Le bapteme est une seconde naissance

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A l’occasion d’un partage sur le Baptême du Christ (Mat.3,13-17), notre groupe biblique a également échangé sur notre propre Baptême à partir d’un livre récent (1) dont il a été retenu ces quelques notes de lectures rapides, mais suggestives :

« Toutes les cultures ou les religions proposent des démarches anthropologiques d’initiation pour passer de l’enfance à l’âge adulte, de l’état de la ‘’non connaissance’’ à celui de la ‘’connaissance’’.On peut distinguer trois types d’initiations : initiations tribales (2), religieuses ou magiques.

« L’initiation, remarque le professeur Julien Reis, constitue un des phénomènes les plus significatifs de l’humanité ». Le rite d’initiation produit une modification du statut de l’initié. Le sens des rites d’initiation, à travers un passage comme celui de la mort à la vie, est de créer un homme nouveau. Pour l’homme religieux, les rites d’initiation renvoient toujours à ce qui le dépasse.

INITIATION CHRÉTIENNE.

Pour les premiers Pères de l’Église, le chrétien est un initié et l’initiant est le Christ. Au début de l’Église, la seule structure commune du Baptême a été pendant longtemps le bain baptismal lui-même accompagné de l’invocation de la Trinité. Pour les Pères, l’initiation consiste à franchir un nouveau seuil d’expérience, à découvrir le monde nouveau de la foi. D’où une nouvelle désignation du Baptême comme illumination (Jn.9,7 ). Pour les Pères, l’initiation se fait dans la célébration pascale où le catéchumène est baptisé, confirmé, eucharistié. Tradition toujours conservée dans les Eglises orthodoxes pour le baptême des enfants.

Pour Saint Jean Chrysostome, le « Baptême juif » (pour entrer dans l’Alliance avec la circoncision) purifie le corps de ses souillures, mais non l’âme de ses péchés. Celui de Jean, sorte de pont entre celui des juifs et le Baptême chrétien, infiniment supérieur et riche d’une plus grande grâce puisqu’il efface les pêchés, purifie l’âme et répand les trésors du Saint Esprit, réclame une démarche de conversion. Et l’initiation chrétienne ne vise-t-elle pas d’abord à entrer en communion avec le Christ ? Le cœur de Vatican II n’est-il pas « la reprise de conscience du sacrement du Baptême » ? (cf. encyclique de saint Paul VI : Ecclesiam suam.)

POURQUOI L’ÉGLISE BAPTISE-T-ELLE ?

C’est en se fondant notamment sur la parole de Jésus à Nicodème (Jn.3,5) que l’Église a toujours justifié sa pratique du Baptême sur le fait que celui-ci est nécessaire au salut avec le problème de ceux qui meurent sans ce sacrement. D’où l’élaboration, au cours des âges, de la notion de suppléances non sacramentelles du Baptême : Baptême de sang, de désir ou de sincérité (Maurice Zundel). « C’est le Baptême de l’Esprit seul, qui souffle où il veut et inspire à qui il veut un commencement de bonne volonté. Il atteint tous ceux qui ne refusent pas obstinément ce qui leur parvient de la lumière. » Cette ouverture a été ratifiée par Vatican II dans Lumen Gentium 16. Voir aussi Rm.2, 10-15.

L’Église baptise parce que Jésus le lui a commandé (Mt.28,19). « Célébré en obéissance à notre Seigneur, le Baptême est un signe et un sceau de notre engagement commun de disciples » (Texte du BEM de 1982). Le Baptême est le fondement de l’identité personnelle du chrétien. Tout homme est unique, et dans le Baptême, chacun reçoit une attestation que Dieu l’aime personnellement. Et aussi que chacun reçoit le signe qu’une place et une mission lui est faite dans une communauté de frères et de sœurs (l’Eglise).

LE BAPTÊME CHRÉTIEN EST PARTICIPATION AU BAPTÊME DE JÉSUS.

Le Baptême est nécessaire pour être sauvé, parce que seul le Christ est Sauveur et parce qu’on ne peut adhérer au Christ qu’en acceptant d’entrer à sa suite dans l’épreuve initiatique par laquelle il a opéré le salut de l’humanité (3) (Lc.12,50 et Mc.10,39). S’il est juste de dire que le Baptême, dans la foi, sauve ; il est plus exact encore d’affirmer que c’est Dieu qui sauve par le Baptême, ou par d’autres voies de sa miséricorde. Ce « Baptême pascal » de Jésus se trouve lui-même symboliquement signifié dans le triple récit synoptique du Baptême de Jésus par Jean-Baptiste que certains Pères et théologiens, dont saint Thomas d’Aquin, considèrent comme le lieu privilégié de l’institution du sacrement baptismal. Le Baptême du Christ nous enseigne à quelle profondeur se situe la kénose de Dieu et l’assomption de nos péchés. “Je ne suis pas venu, moi, pour appeler des justes mais des pécheurs.” (Mt.9,13).

