Évangile : « Aimez vos ennemis »
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos !
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »Homélie :
La Parole de Dieu nous met aujourd’hui sur le chemin du véritable Amour.
Dieu se fait pédagogue pour celui qui l’écoute.
La Loi de Moïse nous dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » pour imiter ton Seigneur « Dieu Saint et parfait ». C’est un précepte essentiel de la Loi.
Les rabbins n’ont cessé de reprendre l’interrogation, adressée ailleurs à Jésus dans l’évangile : qui est ‘prochain’ et qu’est-ce que l’aimer selon Dieu ? S’appuyant sur les consonnes hébraïques du mot qui peut signifier proche, mais aussi ‘méchant, intention, bruit’, ils disent qu’il faut aimer son prochain dans son intention la plus profonde, même s’il est ‘mauvais’ envers nous et s’oppose à nous avec ‘fracas’.
Mais leur tradition refuse de se faire proche de ceux qui s’opposent au Dieu Saint : les ennemis de la foi au Dieu que je sers deviennent mes ennemis…
Jésus n’abroge pas la Loi et les prophètes il les accomplit. Jésus, en sa personne nous entraîne dans tout ce qu’implique cette disposition à se faire proche des autres pour ressembler à Dieu, par l’Esprit.
C’est ici que revient ce leitmotiv du sermon sur la montagne : « Il vous a été dit (sous-entendu dans la Loi de Moïse), et MOI je vous dis », qui marque une autorité supérieure et suffira à faire accuser Jésus de blasphème. Et Moi je vous dis « aimez vos ennemis », car le Dieu que vous voulez imiter n’a pas d’ennemi ; son Amour est gratuit, infini, sans condition : Moi, le Fils, je vous révèle, comme à ses fils, Dieu comme Père, Amour miséricordieux. Soyez parfaits comme votre Père des cieux est parfait. Ne rabaissez pas le Dieu Saint sous prétexte de le défendre, lui qui fait briller son soleil sur les bons et les méchants. La sainteté de Dieu dépasse votre imagination et ne se révèle qu’à ceux qui imitent sa miséricorde, sans se contenter d’aimer ceux qui les aiment.
Jésus ne se contente pas de nous montrer le vrai visage de Dieu à imiter. Il nous montre le chemin vers le Père et nous précède. Jésus est pour nous l’incarnation de l’amour du Père dans sa patience, sa Passion, sa mort et sa résurrection partagées en chaque sacrement de l’Église, en chaque eucharistie.
L’Esprit-saint nous apprend à marcher dans la patience et le pardon à la lumière de la Résurrection, comme une mère soutient son enfant dans ses premiers pas : « C’est moi, dit le Seigneur, qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras (…) car je suis Dieu et non pas homme ; au milieu de vous je suis le Dieu Saint » (Osée, 11). « Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu », dit St Paul. « Laissons-nous conduire par la sagesse de Dieu qui nous transforme en son amour. Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien ».
Chaque petit pas dans la patience et le pardon nous rapproche du but avec Jésus et tous les saints : la vie éternelle de communion avec notre Père et nos frères, dans un amour plus fort que la mort.
Chaque petit pas dans l’imitation du Christ renforce aussi notre confiance en l’Esprit qui nous soutient et nous affermit dans la paix intérieure qui transforme, par la Pâque de Jésus, la violence en amour.
« Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » est l’offrande de l’amour véritable que Jésus nous donne dans la communion de son Esprit.
Frère Jean-Marie
Moine du Bec
