Le bon Pasteur

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Catégorie : Homélies

4ème dimanche de Pâques -A- 2020

L’image du berger, dans une civilisation agraire et pastorale, est très parlante. Au XXIème siècle, dans l’univers numérique macadamisé et bétonné qui est le nôtre, elle l’est moins, mais reste quand même instructive.

Les faux bergers, aujourd’hui, qui fascinent et aliènent, ce sont les stars vénérées comme des dieux, les philosophes branchés dont on boit les oracles, sans discernement, les leaders politiques qui prétendent sauver le monde et que nous plébiscitons, mais aussi les figures emblématiques de la Tradition et du Progrès, clercs ou profanes, qui rallient les extrêmes des deux bords. Tous travaillent pour eux, leur ego, leurs intérêts.Pour ce qui nous regarde, nous avons choisi le Christ, choisi de le suivre, puisque nous sommes ici ; mais entre ce choix premier et aujourd’hui, quelle que soit la distance, qu’est devenu notre amour pour lui ? Pouvons-nous lui dire aujourd’hui, comme Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ! » (Jn 6, 68)

Oui, l’usure du temps, les imprévus et les accidents de l’histoire peuvent nous blaser, nous lasser ; et nous devenons, sans nous en rendre compte, des fonctionnaires de Dieu, fidèles aux obligations de notre état, extérieurement à notre place, mais ailleurs intérieurement, rivés à une actualité déprimante, à des courants de pensée délétères, à des slogans commerciaux creux et polluants.

Pourquoi avons-nous choisi le Christ, de préférence à tout autre perspective plus gratifiante, plus ‘payante’ ? Il nous a appelés par notre nom, il nous a promis la vie en abondance, il nous protège de tout danger (il est la porte), il assure notre subsistance (les bons pâturages), il nous rend libres d’aller et de venir. Mais, nous demande le monde : « Vous l’avez entendu vous appeler ? Vous ne manquez jamais de rien ? Vous ne souffrez pas, comme tout le monde, de maladies, de séparations douloureuses, de l’ingratitude et de la violence des hommes ? Êtes-vous si sûrs de ses promesses ? Un tien vaut mieux que deux tu l’auras, dit l’adage ! » Tout se joue là, en effet. Rencontrer le Christ, le reconnaître comme notre berger, celui en qui nous pouvons mettre notre confiance, que nous pouvons suivre, sans crainte de nous égarer, est un mystère indicible, mais tout aussi réel que la rencontre de celui ou celle avec qui nous décidons de fonder un foyer, une famille.

Ce qui suppose deux préalables : que nous soyons conscients que seuls, nous n’arriverons à rien ; que nous avons besoin, pas simplement d’un guide, d’un compagnon de route, mais d’un pasteur, envoyé de Dieu pour nous conduire à Lui. Ensuite et dans la même ligne, que nous soyons conscients de former un corps avec ceux, tous, que le Christ a choisis, ce qui est signifié par l’image du troupeau et de l’enclos de la parabole. C’est ensemble que nous pouvons avancer, sans risque de nous perdre et de mourir de faim ou de peur.

Car le berger ne peut remplir sa mission que s’il est à la tête d’un troupeau ; et il ne peut le conduire dehors que si chacun des membres du troupeau, l’ayant identifié et adopté, a choisi d’écouter sa voix et de le suivre, lui et ceux à qui il confie de le représenter.

 

Fr. Paul Emmanuel
Abbé du bec