Le cœur, dans la Bible (premier et deuxième Testament), symbolise tout l’homme ; il évoque plus l’intelligence, celle du cœur, et la vie intérieure, que l’affectivité et l’émotivité.
Quelques portraits, pour illustrer cette conception : Marie, qui retenait tous ces événements dans son cœur (Lc 2, 51) – l’homme bon, selon Jésus, tire le bien du bon trésor de son cœur …, car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur (Lc 6, 45).Le cœur est donc le siège symbolique de la foi ; ainsi saint Paul écrit-il aux Éphésiens : Que (Dieu le Père) daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit, pour que se fortifie en vous l’homme intérieur, qu’il fasse habiter le Christ en vos cœurs par la foi (Ep 3, 16-17).
Et comment ne pas citer ici le premier commandement de la Loi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée (Dt 6, 5 et Lc 10, 27). Et encore, en Isaïe : Ce peuple, dit Dieu, ne s’approche de moi qu’en paroles, ses lèvres seules me rendent gloire, mais son cœur est loin de moi (Is 29, 13).
Ce préambule est important, pour bien nous situer face au mystère du cœur du Christ. Souvent, en effet, la dévotion au Sacré Cœur s’est écartée d’une saine théologie, pour verser dans une piété sentimentale pas toujours saine qui passe à côté du véritable mystère, celui de l’amour de Dieu pour sa création.
Jésus est la manifestation suprême de cet amour ; sa mort en est le sceau. Ce n’est pas la somme incalculable de ses souffrances qui est le signe de la profondeur de son amour ; c’est sa fidélité sans faille à sa mission et son humilité, lui Fils de Dieu qui consent à mourir. N’avait-il pas déclaré que nul n’avait d’amour plus grand que celui qui se dessaisissait de sa vie pour ceux qu’il aimait (Jn 15, 12). D’autres ont subi des souffrances plus affreuses, plus longues, plus dégradantes, pensons aux camps de la mort, durant la dernière guerre ; lui, par amour, a donné sa vie.
Ce ne sont donc pas les gouttes de sang versées par Jésus qu’il faut compter ; ce n’est pas non plus l’intensité de notre compassion qu’il importe d’augmenter ; c’est son amour qu’il faut reconnaître et accueillir. Sinon, il serait mort pour rien ; alors que sa mort nous dit jusqu’où va l’amour de son Père pour nous. Dieu nous aime d’un amour tel, que, sans considération de valeur, vertus ou défauts, il nous donne sa vie dans le Christ qu’il relève de la mort et couronne de gloire.
La reconnaissance de l’amour du Christ devrait nous retourner, nous transformer. Souvent on a de l’amour une vision étriquée, voire dévoyée : on croit aimer parce qu’on éprouve de la joie à être avec quelqu’un, ou parce qu’on est capable d’être affable et délicat avec un autre qui nous est, de prime abord, antipathique, ou encore parce qu’on sait être généreux avec des voisins démunis… Si j’aime l’autre parce qu’il me fait du bien, en me permettant d’être heureux et de me dépasser, je l’utilise, j’en profite, je ne l’aime pas vraiment. Combien d’amours illusoires qui ne tiennent pas, parce qu’on s’y recherche, en fait, sans se donner ! J’aime, quand je me donne, sans chercher de retour ; mais si j’aime vraiment, je reçois de l’autre au centuple. Là est le témoignage de l’amour du Christ : il se donne sans compter ; il se perd, se vide de lui-même, pour laisser l’amour de son Père prendre toute la place en lui et se déverser sur nous.
Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits… Venez à moi, vous tous qui peinez… Prenez sur vous mon joug (mon commandement de vous aimer les uns les autres), devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Aimer n’est pas un jeu facile, pas une tractation (un retour sur investissement), mais un accueil sans réserve de l’autre et un don total de soi, sans calcul. Puisque Dieu nous a tant aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres.
Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du bec