Evangile
« Voici l’époux, sortez à sa rencontre »
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes : les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile, tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile. Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, il y eut un cri : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.” Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe. Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.” Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.” Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !” Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.”
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »
Homélie
Les trois derniers dimanches de cette année liturgique nous propose le chapitre 25 de l’évangile selon Saint Matthieu, avec ses trois paraboles évoquant le retour du Christ à la fin des temps : parabole des dix jeunes filles aujourd’hui puis celle des talents et enfin celle du jugement dernier. Les lectures de ce dimanche sont elles aussi centrées sur le mystère de la rencontre de l’homme avec Dieu. La Sagesse divine vient au-devant de l’homme qui la cherche. Saint Paul rappelle la grande espérance chrétienne en la résurrection des morts. Enfin la parabole insiste sur la nécessité d’être prêt pour le retour du Seigneur.
Pour évoquer le royaume de Dieu, Jésus a souvent recours à l’image des noces. L’avènement du Royaume s’accomplira avec l’arrivée de l’Époux, qui n’est autre que Jésus Seigneur, lui qui doit revenir à la fin des temps. L’épouse n’est pas mentionnée mais on peut l’identifier à l’humanité en général et à l’Église en particulier. La longue tradition biblique – et surtout prophétique – évoque l’alliance entre Dieu et son peuple Israël comme un lien nuptial.
Cette alliance entre le Christ et l’humanité se réalise en deux temps. Elle sera bientôt scellée par la mort et la résurrection de Jésus. D’ailleurs ces paraboles précèdent immédiatement le récit de la passion chez saint-Matthieu. Mais elle sera pleinement achevée lors du festin des noces de l’Agneau. Pour lui son épouse, l’Église, se fera belle et ayant été purifié par le sang versé sur la Croix. Elle aura accompli sa mission de rassembler tous les hommes autour de son Seigneur.
Et qui sont ces dix jeunes filles ? D’après leur nombre symbolique, elle représente l’ensemble des fidèles, de tout âge et de toute condition. Chacun de nous est invité aux noces et doit se préparer à accompagner l’Époux. Mais en fait nous sommes plus que des invités. Ensemble, nous avons vocation à constituer l’Église et être ainsi il épouse avec qui le Christ fête alliances en nous donnant part au bonheur dans son royaume.
Le Seigneur attend de nous une réponse personnelle à son appel. Pour que nous y parvenions, il nous exhorte à la vigilance : « Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure » dit-Il en conclusion de la parabole.
Veiller, c’est vivre dans l’attente de la venue du Seigneur, non de manière passive, mais comme nous le rappelle le livre de la Sagesse par une recherche active et aimante. La Sagesse vient au-devant de ceux qui la cherchent. Elle leur procure paix et bonheur. Elle est personnifiée et peut préfigurer le Fils comme l’esprit Saint. Elle se communique à ceux qui la désirent et maintient en eux cette flamme qui les pousse à la recherche et davantage. C’est ce que font les jeunes filles prévoyantes qui vont au-devant du Christ Sagesse, l’Époux de la parabole, remplit du feu de l’Esprit Saint.
Demeurer en éveil ravive notre foi en la résurrection, comme l’explique l’apôtre Paul aux chrétiens de Thessalonique. La résurrection des morts nous fait participer à la résurrection du Christ et à son retour glorieux. Mais c’est dès maintenant que nous devons agir en ressuscité par une rupture avec les manières du monde et par la marche à la suite du Christ.
Pour maintenir nos lampes allumées, il nous faut veiller dans la prière et dans l’amour. La prière se nourrit de la liturgie de l’Eglise et de l’intériorisation de la parole du Seigneur qui nous découvrent son amour pour son peuple et pour chacun de nous. La foi et la prière se vérifie dans l’amour dont elles sont la source et la force. L’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain. L’attente du royaume à venir ne nous détourne pas de nos tâches présentes mais au contraire leur confère tout leur sens. Le service des autres et l’amour mutuel qui nous unit sont réponses à l’alliance d’amour que le Christ a conclu avec l’humanité.
L’huile de nos lampes, c’est ce courant de foi et d’amour qui brûle en nos cœurs. Cette huile ne peut se partager car elle émane de l’être et non de l’avoir. Elle vient du plus profond de chacun, de son lien personnel avec l’Époux. Mais nous pouvons demander au Seigneur, et les uns pour les autres, que chacun retrouve le chemin de son cœur pendant qu’il en est encore temps. Peu importe que nous nous endormions si notre cœur demeure vigilant. Autrement dit, si nous sommes enracinés dans la foi, la prière et l’amour, nous ne craindrons pas les tribulations qui peuvent survenir.
Mais l’insouciance des jeunes filles non prévoyantes nous met en garde. Elles ont laissé s’éteindre la flamme de la foi et de l’amour, à cause des soucis et de l’attrait du monde. Elles ont oublié l’amour du fiancé pour elles. C’est pourquoi Jésus leur dit : « je ne vous connais pas ! »
Nous ne savons ni le jour ni l’heure de l’arrivée de l’Époux. Notre vie chrétienne est une attente et une marche dans la nuit de la foi. C’est donc aujourd’hui, à tout moment, qu’il nous faut veiller dans la foi et la prière, brûler de l’amour que Dieu nous communique, lui qui nous a aimés le premier. C’est cette attente active et ardente qui nous permettra d’être prêt quand il viendra, même s’il paraît tarder. Déjà l’eucharistie anticipe le festin des noces de l’Agneau avec l’humanité qu’il vient sauver.
Un hymne de la liturgie peut conclure cette parabole. En voici la finale :
« Voici l’Époux qui nous appelle,
Courons aux noces de l’Agneau.
Mais que la route paraît longue :
Quand poindra tu, dernier matin ? »
Frère Claude
Prieur du Bec