Mercredi des cendres – Mt (6, 1-18)

Publié le

Catégorie : Homélies

Évangile« Ton Père qui voit dans le secret te le rendra »

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.

Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »

Homélie :

« Le voici maintenant le temps favorable, le voici maintenant le jour du salut. » C’est avec ces paroles de l’apôtre Paul que nous sommes invités à entrer en ce temps de Carême. Si nous regardons cette période qui s’ouvre devant nous, avec les yeux du monde, nous la verrons comme un temps de tristesse et d’austérité. En effet, nous sommes appelés à tourner le dos à nos convoitises, à ne pas rechercher les satisfactions immédiates qui nous sollicitent et nous harcèlent.

Dieu nous appelle à revenir vers lui.  Il vient à notre secours, point, il nous attend pour que nous puissions revivre la Pâques de son Fils, la fête de notre salut, dans la joie d’un cœur purifié. C’est la prière que nous lui adressons sans l’hymne des Laudes de Carême : «  En nous donnant ce temps de grâce, rends aussi nos cœurs pénitents, et ta bonté convertira ceux que supporte ta patience. Nous nous étions éloignés de lui par la lâcheté de la désobéissance, selon les mots de Saint Benoît, au prologue de la Règle. Mais c’est un père qui nous aime et nous presse de revenir à lui par le « labeur de l’obéissance ».

Le Prophète Joël décrit les dispositions avec lesquels il nous faut revenir à Lui : » Déchirez votre cœur et non vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. » Autrement dit, il ne suffit pas de gestes extérieurs, le vrai repentir appelle un changement profond du cœur. Il faut reconnaître son péché et accepter de changer d’orientation, renoncer au mal et se laisser conduire par Dieu sur la voie du bien et de l’amour.

Cela nous ne pouvons le réaliser par nous-mêmes. C’est la grâce de Dieu qui agit en nous et nous transforme de l’intérieur. Peut-être nous semblera-t-il que nous ne progressons pas, que nous retombons facilement. Mais Dieu est patient. Il permet que nous soyons éprouvés, soumis à des contradictions. Gardons confiance car Il ne nous tente pas au-delà de nos forces. Et pour que nous puissions revenir à Lui, il nous propose un programme. Trois moyens nous sont donnés aujourd’hui par Jésus : Prière, jeûne et aumône, correspondant à trois dimensions de notre être, car nous sommes des êtres de relation.

Revenir à Dieu, c’est renouer notre relation à lui dans la prière, grâce à l’écoute et la méditation de sa Parole, entendue dans la liturgie, relue dans le silence. Demandons-nous comment améliorer notre relation à Dieu grâce à ces moyens qui nous sont donnés. La prière a toujours une dimension personnelle et une dimension ecclésiale.

Le jeûne a un caractère beaucoup plus personnel. Il concerne notre rapport à nous-mêmes mais aussi à la nature et à la création. Le Seigneur nous invite à vivre dans la sobriété, dans le respect de la création, des biens et des ressources. Surtout, Il nous aide à prendre conscience que nous ne sommes pas seuls, la création et les biens qu’elle nous offre sont à la disposition de tous et doivent être partagées avec équité.

L’aumône dont parle Jésus touche précisément notre relation aux autres. C’est la pratique de la charité, si souvent rappelée au cours du Carême. Elle concerne notre vie de chaque jour de multiples façons. Nous devons sortir de notre individualisme et avoir toujours les yeux, et le cœur ouverts à notre prochain. Le Carême est un temps de partage, d’accueil, d’attention aux pauvres et aux souffrants. Mais en ce sens, c’est toute notre vie qui doit être un temps de carême car la charité n’a pas de limites.

Mais en tout cela, jésus nous donne cet avertissement : Tout cela, ne le faites pas pour vous faire remarquer des hommes. Faites-le dans le secret. Votre Père céleste voit ce que vous faites. Il vous le rendra. C’est notre cœur qui doit être le lien véritable de notre conversion. Pour cela il nous faut jeter les masques qui cachent notre vrai visage, retirer les déguisements derrière lesquels nous nous protégeons du regard des autres. Car Dieu nous connaît de l’intérieur. Acceptons de nous présenter à Lui et à nos frères tels que nous sommes vraiment, avec humilité. Nous ferons tomber les obstacles qui empêchent la grâce d’agir en nos cœurs et dans nos vies.

En ce temps de Carême, laissons-le agir en nous pour que notre être, notre volonté et nos actes s’accordent à son désir pour nous. En nous ouvrant à son amour, nous goûterons la joie du Saint-Esprit et nous attendrons avec joie la sainte Pâque. C’est cette joie que chante l’hymne déjà citée :

 » Voici le jour, voici ton jour :
Il fait refleurir tous les êtres ;
Réjouissons-nous à ce jour :
Il nous ramène dans ta grâce. »

 

Père Claude
Prieur du Bec