Écouter une parole du Bec en 2023 – S06

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Catégorie : Vie monastique

Dimanche 5 février :

En rappelant que nous devons suivre la règle commune et les exemples des anciens, saint Benoît insiste sur l’importance de la tradition. Ce n’est pas nous qui avons inventé la vie monastique, mais c’est parce qu’elle existait déjà, c’est parce que des anciens l’ont pratiquée avant nous, que nous avons été attirés par cette vie. C’est le Christ qui nous a appelés et les exemples des anciens ont conforté ce choix.

Cela ne veut pas dire que nous devons entrer dans un moule figé ; au contraire, la tradition doit rester vivante, et pour employer un mot contemporain, il nous faut ‘’revisiter’’ cette tradition, mais sans la rejeter sous prétexte que nous serions meilleurs. C’est la même chose dans l’Église où l’on ne doit pas se contenter de répéter, sans réflexion, ‘’ce qui s’est toujours fait’’ ! Au contraire, il faut accueillir les valeurs du passé pour mieux le vivre aujourd’hui et adapter ce qui doit être adaptable. Et en même temps, nous devons rester ouvert à l’avenir dans la foi et dans l’espérance.

Enfin, saint Benoît nous rappelle que nous ne sommes pas seuls ; nous marchons ensemble, en communauté. Nous ne pouvons pas nous écarter ou nous affranchir des usages et des règles admis par l’ensemble. Leur acceptation et leur observance est une dimension de l’humilité.Lundi 6 février :

Comme nous le disions au début de ce chapitre 7, les degrés d’humilité ne sont pas des échelons à gravir les uns après les autres dans l’ordre donné par la Règle, en les suivants de 1 à 12. Ce sont différents aspects, différentes facettes d’un diamant qui brillent ensemble, mais dont on ne perçoit pas l’éclat de tous en même temps. Les uns sont en rapport avec l’obéissance ou le renoncement à sa volonté propre, la transparence du cœur ou l’acceptation de situations difficiles.

Le neuvième degré d’humilité, qui rejoint le chapitre 5 de la Règle sur le silence et que nous lisons maintenant, est lié à la maitrise de la parole. Et on comprend facilement tous les dérapages possibles lorsqu’on parle trop : désir de paraître, de se faire valoir, paroles blessantes, médisance… Au contraire, éviter l’excès de paroles permet la réflexion, l’écoute des autres, mais surtout l’écoute de la Parole de Dieu. Le silence favorise aussi la paix intérieure, comme il favorise la prière, l’attention à la volonté de Dieu.

On se rend bien compte que tous ces degrés d’humilité s’appellent les uns les autres ; l’un ne va pas sans l’autre. Le vrai silence favorise le recueillement, car l’excès de paroles est souvent signe d’agitation intérieure, d’un flot de pensées qui se bousculent et qui, bien sûr, empêche l’écoute, l’attention à l’Hôte intérieur. Le psaume 140 dit : « Mets une garde à ma bouche et veille sur la porte de mes lèvres ». Il y a donc une ascèse du silence par une maîtrise des paroles, des pensées et des sens. Ce don du recueillement, de la paix intérieure et de l’écoute est à demander dans la prière.

 

Mardi 7 février :

On pourrait penser que saint Benoît est très austère avec ce dixième degré lorsqu’il écrit : « s’il n’est pas facile et prompt au rire ». Cet énoncé est à rapprocher d’un des instruments des bonnes œuvres : « Ne pas aimer le rire excessif et éclatant ». Il ne s’agit pas seulement là d’un principe de sagesse, de bonne éducation ou de bon comportement en société, même si cela a son importance, car ici saint Benoît se réfère à l’Écriture Sainte, au Siracide (Sir. 21, 23).

Le rire facile et bruyant, associé avec le bavardage incessant ou l’excès de paroles, peut traduire une absence de vie intérieure, de recueillement, de silence, et en conséquence, un manque d’écoute de la Parole de Dieu, un manque de profondeur.

Cela ne veut pas dire qu’il faut être triste, mais la superficialité peut traduire un mal-être. La vraie joie au contraire naît de l’intériorité, de l’attention à la Parole de Dieu, de l’attention au prochain, d’une vie intérieure intense. Elle se vie dans la célébration de l’office divin, dans l’attention aux saints mystères, dans les rencontres vraies et le partage, car elle a sa source dans le mystère pascal, mystère de mort et de résurrection.

On connaît dans la Bible le rire de Sara, marqué au début par son incrédulité, mais devenu émerveillement devant la réalisation de la promesse divine. Et Jésus dira à propos d’Abraham : « Il s’est réjoui à la pensée de voir mon jour ». On pense aussi à la joie de Marie dans le Magnificat, à l’exultation de Jésus sous l’action de l’Esprit-Saint à cause du salut révélé aux plus petits et aux humbles. La joie dans l’humilité, c’est l’action de la grâce pour l’œuvre de Dieu qui s’accomplit.

Mercredi 8 février :

Ici encore, dans ce onzième degré, saint Benoît recommande la maîtrise de la langue, comme dans les instruments des bonnes œuvres : « Ne pas aimer à beaucoup parler, ne pas dire de paroles vaines, ni de facéties, … » On retrouve ces recommandations en divers endroits de la Règle.

