Dimanche 29 janvier :
Tout ce premier degré d’humilité est un appel à la vigilance. Il faut d’abord se garder d’oublier le Seigneur, puis se remémorer sans cesse son action et ses bienfaits pour nous, et enfin veiller sur nos pensées afin qu’elles nous ramènent toujours à Dieu qui conduit notre vie.
Cela nous amène à ne pas faire notre volonté propre, mais à laisser la volonté de Dieu se faire en nous. Dans le texte du Deutéronome qu’on lit au début du Carême, Dieu nous propose de choisir entre deux voies : l’une conduisant à la vie et au bonheur ; l’autre à la mort et au malheur. Cette dernière peut sembler droite, mais nous dit saint Benoît, elle plonge au fond de l’enfer. Au contraire, celle qui conduit à la vie parait plus rude, plus escarpée, mais elle conduit à la vie. Il nous faut donc faire nôtre cette recommandation du Seigneur, de choisir la vie, la vraie, la sienne.
Pour cela, il nous faut demeurer sous son regard, non comme des esclaves inquiets, mais comme des enfants confiants de l’amour de leur Père qui les aime et qui cherche toujours leur bonheur. Et saint Benoît insiste encore sur cette vigilance de nos pensées et de nos actes : « Tu as fait cela, et je me suis tu ».
Lundi 30 janvier :
Ce second degré d’humilité est beaucoup plus précis que le premier qui était une longue invitation à la vigilance sur soi, sur ses pensées, ses désirs, afin de les tourner vers Dieu. Ici, saint Benoît invite le moine à renoncer à sa volonté propre pour accomplir celle de Dieu en imitant le Christ Lui-même. Citant le psaume 39, Il déclare : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Il nous montre ainsi le chemin qu’il nous faut prendre.
Et c’est tout au long de notre vie qu’il nous faudra renoncer à faire nos désirs, à des projets, à un certain confort pour pouvoir être là où nous devons être : à l’office, aux différents services comme au travail et à tous les actes communautaires, chaque fois que tout cela est prioritaire. Mais nous ne devons pas agir dans une tension continuelle, nous devons seulement vérifier si nous sommes vraiment donnés à Dieu et si nous sommes donnés par amour pour Lui. En nous référant à l’Amour même du Seigneur, notre fardeau nous sera ainsi moins lourd à porter.
Mardi 31 janvier :
Dans ce troisième degré d’humilité, l’essentiel est dit en peu de mots, en deux mots exactement : amour et obéissance ; « pour l’amour de Dieu » et « en totale obéissance ».
Ce qui fait la valeur de l’obéissance à un supérieur, c’est l’amour que l’on a pour Dieu. Et encore une fois, cette obéissance n’est pas une contrainte que l’on subit de mauvais gré, ou par devoir, car elle est précédée d’un choix, d’une liberté, mais qui ne l’empêche pas d’être parfois très éprouvante. Mais elle nous est donnée en modèle par le Christ. C’est bien Lui que nous devons imiter car, par amour de son Père, « Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort » comme nous dit l’hymne de l’Épitre aux Philippiens cité par saint Benoît. Il a donné sa vie par amour pour nous, afin de nous sauver, réalisant ainsi le projet de son Père.
Grâce à l’offrande que le Fils a fait de lui-même, nous pouvons ainsi entrer, nous aussi, dans la communion des Personnes divines.
Mercredi 1er février :
Dans ce quatrième degré d’humilité, saint Benoît montre comment Dieu nous exerce à la patience et à l’humilité qui sont le résultat de l’obéissance aux ordres donnés, comme aussi aux circonstances imprévues et aux situations difficiles. C’est l’acceptation de toutes ces contraintes comme de ces injustices blessantes qui permettent au moine, sans se cabrer ni se décourager, de se laisser conduire dans la voie de l’humilité. Il ne s’agit pas de souffrir – c’est le sens du mot ‘’patience’’ – de souffrir pour souffrir, ce qui serait malsain et même pathologique, mais s’il faut supporter les épreuves, c’est pour être uni au Christ qui a souffert pour nous, pour nous obtenir de vivre avec Lui. C’est un chemin à parcourir, un passage vers la vie vraie.
Et pour montrer la diversité de ces situations, saint Benoît nous propose un florilège de citations bibliques tirées des psaumes, de paroles de Jésus dans l’Évangile ou de l’apôtre Paul. On rencontre fréquemment dans les psaumes des prières de souffrants, de justes confrontés à l’injustice ou à la persécution. Mais la répétition régulière de ces psaumes ne peut que nous aider à accepter pour nous même, ces situations difficiles lorsqu’elles se présenteront.
