23ème dimanche 2020 Année A (Mt 18, 15-20)

Publié le

Catégorie : Homélies

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montres lui sa faute ! » Dans l’histoire des Pères, on raconte celle d’un ancien qui avait pour voisin un jeune débauché aux mœurs dissolues.

Un jour, l’ancien décide d’aller le trouver pour le réprimander.  Le jeune débauché lui répond que personne ne peut l’empêcher de vivre comme il l’entend. L’ancien lui demande s’il ne craint pas Dieu ? Mais l’homme lui répond que Dieu est bien trop bon pour lui faire des reproches.  Conscient de son échec, l’ancien rentre chez lui et le jeune homme continue sa vie de débauché.Après plusieurs mois, l’ancien décide de retourner le voir pour lui parler. En chemin, il entend une voix venant du ciel qui lui dit : « Laisse mon ami tranquille ! » L’ancien, bouleversé, se demande d’où vient cette voix. A l’instant même, le jeune débauché sort de chez lui et engage la conversation. L’ancien lui répond qu’il était venu lui faire des reproches mais qu’il en est incapable à cause de la voix qu’il a entendue.  Bouleversé, le jeune débauché répond : »Si Dieu est mon ami, je lui donnerai tout ce que j’ai ».  Depuis ce jour, le jeune débauché a tout quitté pour se mettre au service de Dieu seul.

C’est ainsi que la démarche que le Seigneur nous demande d’accomplir, vis-à-vis d’un frère qui a péché, ne peut se faire que dans la pauvreté du cœur, dans l’humilité. Avant d’aborder ce frère, il me semble entendre la voix du Seigneur me disant :

  • Si tu n’aimes pas vraiment ce frère, ne lui parles pas : tu lui ferais plus de mal que de bien
  • Si tu vas le trouver sur un fond de colère, abstiens toi de le rencontrer
  • Si ton désir de l’écouter est pur de tout jugement, sois prudent et mesures bien tes paroles
  • Si tu es vraiment en paix, fais ce que je te dis, mais saches que tu n’as aucun droit sur ce frère, sinon de l’aimer davantage

C’est uniquement dans ces dispositions intérieures que nous pouvons approcher quelqu’un qui est en difficulté, quelqu’un qui s’est égaré d’une manière ou d’une autre.

L’amour de ce frère ne doit pas s’inscrire dans le registre de l’émotion ou des sentiments.  Il doit être avant tout une préoccupation profonde, un engagement pour permettre à l’autre de retrouver ses forces affaiblies par le péché.

Aimer quelqu’un, c’est reconnaitre sa souffrance. Or tout péché est l’expression d’un désarroi, d’une misère cachée.  Tant qu’on ne connait pas cette souffrance, on reste à la surface de la personne.

Aimer ce frère, c’est être capable de lui demander humblement : « ou as-tu mal ? » « ou est ton tourment ? ».  Dans une telle rencontre, il ne doit y avoir ni vainqueur ni vaincu, personne ne doit triompher de l’autre, personne ne doit être humilié.

Dans cet évangile, Jésus met l’accent sur notre responsabilité vis-à-vis des autres, et, pour assumer cette responsabilité, nous devons d’abord reconnaitre notre péché, reconnaitre qu’il y a des frères et des sœurs pour lesquels nous n’avons pas de sympathie, que nous n’acceptons pas, que nous évitons de regarder en face, que nous avons abandonnés, oubliés.

Pour ceux et celles que nous avons peinés par notre orgueil, notre suffisance, Jésus nous rappelle que notre vocation est de prendre soin des autres car nous avons reçu de lui la capacité de guérir, de faire le bien, de sauver.

Chacun de nous peut offrir aux autres un peu de joie, de paix, car chacun de nous est aussi un être fragile qui a besoin de secours et d’amour. Il s’agit d’annoncer la bonne nouvelle, de parler simplement de ce que nous avons entendu et vu de nos yeux, de ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché (Jn 1, 1-1).

Sauver, c’est vraiment le mal par le bien. Jésus aime et libère de tout mal les prisonniers de toute sorte.  Et nous avons tous besoin d’être sauvés, comme nous sommes aussi appelés à devenir des sauveurs à la suite du Christ.

« Si ton frère t’écoute, tu auras gagné » « Et s’il refuse d’écouter même l’Eglise, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain ».  Les paroles de Jésus peuvent paraitre dures.  Et pourtant, pour nous, les choses ne s’arrêtent pas là.  Nous ne sommes pas déchargés de ce frère, bien au contraire. Si le Seigneur nous a envoyé vers lui, c’est pour que nous le portions toujours, jusqu’au bout.

 

La fin de cet évangile ouvre une porte sur une espérance invisible. Rien ne résiste à la prière d’un groupe de frères, s’ils sont unis, quoiqu’ils demandent, ils l’obtiendront.  C’est le conseil que donne saint Benoit à propos des frères excommuniés.  Il ne s’agit pas seulement d’être témoins, vis-à-vis du monde, que le Christ est vivant, mais de rendre le monde lui-même témoin de la vérité que nous proclamons : « Oui, vraiment, je vous le dis : si deux d’entre vous sur la terre s’entendent pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père des cieux ».

 

Fr. Michel
Moine du Bec