Nous éprouvons tous le besoin de parler, même s’il nous arrive souvent de trop parler et de tomber dans le bavardage en tenant des propos inutiles. Ce peut être même l’occasion de murmurer ou de mal parler du prochain. Et nous connaissons ce que dit l’épitre de saint Jacques à propos de la langue qui peut faire des ravages et mettre le feu ; elle a un pouvoir double : « Par elle, dit saint Jacques, nous bénissons le Seigneur et Père, et nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu » (Jac. 3, 9). Il nous faut donc veiller à la maîtriser, à retenir notre langue du mal comme il est dit au Prologue. La parole est un instrument de relation et elle doit être au service du bien. C’est pourquoi, mieux vaut qu’elle soit maîtrisée, réfléchie, comme enveloppée de silence.

Le silence favorise l’écoute et la prière. Rappelons-nous Marie qui, nous dit l’Évangile de saint Luc, conservait toutes ces choses dans son cœur.

Concrètement, il nous faut veiller à ne pas parler à tout moment et à tout propos pour maintenir, le plus possible, un climat de silence qui favorise le recueillement et l’écoute de Celui qui nous parle au cœur.

Jeudi 9 février :

Le douzième degré est l’aboutissement de tout un travail qu’on pourrait dire sur soi-même, un travail d’ascèse. Mais est-ce bien nous qui faisons ce travail ? Pour une part, sans doute, mais pour une petite part seulement, car l’essentiel du travail est réalisé par la grâce de Dieu, par l’Esprit-Saint.

Au Prologue, saint Benoît écrivait : « D’abord, à proportion même de la bonne entreprise que tu commences, demande-Lui par une instante prière que Lui-même la fasse en perfection ». Ainsi, dans le domaine de l’humilité, il nous faut demander au Seigneur d’accomplir Lui-même son œuvre en Le laissant nous tailler, nous corriger, nous purifier… En conclusion, nous devons nous oublier nous-même !

Aux yeux du monde, une telle attitude pourrait paraître scandaleuse, mais avec le regard de la foi, ce renoncement à nos désirs, à notre volonté propre, permet au Seigneur de nous combler de sa Présence et de son Amour.

Tous ces degrés sur l’échelle de l’humilité aboutissent à cet état bienheureux, et la parabole du pharisien et du publicain, citée au début du chapitre, est reprise ici en conclusion : « Seigneur, je ne suis pas digne, moi pécheur, de lever les yeux vers le ciel ». Dieu voit le cœur humble et contrit, et Il le comble de tout son Amour. Mais c’est le travail de toute une vie ; un travail réalisé en grande partie par le Seigneur dans celui qui se laisse guider par Lui.

 

CHAPITRE 8 : DES OFFICES DIVINS LA NUIT.

Vendredi 10 février, fête de sainte Scholastique :

Nous entrons, avec ce premier chapitre, dans le cycle consacré à l’office divin. Dans la vie de saint Benoît, relatée par saint Grégoire, celui-ci raconte comment « sa sœur Scholastique, consacrée à Dieu dès son enfance, avait la coutume de venir le voir une fois l’an [..] pour passer avec lui, la journée entière dans la louange de Dieu et les entretiens spirituels ». Dans cette rencontre, prolongée toute la nuit à la prière de la sainte moniale, nous sommes introduits dans l’office nocturne puisque, dit saint Grégoire, la nuit se passa pour eux à louer Dieu.

Mais dans sa Règle, saint Benoît ne demande pas de prier toute la nuit comme il l’a fait, un peu malgré lui, avec sa sœur, dans cette rencontre annuelle qui s’est prolongée plus que de coutume !

Tous ces chapitres sur les offices divins sont marqués par la régularité, car l’office divin scande la journée, et même la nuit et c’est toute la durée du temps qui est sanctifié puisqu’il appartient à Dieu. Mais saint Benoît reste humain en tenant compte de la faiblesse de notre nature ; il prévoit un temps de repos suffisant pour que l’on soit capable d’assurer le service divin dès la fin de la nuit et dans la journée sans trop de fatigue, comme il va le développer par la suite.

 

CHAPITRE 9 : COMBIEN DE PSAUMES IL FAUT DIRE LA NUIT.

Samedi 11 février :

Dans ces chapitres sur les offices de Vigiles, saint Benoît insiste sur leur structure et leur place, et il en consacre plusieurs pour l’office de nuit. Après l’introduction du chapitre 8, il donne ici la structure générale de cet office et le mouvement qui le traverse. C’est un office très développé, car les heures de nuit sont un temps favorable pour la prière, à la fois louange avec la psalmodie, et écoute méditative avec les lectures et leurs répons. Les heures du jour seront plus courtes, mais plus nombreuses.

Cet office de nuit commence toujours par l’ouverture : « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange. » Après le silence de la nuit, nos premières paroles sont pour le Seigneur, et notre journée commence par sa louange. C’est Lui-même qui nous en donne la possibilité comme Il a ouvert la bouche de Zacharie pour la louange du Benedictus après le silence qui lui avait été imposé par l’ange pour son manque de foi.

Vient ensuite le psaume 3 qui est un psaume de Résurrection, car la louange est le fait des ressuscités et elle suppose la foi en la Résurrection de Jésus. Puis le psaume 94 est à la fois un appel à la vigilance, un appel à vivre dans la foi avec un rappel des tentations du peuple hébreu au désert. Et la suite de l’office continue à se dérouler avec l’alternance des psaumes chantés et des lectures méditées. L’office terminé nous prépare à commencer la journée dont le premier office sera les Laudes (ou Matines).

Sainte Scholastique