitres à la lumière du Prologue avec l’invitation à choisir la vie par le moyen de l’obéissance. Dans le Prologue, on trouve également cette mise en garde tirée du psaume 94 : «  Aujourd’hui, mais écoutez donc la voix du Seigneur ! N’allez pas endurcir vos cœurs ! ». Or, c’est l’endurcissement du cœur qui conduit le coupable à l’excommunication, car c’est lui-même qui se sépare du corps communautaire.

L’excommunication est vraiment la toute dernière solution, et assez rare. Il faut que le supérieur saisisse toutes les chances proposées, et mises à sa disposition, avant d’en arriver à cette extrémité; tout faire pour recréer l’unité de la communauté.

 

CHAPITRE 31 : DU CELLÉRIER DU MONASTÈRE, QUEL IL DOIT ÊTRE.

 

 Jeudi 8 juillet :

 

Le cellérier a, dans le monastère, un rôle important. Beaucoup de qualités sont exigées de lui, des qualités humaines d’abord, mais, par-dessus tout, des qualités de sagesse avec la crainte de Dieu. Cette charge est un service qui ne s’exerce pas comme on ferait de n’importe quel métier dans la société. Il reçoit cette charge de l’abbé pour être au service des frères, étant lui-même un frère parmi les frères, et qui s’est engagé au service du Christ.

Cette charge qu’il a reçue peut trouver des modèles dans la Bible. On pense par exemple à Joseph chargé de veiller comme un père sur le peuple accablé par la famine et de lui procurer la subsistance.  On pense aussi aux diacres qui ont reçu l’Esprit Saint en vue de leur mission. Or, la Sagesse et la crainte de Dieu sont des dons de l’Esprit Saint ! La tâche de cellérier concerne la vie matérielle du monastère, ce qui implique un respect des biens et des objets, respect recommandé aussi à chacun des frères. Sa tâche concerne également l’attention aux personnes avec leurs limites et leurs faiblesses: aux frères, aux malades, comme aux hôtes de passage et aux pauvres. Mais cela suppose aussi, de la part des frères, des demandes raisonnables comme d’accepter que tout n’est pas forcément possible. La sagesse implique toujours la mesure et l’équilibre.

 

Vendredi 9 juillet :

Aux qualités déjà signalées dans le chapitre précédent, et qui sont exigées du cellérier : la sagesse et la crainte de Dieu, saint Benoît en ajoute une autre : l’humilité. La charge de cellérier s’exerce dans l’obéissance à l’abbé, mais elle est au service de la communauté. Elle demande, surtout aujourd’hui, des compétences techniques de plus en plus nombreuses en différents domaines, comme une rigueur dans leur gestion. Mais, en même temps, le cellérier doit répondre aux besoins des frères, avec discernement, car il faut examiner si leurs demandes sont raisonnables et peuvent être satisfaites. En toutes choses, il doit veiller à ce que la paix de la maison de Dieu soit préservée.

Les frères doivent pouvoir compter sur sa bienveillance, mais aussi accepter de ne pas toujours tout obtenir. C’est une façon de maîtriser nos désirs.

 

CHAPITRE 32 : DU MATÉRIEL DU MONASTÈRE.

 

Samedi 10 juillet :

 

Ce chapitre fait suite à celui concernant le cellérier. C’est normalement lui qui a la charge des biens du monastère, charge qui lui est confiée par l’abbé. Mais certaines responsabilités peuvent être confiées par l’abbé à d’autres frères en qui il aura confiance.

Cela signifie d’abord que ce n’est pas le seul cellérier qui est chargé de tout l’aspect matériel ; cette responsabilité est portée par plusieurs. C’est en communauté que nous gérons tout ce qui se fait, les travaux de la maison, comme la vie de tous les jours. Cela signifie aussi que nous devons tous avoir le respect du matériel du monastère, de ses ressources, du travail des uns et des autres. Nous ne devons pas être des consommateurs irresponsables qui malmènent les objets, qui gaspillent les ressources ou qui jettent ce qui peut être encore utile.

A l’appel du pape, mais pas seulement de lui, nous prenons davantage conscience aujourd’hui du respect dû à la création et de la nécessité de partager équitablement les ressources de la terre. Nous sommes donc conduits à vérifier notre façon d’utiliser les biens mis à notre disposition et de notre consommation des ressources non renouvelables, pour ne pas nous comporter en égoïstes insouciant de ceux qui manquent du nécessaire.

 

Père Claude
Prieur du Bec