Les apôtres, que ce soit saint Paul ou saint Pierre ou un autre, ont vécu bien des tribulations qui ont renforcé leur confiance et leur amour pour Dieu. Et Jésus nous encourage par sa vie et son enseignement. C’est dire que nous ne restons pas seuls, car nous pouvons toujours nous appuyer sur la Parole de Dieu et sur les exemples de ceux qui ont connu les mêmes tribulations et les ont traversées dans une totale confiance en Dieu. Et la force de la Parole de Dieu est un puissant soutien qui nous conduira à la victoire, celle du Christ qui souffre avec nous.
Jeudi 2 février, fête de la Présentation de Jésus au Temple :
Dans ce cinquième degré, saint Benoît recommande l’ouverture du cœur comme au chapitre IV (verset 50) de l’art spirituel. Nous avons tous un cœur mélangé avec toutes sortes de mauvaises pensées qui peuvent nous envahir, car nous sommes blessés par le péché. L’ouverture du cœur à un père spirituel permet de faire la lumière et de briser ces mauvaises pensées contre le Christ. Et s’il faut faire un rapprochement entre ce cinquième degré et la fête d’aujourd’hui, ce pourrait être par Marie.
En recommandant la transparence du cœur, saint Benoît nous fait remarquer que Marie, qui n’a pas connu le péché, ne peut donc pas avoir de mauvaises pensées ; elle est tout entière offerte à Dieu car elle s’offre elle-même en même temps qu’elle offre son fils au Seigneur.
Et cette offrande la mènera beaucoup plus loin qu’elle l’imagine : transpercée par un glaive de douleur, selon la prophétie du vieillard Syméon, elle sera associée à la Passion de son fils et participera par ses souffrances au mystère de la Rédemption. En retour, son fils fera d’elle la mère de tous ceux qu’Il rachète par son sang.
Ainsi, nous sommes appelés par l’humilité et l’ouverture du cœur à accueillir la vie et l’amour du Seigneur, à nous laisser prendre par Lui pour participer à son œuvre de Rédemption.
Vendredi 3 février :
Dans ce sixième degré d’humilité, on touche encore le parfait abaissement, un aspect radical de l’humilité : être content de n’importe quelle extrémité, se reconnaître indigne ouvrier, serviteur inutile… Mais tout cela ne serait rien, et humainement serait parfaitement scandaleux, si Dieu n’était pas présent.
Ce qui permet d’accepter de telles situations, c’est cette assurance d’être auprès de Dieu : être anéanti, être une brute, oui, mais devant le Seigneur car, humainement, une telle attitude peut paraître révoltante. Mais il faut la regarder avec les yeux de la foi et reconnaître, comme chez les prophètes et le psalmiste, que même au plus profond de la détresse, Dieu accompagne son serviteur car Il est présent. Notre assurance vient de ce que Jésus a connu l’anéantissement, le creux de la souffrance jusqu’à la mort. Mais il a gardé confiance en son Père, en sa présence et en son appui. Rappelons-nous que les psaumes qui sont fréquemment cités, Il les a fait siens, Il les a priés comme pour le psaume 21 qui commence par ce cri de détresse : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Mais il se termine par un chant de louange et de confiance ; il est traversé par un mouvement pascal, le passage de la mort à la vie.
Jésus s’est surtout reconnu dans ces pauvres souffrants, et après Lui, nous pouvons, nous aussi, nous reconnaître en eux et porter devant Lui tous ceux qui peinent et qui souffrent aujourd’hui.
Samedi 4 février :
Le septième degré d’humilité nous rappelle ce qu’est l’humilité véritable. Ce ne sont pas des déclarations verbales qui attireraient l’attention sur soi, mais c’est d’abord une conviction intime, un attrait du cœur qui s’exprime par des actes.
L’humilité vraie prend le Christ pour modèle et nous configure à Lui, comme en témoigne le psaume 21 qui est un psaume de la Passion, du Vendredi Saint. Jésus l’a fait sien ; Il l’a prié. C’est le psaume du juste abandonné, persécuté, et il est abondamment cité dans les récits de la Passion, mais il se termine dans la lumière. Sa dernière partie est une profession de foi et d’espérance en Dieu qui peut délivrer son Fils de la mort.
Quant à la dernière citation qui vient du psaume 118 : « Il est bon que tu m’aies humilié, afin que j’apprenne ta Loi », c’est la reconnaissance de la valeur de l’échec et de l’humiliation. C’est une école de confiance en Dieu qui nous sauve de l’orgueil, qui nous éduque et nous forme à l’obéissance. L’humilité est donc un chemin de vie où chaque jour on marche et où on progresse en se laissant instruire par Dieu.Lundi 23 janvier :
Par cette précision sur l’obéissance, saint Benoît rappelle qu’elle est d’abord donnée à Dieu ; c’est pour Lui que nous servons et une obéissance de mauvais grès ne peut pas être bien accueillie par Lui.
