Saint Sacrement 2020 – (Jn 6, 51-58)

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Catégorie : Homélies

L’événement fondateur du peuple élu, le peuple de Dieu, c’est sa libération de l’esclavage en Egypte : le repas pascal, le passage de la Mer Rouge à pied sec, la traversée du désert et l’entrée dans la Terre Promise. Durant quarante ans, nous dit le livre de l’Exode, les Hébreux firent l’expérience d’un dénuement total et de l’entière remise à Dieu de la conduite de leur vie : ils ressentirent la faim et la soif, la peur et le doute, l’épuisement et la désespérance.

Jamais Dieu ne les abandonna :A l’heure la plus tragique, Il leur donna la manne, les cailles, l’eau même que Moïse fit jaillir du rocher. C’est au creux de cette épreuve que Dieu noua avec Israël Son Alliance pour toujours. Cette Alliance va passer par bien des vicissitudes, frôlera même la mort, quand le peuple, infidèle, connaîtra la défaite et parfois l’exil. Les prophètes seront toujours là pour lui rappeler que Dieu, fidèle à Ses promesses, ne l’abandonnera pas et qu’Il donnera même à cette première Alliance un accomplissement spirituel, universel et éternel, grâce à l’envoi d’un Messie issu de la lignée de David.

La première Alliance était la figure de la deuxième, englobant, elle, toutes les nations et la création tout entière ; et quand la première érigeait Israël en royaume terrestre, la deuxième faisait de l’humanité un peuple promis à partager la gloire de Dieu.

Si on ne commence pas par cet acte de mémoire, on ne peut pas comprendre le geste et la parole de Jésus, le soir du Jeudi Saint : Prenez et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous ! – Prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi ! En s’offrant comme l’Agneau Pascal, Jésus reprend, mais à son compte, le rituel de la première Alliance, et lui donne ainsi une dimension toute nouvelle.

Toute alliance est conclue par un repas, et le sang de l’agneau du repas pascal avait servi à marquer les maisons des Hébreux, pour que l’ange du Seigneur épargne leurs premiers nés. On voit tout de suite le sens du rituel de la dernière Cène, notre messe : le nouvelle Alliance, notre libération de l’esclavage du péché et de la mort, est scellée dans le sang du Christ. Le Christ, comme la manne venue du ciel, est le pain nouveau dont se nourrit le peuple saint de Dieu. Il ne s’agit pas d’anthropophagie : le pain, symbole de la vie, corps du Christ, signifie que Jésus ressuscité devient notre propre vie, dans le sens de la parole de Paul aux Galates : Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi ! (Ga  2, 20) Jésus dit : mâcher ma chair.

La manne nourrissait les Hébreux pour soutenir leur marche ; elle reconstituait leur organisme, tout en étant pour eux un signe manifeste de la prévenance de Dieu. Le pain consacré, en qui Jésus nous demande de voir son corps, nourrit notre être intérieur recréé dans le Christ ressuscité ; il n’est pas un reconstituant extérieur que nous assimilons pour refaire nos forces ; il est le Christ qui se donne, s’unit à nous, pour que nous soyons un en lui ; ceci au plan personnel, mais au plan communautaire aussi.

De même pour la coupe de vin, breuvage qui apaise la soif, symbole des sacrifices qui scellaient toute Alliance : il devient le sang de l’Agneau qu’est le Christ ; il est le sceau de la nouvelle Alliance.

L’Eucharistie n’est pas un rituel religieux qui identifie le Catholique : elle est l’acte de l’Alliance de Dieu avec nous, acte sans cesse actualisé, renouvelé, qui nous engage concrètement, puisqu’il nous constitue peuple témoin de l’engagement de Dieu pour tous les hommes. Que cherchons-nous dans la communion sacramentelle, ou plutôt qu’y recevons-nous, demande Mgr. de Moulin-Beaufort devant la récente requête insistante des Catholiques de retrouver la liberté de célébrer la messe ? Le désir ardent de la communion, sacramentelle ne trouve toute sa vérité qu’en nourrissant la charité qui édifie le corps du Christ. Le corps du Christ n’est pas un fortifiant : il est sa vie qui me fait Christ.

 

Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du bec