« La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël », nous dira demain le prophète Isaïe. Pas Israël comme peuple meilleur que les autres, mais comme peuple choisi par Dieu pour être témoin de Son dessein de Salut auprès des autres peuples. Dans cette perspective, Dieu est et reste le Maître de cette vigne. C’est à Lui qu’en reviennent les fruits. Les vignerons, « les hommes de Juda », Lui sont donc redevables de leur travail ; ils n’exploitent pas cette vigne pour leur profit, mais « pour la gloire de Dieu et le Salut du monde ». Les envoyés du Maître, que les vignerons vont repousser et même tuer, ce sont les prophètes, le dernier étant Son propre Fils, Jésus en personne.
Cette parabole, on le voit, recouvre toute l’histoire d’Israël et particulièrement son actualité, ce moment-même où Jésus s’achemine vers sa fin, à Jérusalem. Mais il est clair qu’elle englobe aussi tout le temps de l’histoire de l’Eglise, jusqu’à nous et au-delà. L’Eglise, que Jésus fonde dans sa mort et sa résurrection, reçoit d’Israël sa mission ; elle est la vigne nouvelle que « d’autres vignerons » sont chargés de soigner pour en remettre les fruits au Maître, Dieu.
Réalisons bien que cette parabole s’adresse à nous! Nous aussi, nous sommes tentés de nous approprier la vigne, de la cultiver comme si nous en étions les propriétaires et pouvions en garder les fruits. Ceci arrive lorsque nous considérons l’Eglise comme une institution humaine pouvant nous assurer promotion et pouvoir. Nous la jugeons alors à l’aune du nombre de ses adeptes, de son influence dans la société, des avantages qu’elle nous procure. Ce faisant, nous nous comportons comme des sans Dieu, estimant nous suffire et voyant l’Eglise comme une association nécessaire, très utile pour canaliser les désirs et les besoins des hommes, et faciliter les échanges entre eux.
Non, nous sommes, nous chrétiens, les vignerons de la vigne du Seigneur, chargés par Lui de faire du monde le porche de Son Royaume. Notons que le maître de la parabole, sitôt qu’il a confié Sa vigne aux vignerons, part en voyage. Cela veut dire qu’Il fait confiance à ses fermiers, leur laissant toute latitude dans la gestion de Son bien. Cela vaut pour nous aujourd’hui : la vigne de Dieu, la communauté dont nous sommes membres, à nous de la soigner, de l’entretenir, de lui faire porter du fruit, pas pour notre renommée, mais pour que le Christ soit reconnu comme la source unique de la Vie, l’accomplissement des promesses de Dieu, la pierre angulaire de l’édifice qu’est le Royaume des cieux. Conscients de notre mission, soyons de bons « vignerons qui remettront à leur Maître, en temps voulu, le produit de Sa vigne ».
Fr Paul Emmanuel
Abbé du Bec