Dieu se sert de relais humains ; c’est pourquoi l’obéissance est due aux supérieurs et par eux va à Dieu. Et si elle est agréable à Dieu, elle est en conséquence, douce aux hommes. Une fois de plus, saint Benoît met en garde contre le murmure, même intérieur, car Dieu voit le cœur qui murmure. Et toujours, prenons comme modèle parfait d’obéissance, le Christ lui-même, qui a toujours fait la volonté de son Père.
CHAPITRE 6 : DU SILENCE.
Mardi 24 janvier :
A propos de ce chapitre, on ne devrait rien dire. Quand on évoque le silence, nous voyons d’abord l’absence de paroles : se taire, ne pas parler, surtout à tout propos. Mais pour certaines personnes, l’absence de paroles peut devenir source d’angoisse, donner l’impression d’un vide alors que les paroles ne combleront jamais ce vide !
Mais il ne suffit pas toujours de se taire pour être silencieux, car on peut avoir le cœur et l’esprit envahis de bruits, pas seulement des bruits extérieurs, mais surtout intérieurs : les pensées et les sentiments de toutes sortes peuvent se bousculer en nous et nous tenir dans une agitation permanente.
Saint Benoît est très clair en ce qui concerne la parole et le silence ; lui-même s’est enfermé dans le silence des ermitages pendant les premières années de sa vie monastique et on voit comment, en communauté, il respecte le silence qui favorise la présence à Dieu et la prière.
Nous vivons dans un monde bruyant où nous risquons de nous laisser envahir par tous ces bruits, toutes ces images ; des sollicitations de toute sorte. Il nous est donc demandé une ascèse pour préserver notre climat de silence, éviter les conversations inutiles ou futiles pour pouvoir respecter les temps et les lieux où le silence est nécessaire.
Être en silence ne consiste pas seulement à mettre une garde à sa bouche, pour reprendre l’expression du psaume 140, mais surtout à veiller sur ses pensées, à les filtrer. C’est aussi garder son cœur vigilant pour qu’il soit tout entier écoutant. Le silence de paroles et de pensées favorise l’écoute de la Parole de Dieu et l’attention aux inspirations de l’Esprit-Saint. Les citations bibliques de ce chapitre parlent d’elles-mêmes et nous font entrevoir l’image de Jésus. S’il parlait, surtout pour annoncer le Royaume, Il avait aussi besoin de temps de silence qui sont signalés dans les Évangiles et qui sont les moments favorables où Il pouvait s’entretenir avec son Père.
CHAPITRE 7 : DE L’HUMILITÉ.
Mercredi 25 janvier, fête de la conversion de saint Paul :
Le premier mot de ce chapitre sur l’humilité est : ‘’La divine Écriture’’. Et le verbe qui suit la traduction est : ‘’crie’’. « La divine Écriture nous crie ». Autrement dit, elle nous interpelle avec force, car c’est la Parole de Dieu qui se fait pressante et lance un appel à l’humilité. C’est une façon pour saint Benoît de dire que, pour obéir à Dieu, faire sa volonté, il faut passer par l’humilité ; et c’est un passage obligé. Et aussitôt suivent deux citations de l’Écriture, une parole de Jésus dans l’Évangile de saint Luc : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté » (Luc 14,11). La seconde citation est le psaume 130, un des psaumes de Complies.
Autrement dit, dès la première Alliance, et jusqu’à la nouvelle, Dieu nous invite à l’humilité. Tout au long de l’histoire du salut, Il forme son peuple à l’humilité ; Il l’éduque en le mettant à l’épreuve. C’est dans l’humilité, dans la reconnaissance de sa faiblesse qu’il peut revenir à Dieu en faisant l’expérience de sa miséricorde. Il peut alors découvrir l’humilité même de Dieu, car son humilité va jusqu’à nous rejoindre dans notre humanité avec nos faiblesses, nos pauvretés, notre péché. C’est Jésus qui se fait l’un de nous pour venir à notre rencontre et relever les pêcheurs que nous sommes en nous donnant sa Vie. Nous avons donc sans cesse à nous replonger dans les Écritures pour laisser Dieu nous former à l’humilité.
Et l’Église nous offre aujourd’hui un bel exemple d’humilité avec l’apôtre Paul, lui qui farouche défenseur et excellent connaisseur du judaïsme, jusqu’à être un persécuteur acharné de la vie nouvelle, a été renversé, retourné par celui qu’il persécutait. Il a dû abandonner toutes ses assurances et sa superbe pour renaître par le baptême et mettre toute son ardeur au service de l’Évangile du Christ. L’humilité demande toujours une conversion.
