Saint Anselme 2020

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Saint Anselme 2020

Lors du premier chapitre général auquel j’ai participé comme abbé, je me souviens avoir été salué par Dom Roberto Nardin par un pompeux et malicieux « Ah, le successeur de saint Anselme ! ». Interdit, je n’ai rien pu répondre, mais me suis senti soudain recouvert d’une chape cramoisie, me demandant comment faire valoir cet héritage…

Par la suite, au quotidien, j’ai découvert que nous étions bien les fils de saint Anselme, mais avant tout par la fidélité à notre vocation monastique, la vie à laquelle le Seigneur l’avait appelé ici-même et qu’il y a menée pendant 33 ans.L’héritage de saint Anselme réside dans l’élan intérieur qui l’a conduit ici et l’a poussé ensuite et jusqu’à la fin à chercher et à mieux connaître celui qu’il y avait trouvé.

D’autres, pour rendre compte de leur foi et participer à l’exposé pastoral du dogme, ont élaboré des sommes, approfondi tel article particulier, ouvert des pistes de réflexion ; lui a exprimé avec des mots sa quête intérieure incessante de Dieu et son expérience du Salut dans le Christ. Ses écrits sont à la fois l’expression de sa prière et le stimulant de sa méditation. La logique de sa pensée et l’exigence rationnelle de sa réflexion viennent après et relèvent du style, de la méthode. Anselme est d’abord pour nous un père spirituel, pas un maître à penser : il ne nous enferme pas dans un système ou une école, mais nous précède et nous accompagne dans notre acte de foi ; il est un éveilleur, plus qu’un guide, un accompagnateur ou un coach, plus qu’un instructeur. Cela, pour nous, est très important, car, dans le respect de notre culture et de nos sensibilités, son cheminement est entraînant, typique d’une vraie démarche de foi.

Nous ne chanterons pas cette année le beau tropaire de saint Anselme, qui reprend une prière du Proslogion ; comment ne pas le citer ? Il dit le feu qui brûle le cœur d’Anselme et le brûlera jusqu’à son dernier souffle : Qu’il me soit permis, Seigneur, de contempler ta lumière. Apprends-moi à te chercher, et découvre-toi à celui te cherche. Que désirant, je te cherche, que cherchant, je te désire, que t’aimant, je te trouve, et que je t’aime en te trouvant…

Anselme ne se prévaut pas de son expérience pour baliser et déterminer un chemin de croissance spirituelle à l’intention des autres ; il expose sa quête de Dieu, en laissant entendre que jamais cette quête ne sera achevée, puisqu’on ne connaît bien que celui ou celle que l’on cherche, et qu’à partir du moment où l’on croit connaître quelqu’un, il nous échappe, comme le cristal que l’on peut effleurer, mais qui se brise dès qu’on le saisit.

Héritiers de saint Anselme, nous n’avons pas la prétention d’ajouter quoi que ce soit à sa pensée ; il est pour nous le témoin de l’œuvre que Dieu réalise en ceux qui se laissent aimer par Lui. Les capacités intellectuelles dont son Créateur l’a doté ont pu porter du fruit, pour le bien de l’Église, parce qu’elles étaient semées dans un cœur amoureux. C’est précisément ce cœur amoureux qu’il nous faut entretenir ou retrouver.

Avec les années, en effet, l’usure et la routine, nous croyons avoir fait le tour de l’expérience monastique, et nous nous installons dans une tiédeur confortable, accomplissant les gestes et les actions de notre état, mais sans cœur. C’est la porte ouverte à une forme de désespérance et à la pire des infidélités, celle du pharisaïsme. A l’école de saint Anselme, on ne peut pas vieillir, on reste jeune, on est toujours à l’aube d’une découverte, au matin d’une rencontre : Descends dans le secret de ton âme, bannis-en toutes choses, hormis Dieu et ce qui peut t’aider à le chercher.

Fr. Paul Emmanuel
Abbé du bec

 

Note du Webmaster : voir ICI la très belle prière de Saint Anselme