Selon les Constitutions de notre Congrégation de Mont Olivet, les abbés, arrivés à l’âge de 75 ans, remettent leur charge abbatiale. Arrivé à la fin de son mandat abbatial le 3 décembre de cette année 2020, Père Abbé a envoyé sa lettre de démission à Père Abbé Général qui l’a acceptée.
C’est très simplement, à la fin des vêpres du jeudi 3 décembre où nos sœurs étaient présentes, que Père Abbé a remis sa charge en présence de Père Mark-Ephrem, Abbé de Holy Cross Abbey à Rostrevor en Irlande, et notre Commissaire depuis 2018. Seules quelques personnes du village assistaient aux vêpres.
Père Abbé présidait l’office avec, à sa droite Père Abbé Mark-Ephrem, et à sa gauche, le Père Pierre, curé de Brionne qu’il avait invité. A la fin de la liturgie, juste avant que Père Abbé donne la bénédiction, Père Mark-Ephrem a lu au légile le texte ci-dessous :Le Te Deum que nous allons chanter est une façon pour nous de rendre grâce pour tout ce que le Seigneur a accompli en Père Abbé Paul-Emmanuel dans l’exercice de son ministère abbatial.
Il m’est revenu en tête une expression chère à Père Abbé Paul (Grammont, note de l’éditeur) : « Il est important de fermer la boucle. » Le chant du Te Deum a accompagné Père Abbé Paul-Emmanuel dans les grandes étapes de sa vie monastique, au jour de sa profession solennelle, au jour de son élection puis au jour de sa bénédiction abbatiale et, enfin, ce soir nous le chantons une nouvelle fois alors qu’il remet sa charge.
Il est aussi peut-être important de nous rappeler qu’aujourd’hui Père Abbé Paul-Emmanuel célèbre son anniversaire de naissance et que donc ce Te Deum n’est pas chanté d’abord pour rendre grâce pour ce qu’il a accompli, ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il est, un fils enfanté par la grâce de Dieu.
Je sais que dans la plupart de nos monastères, nous ne célébrons pas les anniversaires de naissance, nous marquons plutôt les fêtes et les grandes étapes du cheminement monastique. Toutefois, Henri Nouwen nous rappelle qu’il est important de célébrer les anniversaires de naissance plutôt que les réussites, les victoires, les réalisations humaines. Selon lui, lorsque nous souhaitons à quelqu’un un bon anniversaire nous disons à cette personne : « Merci d’être celui que tu es et d’être parmi nous », tout simplement : « Merci d’être. »
Permettez-moi de citer Nouwen : « Au jour anniversaire d’une naissance, nous célébrons le présent, nous ne nous plaignons pas de ce qui est arrivé dans le passé, ou nous ne spéculons pas au sujet de l’avenir. Nous nous tournons tous vers quelqu’un et nous lui disons : nous t’aimons. » (Here and Now, p. 5)
Cher Père Abbé Paul-Emmanuel, si ce soir nous voulons rendre grâce pour ta naissance, nous devons aussi reconnaître que cette date est un passage important pour toi : un tiers de ta vie a été vécu comme Abbé. Les dernières années ont été marquées par beaucoup de travail et peu de repos, par de nombreuses bénédictions et aussi par des traversées difficiles. Si tu regardes en arrière, il se peut qu’il y ait des choses dont tu ne perçoives pas encore tout le sens.
L’épisode des disciples d’Emmaüs nous montre que nous avons besoin de temps et de recul pour discerner le sens de tout ce qui se passe dans nos vies. Mais plus encore que temps et recul, le seul véritable exégète de nos vies, c’est le Christ. Nous osons croire qu’il est avec nous tout au long du chemin. Comme il était au jour de ta naissance, il est aujourd’hui avec toi. Comme il est avec chacun, chacune de nous de manière très personnelle, il est aussi avec nos communautés, il les aide à mieux comprendre leur histoire et à avancer dans l’Espérance Sainte qui ne déçoit pas.
Un nouveau chapitre s’ouvre maintenant pour toi, Père Abbé Paul-Emmanuel ainsi que pour les frères et les sœurs du Bec. Comme les naissances, les commencements sont souvent douloureux. Mais il est bon de se rappeler les mots de Mère Térésa de Calcutta : « Hier n’est plus, demain n’est pas encore. Nous n’avons qu’aujourd’hui. Commençons. »
Les sœurs, puis les frères entourent ensuite l’autel où, après le chant du Te Deum, Père Abbé monte pour y déposer sa crosse, puis sa croix pectorale, son anneau et enfin l’étole. Quatre signes très forts. En redescendant, il reçoit le baiser de Paix de Père Abbé Mark-Ephrem.Celui-ci y monte alors à l’autel avec Père Claude, le Prieur, et lui adresse ces quelques mots :
Cher frère Claude,
Je t’invite ce soir, en présence de tes frères et sœurs, à faire confiance au Seigneur qui est fidèle à sa promesse d’être toujours avec nous.
Il est avec toi !
Qu’il te donne sa paix.
Qu’il t’accorde en abondance sa douce force;
Qu’il te revête de son amour…
Afin que tu puisses exercer le ministère d’autorité et de communion qui t’est confié pour un temps à l’abbaye Notre-Dame du Bec.
Par ces quelques mots, le supérieur canonique, en la personne du Commissaire, signifie au Prieur claustral sa charge pour le service de la communauté en attente de la nomination d’un nouveau supérieur qui avait été demandé à l’Abbé Général et au Définitoire par la communauté. Il lui donne l’étole, puis le baiser de paix avant d’embrasser ensemble l’autel et de redescendre. Les deux communautés entonnent alors le chant du Veni Sancte Spiritus pour demander la grâce de l’Esprit Saint sur les frères et les sœurs réunis.
La procession se reforme pour sortir, Père Claude étant entouré par les deux abbés. Dans la sacristie, il a donné le baiser de paix à chacun des frères de la communauté. Un dîner festif au réfectoire achève cette sobre cérémonie.