Jeudi 26 janvier :
Au début du chapitre sur l’humilité, saint Benoît a cité cette phrase de l’évangile : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté ». Pour exprimer ce double mouvement, saint Benoît utilise l’image de l’échelle de Jacob où celui-ci voyait des anges monter et descendre. Mais saint Benoît change le sens de la vision : dans la Genèse, les anges établissent la relation entre Dieu et les hommes, entre la terre et le ciel, alors qu’ici, l’image de l’échelle met l’accent sur la montée par l’humilité et la descente par l’orgueil. Elle prend ainsi une signification nouvelle, morale.
Saint Benoît désire que nous parvenions à la vie en Dieu, en tendant vers le haut ; et le moyen d’y arriver, c’est donc l’humilité qui nous fait descendre, nous abaisser si l’on veut monter pour atteindre les sommets de la vie en Dieu. C’est ce que saint Benoît va développer dans tout ce chapitre avec cette image de l’échelle de Jacob, avec ce mouvement simultané de descente par l’humilité afin de pouvoir monter vers Dieu. Et s’il peut y avoir des chutes dues à l’orgueil ou au péché, ces chutes seront l’occasion de relèvements si nous les regrettons sincèrement.
Si saint Benoît propose des degrés d’humilité sur cette échelle, ils ne sont pas des échelons à gravir forcément dans l’ordre indiqué, mais plutôt des aspects différents d’humilité. Les montants qui représentent notre corps et notre âme sont notre être tout entier avec ses différentes dimensions et l’ensemble de notre vie, car jusqu’au bout nous serons en marche, ou plutôt en ascension vers la vie future. Et pour nous y aider, nous avons l’exemple du Christ, doux et humble, avec le secours de l’Esprit-Saint et le soutien des frères et de l’Église car l’humilité ne va pas sans la charité.
Vendredi 27 janvier :
Saint Benoît ne nous cache pas que, pour parvenir à l’humilité, il faut un long travail, et c’est celui de toute notre vie. Il emploie l’image de l’échelle de Jacob et décrit les degrés sur lesquels il nous faut monter pour arriver au sommet, c’est-à-dire à la paix intérieure donnée par Dieu. Même si ces degrés ne se pratiquent pas suivant un ordre chronologique, l’un après l’autre, mais présentent plutôt les différents aspects de l’humilité, le premier degré conditionne tous les autres : il consiste à croire et à vivre de la présence de Dieu et pour cela, à maîtriser ses pensées.
Fuir l’oubli de Dieu, c’est se remémorer son action dans les siècles passés et dans l’Église d’aujourd’hui. Pour cela, il faut relire et méditer sa Parole dans les Écritures, et voir son action aujourd’hui dans l’Église et dans la vie des hommes. Nous restons toujours l’objet de son Amour. Et en même temps, savoir que nous sommes en sa Présence, implique une vigilance sur nos pensées comme sur nos actes. Et pour illustrer son propos, saint Benoît donne ici un ensemble de citations bibliques et évangéliques.
Dans cette première étape, le moine accepte sa condition de créature. Mais se sentir regardé par Dieu ne doit pas nous effrayer, mais au contraire nous donner confiance, car son regard est toujours un regard d’amour pour nous.
Samedi 28 janvier :
Ce matin, c’est Père Abbé Mark Ephrem, de passage pour 24 h. au Bec, qui donne son commentaire de la Règle :
« L’Écriture nous détourne de faire notre volonté propre quand elle dit : ‘’Tourne le dos à tes volontés’’. Et dans la Prière, nous demandons à Dieu que ce soit sa volonté qui se fasse en nous ». Vivre dans l’humilité, c’est vivre dans une grande confiance en Dieu et c’est le chemin dans lequel nous sommes toujours conduit.
Dieu ne veut que notre bien ; Il veut nous donner sa Vie divine et que sa Volonté se fasse en nous. Demandons à Dieu, dans une très instante prière, ‘’d’épouser’’ sa Volonté, puisque notre Père ne veut que notre bien. Ce qui compte, c’est l’ouverture du cœur à Dieu, dans l’attitude de celle du publicain de la parabole, car « Dieu scrute les cœurs et le reins (Ps. 7, 10) » rappelle saint Benoît.
Il nous faut rester présent à Dieu, car Dieu, lui, nous est toujours présent. Et si nous lui sommes présent, nous serons aussi présent à tous nos frères pour leur communiquer justement cette présence par un geste, une parole, ou tout simplement ce que nous sommes, avec la paix et la joie données par l’Esprit-Saint.