CHAPITRE 69 : QUE NUL DANS LE MONASTÈRE NE SE PERMETTE D’EN DÉFENDRE UN AUTRE.
Dimanche 27 août :
Ce bref chapitre peut être mis en rapport avec la parole exprimée plusieurs fois par saint Benoît : « Ne rien préférer à l’amour du Christ ». En effet, défendre et protéger tel ou tel frère, même s’il y a un lien de parenté, c’est se mettre en contradiction avec la parole du Christ : « Celui qui veut venir à ma suite, qu’il renonce à son père, sa mère, ses frères… » (Luc 14, 26), qu’il renonce à lui-même et à sa volonté propre. Se faire le défenseur d’un frère peut être une cause de trouble dans la communauté, une source de divisions et de conflits. Défendre quelqu’un peut entraîner l’opposition à un autre et au lieu d’apaiser un conflit, on ne fait que l’aggraver.
Aussi, mieux vaut faire appel au supérieur ou à quelqu’un de neutre et s’en remettre à Dieu dans la prière.CHAPITRE 70 : QUE NUL NE SE PERMETTE D’EN FRAPPER D’AUTRES.
Lundi 28 août :
De même que saint Benoît interdit de défendre un frère, il interdit également d’en corriger un autre de son propre chef en s’arrogeant le droit de faire justice soi-même. Seul l’abbé a cette autorité, ou de la transmettre ; encore le fera-t-il avec discernement et dans la plus grande charité. C’est un peu cette même idée que l’on trouve dans ces deux derniers chapitres, d’hier et d’aujourd’hui.
On n’est d’ailleurs pas forcément le mieux placé pour faire justice, car on peut être prisonnier de ses penchants ou de ses émotions, de ce que l’on peut reprocher à l’autre ou bien de se reprocher à soi-même ! Il est donc nécessaire d’avoir un certain recul ou d’en avoir reçu l’autorité. Si non, on ne peut qu’aggraver les dissensions et les conflits et, en cédant à l’orgueil, on aggrave la situation au lieu de la pacifier.
Nous ne sommes pas supérieurs aux autres car nous sommes tous faillibles. Aussi, lorsqu’il faut pratiquer la correction fraternelle, que ce soit toujours avec charité et humilité et jamais sous le coup de la colère, ni avec violence. Nous devons toujours nous placer devant le Christ qui est le plus humble de tous et qui nous donne l’exemple de la miséricorde, du pardon et de l’humilité. En nous inspirant de Lui, nous aurons cette attitude de miséricorde les uns envers les autres.
CHAPITRE 71 : QU’ILS SOIENT OBÉISSANTS ENTRE EUX.
Mardi 29 août :
Il a déjà été question de l’obéissance dans la Règle : d’abord au Prologue, puis au chapitre 5, et encore dans le chapitre de l’humilité avec laquelle elle est associée. L’obéissance donnée au supérieur va jusqu’au Christ et c’est le chemin qu’il faut emprunter. Jésus lui-même, en faisant toute la volonté de son Père, est l’exemple parfait de l’obéissant. Et son amour total le conduira jusqu’à la croix. Ici, saint Benoît élargit le champ de l’obéissance ; non seulement elle est due au supérieur, mais elle est aussi due à chacun des frères : « Les frères s’obéiront mutuellement » nous dit saint Benoît.
Pour nous, comme pour tout disciple du Christ, l’obéissance consiste à abandonner sa volonté propre pour accomplir les ordres qui nous sont donnés, pour suivre la Règle dont les exigences sont une mise en œuvre de l’Évangile. Et s’il y a une hiérarchie dans l’obéissance, obéissance d’abord au supérieur avant celle due aux frères, celle-ci prend la forme de l’obéissance fraternelle ; c’est une des formes de la charité. Elle consiste en une attention et un respect des autres, car l’obéissance dans l’empressement de la charité doit pénétrer toute notre vie, toutes nos relations. C’est sur ce fondement solide que peut s’édifier notre vie communautaire.
CHAPITRE 72 : DU BON ZÈLE QUE DOIVENT AVOIR LES FRÈRES.
Mercredi 30 août :
Dans cet avant-dernier chapitre, qui est en fait un chapitre de conclusion de la Règle, saint Benoît résume en un mot ce qui doit animer toute la vie d’un moine, c’est l’amour. Notre vie doit brûler de charité qui est tout le contraire de la jalousie amère qui empoisonne le cœur et rend malheureux car on ramène tout à soi.
Saint Benoît nous propose huit moyens d’aimer qui vont du simple respect mutuel jusqu’à l’amour du Christ en passant par l’amour prévenant et désintéressé pour les frères : respect, patience, obéissance mutuelle, oubli de soi et attention à l’autre, charité fraternelle, amour de Dieu, charité envers l’abbé et préférence pour le Christ. Toutes ces qualités ont été développées dans la Règle. Mais il faut d’abord commencer par s’oublier soi-même pour pouvoir se donner totalement à Dieu et aux autres.