Le texte du Baptême du Christ est susceptible de plusieurs lectures : investiture prophétique, inauguration de son ministère, prise de conscience de ce ministère et de son identité divine. Ce récit ne se présente pas seulement comme une théophanie, mais plus précisément comme l’évocation d’une expérience d’initiation dont on peut relever quelques éléments typiques :

Mat.3, 13 et ss : Alors paraît Jésus… : C’est un rappel de l’exode des Hébreux et pour chacun de nous, une sortie de notre milieu familier, de notre vie quotidienne…

Jean voulu s’y opposer : rupture avec l’imaginaire du prestige, de la puissance. Ce Baptême représenterait la première protestation publique de Jésus contre le rêve juif d’un messie triomphant.

Il nous convient d’accomplir toute justice : acceptation par Jésus d’un dessein de Dieu sur sa destinée, d’une passivité qui annonce celle de sa mort, car être baptisé par Jean, c’est se laisser plonger dans les eaux pour y disparaître en une mort symbolique (Mc.10, 39).

Jésus sortit de l’eau : renaissance symbolique annonçant la résurrection du tombeau.

Les cieux s’ouvrirent (expression symbolique d’une révélation céleste : Is.63, 10 ; Ez.1,1 ; Ap.4,1) et il vit l’esprit de Dieu descendre… et venir sur lui. Sortant de l’eau comme d’une nouvelle naissance, Jésus expérimente, dans sa conscience humaine, une nouvelle relation à Dieu, de l’Esprit qui l’unit au Père, anticipation symbolique de la nouvelle naissance de sa résurrection.

Et voici qu’une voix… Attribution d’un nom nouveau qui révèle la véritable identité, jusque là cachée, de Jésus. Et comme à Jésus, le Père dit à chacun de nous : Tu es mon Fils, mon bien-aimé. La vocation chrétienne est d’apprendre à être fils, un fils bien-aimé du Père.

On sait que, chez les Synoptiques, le récit du Baptême de Jésus est suivi de celui de sa tentation, c’est-à-dire de sa mise à l’épreuve au désert. Ce récit appartient, lui aussi, à la démarche initiatique à laquelle Jésus a voulu se soumettre. Jésus s’y laisse conduire par l’Esprit de Dieu. Il y pratique un jeûne prolongé et surtout il y affronte, à travers les sollicitations du « diable » (c’est-à-dire de celui dont Dieu se sert pour mettre à l’épreuve) les requêtes les plus impérieuses de la prétention humaine à l’autosuffisance. Cette lecture du baptême de Jésus peut être rapprochée de l’hymne paulinien sur la kénose du Christ (Ph.2, 6-8).

Si l’Église baptise, c’est par respect de l’homme, de cet homme que Dieu lui-même a respecté en se soumettant, en son fils incarné, à ce cheminement initiatique éprouvant sans lequel il n’y a pas d’accès à la liberté véritable ni d’accomplissement authentiquement humain et donc « christique ». L’initiation chrétienne consiste donc à être initié à une Personne, à se laisser initier par le Christ et en Lui.

 

Fr. Raphaël
Moine du Bec

 

1- ‘’Les sacrements de l’initiation chrétienne’’ Tome 1 aux Editions Parole et Silence 2018. Cours donnés au Collège des Bernardins de Paris et regroupés sous la direction du Père Alain Mattheews, s.j.

2- Dans certaines ethnies, l’adolescent(e), pour symboliser la séparation avec sa mère, est placé dans un trou d’eau représentant l’ »eau matricielle ». Ce rite se rattache au symbolisme naturel de l’eau qui exprime à la fois désintégration et régénération, symbolisme universellement attesté : sur tous les plans, cosmique, anthropologique et rituel, les eaux font mourir et renaître ; elles sont un abîme où l’on se perd, et une matrice où l’on se régénère, se purifie, se lave de ses péchés.

3- Saint Thomas avec d’autres théologiens et Vatican II (LG 16) ont précisé que cette adhésion au Christ, et donc à l’Eglise-Sacrement, peut être salvifique même si elle demeure implicite (cas de l’incroyant ou de l’infidèle qui opte pour le bien tel que sa conscience le perçoit).