Il serait vraiment insuffisant de présenter la demande de baptême que Jésus adresse à Jean comme un beau geste d’humilité : faire comme tout le monde, s’abaisser au niveau des plus pauvres, mettre de côté son identité profonde pour ressembler au tout-venant…
Non, il s’agit de tout autre chose, même si ces sentiments ne sont pas absents du geste de Jésus descendant dans l’eau du Jourdain, pour en remonter confirmé dans sa conscience d’être envoyé par son Père, pour réconcilier les hommes avec Lui et leur révéler à quoi Il les appelle.Relevons simplement la réponse de Jésus à la réserve de Jean devant ce que lui demande son cousin : « Pour le moment, laisse-moi faire ; c’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste. » On retrouvera cette formule, presque identique, quand Jésus annoncera aux Douze qu’il « faut que le Christ souffre, qu’il soit mis à mort et ressuscite ». Nous avons là une affirmation théologique : le dessein de Salut du Père conduit Son Fils Jésus à s’abaisser jusqu’à la mort, à tout donner de lui-même, jusqu’à sa vie, pour se recevoir pleinement de son Père. En demandant le baptême de Jean, Jésus entre dans le chemin pascal qu’est sa mission. « Dieu l’a, pour nous, identifié au péché, pour que nous devenions justice de Dieu. » (2 Co 5, 21).
Nous sommes à l’orée du ministère public de Jésus, au plus bas, le Jourdain, et le Père, attestant qu’il est Son Fils, le confirme dans sa mission. A l’autre extrémité, à l’approche de sa mort, Jésus , sur une haute montagne, apparaît glorifié, transfiguré, aux trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, et la même voix le déclarera Son Fils bien-aimé. Pauvre parmi les pauvres, à son baptême, dans la gloire de sa résurrection, lors de sa transfiguration, Jésus vit pour et dans son Père, offre sa vie pour la réalisation de Son dessein d’amour.
Le baptême que reçoit Jésus, aujourd’hui, annonce celui que donneront, demain, ses disciples, « au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit » : Jésus descend dans le Jourdain pour en sortir les pécheurs que nous sommes et les emmener avec lui dans la gloire de sa résurrection. Il nous faut donc dépasser le sentiment premier que nous éprouvons devant cette scène, de l’admiration devant l’humilité de Jésus, pour y voir son engagement total dans sa mission. L’admiration pourrait nous laisser passifs ; le regard de foi nous engage sur le même chemin pascal, nous qui nous disons disciples du Christ. Notre vie, du début à la fin, peut servir le dessein du Père, si elle est offerte à la louange de Sa gloire. Pas besoin, pour cela, d’être envoyé aux missions lointaines ou de recevoir un service d’Eglise important ; simplement vivre en ressuscités avec le Christ, témoins de l’amour et de la miséricorde du Père ; mais témoigner de ce mystère jusqu’au bout, jusqu’à servir la paix, la justice, le pardon, le partage, au quotidien, au plus près, jusqu’à la fin, en baptisés que nous sommes.
Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du bec