La jalousie qui est habituellement un vice où l’on ramène tout à soi devient donc ici une qualité par son changement d’objet, en recherchant uniquement le bien de l’autre. Amour de Dieu et amour du prochain deviennent alors inséparables comme saint Benoît nous le recommande une fois de plus lorsqu’il nous dit de « ne rien préférer à l’amour du Christ ».
La pratique de toutes ces qualités, qui résument l’ensemble de la Règle, dilate le cœur et nous ouvre à la Vie éternelle, non seulement individuelle, mais d’abord communautaire. La charité est le vrai et le seul chemin du bonheur promis par le Christ.
CHAPITRE 73 : QU’EN CETTE RÈGLE, N’EST PAS CODIFIÉE L’OBSERVANCE DE TOUTE JUSTICE.
Jeudi 31 août :
Dans ce dernier chapitre de la Règle, un épilogue qui est comme le pendant du Prologue, saint Benoît ouvre des perspectives. Il n’a pas eu la prétention de vouloir tout dire en faisant de sa Règle un absolu. Ce n’est pas non un livre qu’on referme définitivement après l’avoir lu ; au contraire, il est un livre qui reste ouvert pour pouvoir nous accompagner et nous guider tout au long de la vie. Si saint Benoît nous préviens qu’il l’a écrit pour des débutants, c’est ce que nous resterons toujours spirituellement, et chaque jour, il nous faut nous remettre en chemin.
Si sa Règle est inspirée de l’Évangile, elle n’est pas la seule, car il y a eu, avant lui, d’autres maîtres spirituels qui, eux aussi, appartenant à l’Église, proposent des chemins de perfection, des mises en œuvre de l’Évangile pour marcher à la suite du Christ et tendre au bonheur véritable.
Saint Benoît propose un chemin ouvert à tous ceux qui veulent suivre le Christ, car c’est bien tout chrétien qui est appelé à être son disciple, qui est appelé à entrer dans la Patrie céleste. On comprend dès lors pourquoi la Règle n’est pas réservée aux seuls moines, mais peut devenir un chemin de conversion pour des chrétiens de toute condition, et même pour des non baptisés ou tout homme de bonne volonté.
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PROLOGUE.
Vendredi 1er septembre :
Pour la troisième fois cette année, nous recommençons la lecture de la Règle, et sans compter le nombre de lectures que nous en avons faites depuis notre entrée en vie monastique !
Hier, nous lisions le dernier chapitre de la Règle en disant qu’elle n’est pas un livre que l’on referme et que l’on range après l’avoir terminé ! Non, c’est un livre qui reste ouvert, que l’on reprend et qui nous guide tout au long de notre vie. Avec le Prologue, nous entendons à nouveau l’invitation à ouvrir l’oreille de notre cœur à la voix du Père qui nous aime et qui nous appelle à garder nos cœurs vigilants pour le servir par notre obéissance et à faire fructifier tous les talents qu’Il nous a donné.
C’est ce que nous entendons ces jours-ci dans les lectures de la messe, avec la parabole des dix jeunes filles aujourd’hui et des talents demain. Et dans le Prologue, comme dans ces Évangiles, le Seigneur adresse à chacun de nous un appel à renoncer à soi-même, à sa volonté propre, pour suivre et servir le vrai Roi, le Seigneur Jésus-Christ.
Samedi 2 septembre :
Après cette invitation à écouter la voix du Père qui nous aime, saint Benoît insiste sur cet appel du Seigneur à la mettre en pratique, à suivre le Christ, le vrai Roi, jusqu’à la gloire. Il cite l’Écriture qui est la Parole de Dieu ; c’est elle qui va nous réveiller, nous sortir de notre sommeil. Il y a urgence, plus de temps à perdre ; il faut sortir de sa torpeur et écouter l’appel du Seigneur à nous convertir. C’est un appel adressé à chacun, comme à tous, car nous ne sommes pas seuls.
Se réveiller, c’est sortir de notre vie trop souvent facile, de nos peurs diverses, de notre paresse, de notre torpeur comme de notre tranquillité, comme aussi d’une vie sans horizon ! La Parole de Dieu nous invite à nous laisser instruire, guider sur un chemin de vie, à changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair capables d’aimer, ouverts à la vie et à la lumière divine. C’est tout cela que saint Benoît va développer dans son Prologue.
« Que celui qui a des oreilles, entende ce que l’Esprit dit aux Églises ». La mention des Églises nous rappelle que nous appartenons à un ensemble, à une communauté qui dépasse les limites concrètes de la communauté à laquelle nous appartenons. Nous participons, selon notre vocation propre, mais complémentaire des autres vocations, à la vie de l’Église diocésaine, elle-même insérée dans l’Église universelle. Et c’est toute l’Église qui est en marche vers la vie éternelle, vers l’avènement du Royaume des Cieux.
Frère Claude
Prieur du Bec