Présentation de Jésus au temple (Lc 2, 22-40)

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Comme tous les récits de la vie de Jésus, celui de sa présentation au temple se veut une part de la révélation totale de son mystère. Nous ne sommes donc pas devant la stricte relation d’un fait de l’histoire, mais devant la reconnaissance du sens et de la portée de ce fait. L’Évangile est un acte de foi, pas un journal : un acte de foi qui inscrit la vie de Jésus dans l’histoire du Salut et en réfère les divers moments et épisodes aux prophètes de la première Alliance.

Ici, par exemple, le nombre des semaines entre l’annonce de la naissance de Jean Baptiste et la scène d’aujourd’hui est de 70. Pour un Juif, ce chiffre ne peut pas passer inaperçu : il évoque les 70 années de l’exil, dont parle Jérémie, au terme desquelles la chute de Babylone sonnera la délivrance d’Israël.

Nous voyons tout de suite l’importance du rite qu’accomplissent Marie et Joseph, 40 jours après la naissance de Jésus, comme le demande la Loi. Nous sommes devant bien plus qu’un acte d’humilité, Jésus se soumettant à une Loi à laquelle il n‘était pas tenu de se plier du fait de son être de Fils de Dieu ; nous sommes devant la manifestation de la mission pour laquelle le Père l’envoie. Il en sera de même, 30 ans plus tard, lors de son baptême, la voix du Père le désignant comme Son Fils.

Au moment où Marie, Joseph et Jésus arrivent au temple, y entre, poussé par l’Esprit, le vieillard Syméon, homme juste et pieux qui attendait la consolation d’Israël. Ce mot de consolation, qui vient du prophète Isaïe, est à entendre dans le sens de Salut. La confession de Syméon, quand il prend l’enfant dans ses bras, confirme donc que l’ère du Salut est arrivée, mais que ce Salut est Jésus en personne, pas la restauration du royaume de David, pas la libération du joug romain : « Mes yeux ont vu ton Salut que tu as préparé à la face de tous les peuples : lumière pour éclairer les nations païennes et gloire d’Israël ton peuple. »

Une nouvelle fois, depuis Noël, Jésus est confessé comme le Messie attendu depuis des siècles, mais, pour la première fois, on reconnaît qu’il est envoyé pour tous les peuples. Jésus, lumière pour éclairer les nations païennes, révèle donc au monde le dessein bienveillant de Dieu sur lui : l’arracher au pouvoir du péché et de la mort, en l’associant à la victoire du Christ, à Pâques, et lui donner part à sa gloire de ressuscité.

Devant cette scène, on ne peut donc pas rester spectateur ; elle nous concerne directement. Jésus, notre Salut, change complètement notre relation à la vie et à l’histoire : jusque là, on peut dire que nous occupions nos jours à survivre, entreprenant mille projets pour rendre notre existence heureuse, mais bien conscients que demain ne nous appartenait pas et qu’après-demain, il faudrait tout quitter et consentir à disparaître, laissant à d’autres, au mieux, le soin d’achever ce que nous avions commencé, au pire, de l’enterrer.

Avec Jésus, s’ouvre pour nous une ère nouvelle : le quotidien le plus ordinaire est le temps de Dieu ; l’actualité la plus banale est grosse d’éternité. C’est que le Salut de Dieu est arrivé jusqu’à nous, en Jésus qui sème en nous la grâce de Pâques et fait de nos vies le germe du Royaume des cieux. Nos histoires peuvent être compliquées, tachées de sang, trouées de partout, rapiécées, élimées, Jésus demeure avec nous, lumière à l’horizon tout proche du cœur de Dieu qui bat en lui. Nos vies méritent d’être vécues jusqu’au bout, et rien de ce que nous avons vécu jusque là, de ce que nous vivons aujourd’hui n’est perdu, si nous l’offrons à la grâce du renouvellement de toutes choses en Jésus ressuscité.

Comment ? Peu importe ! « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui n’obéit pas au Fils ne verra pas la vie », nous dit Jésus (Jn 3, 36). Il y a un acte de foi à poser face à cette parole de Jésus. Il y a des actes à accomplir pour que cette foi prenne corps : « Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur. » (1 Jn 4, 20) – « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour, en nous, est accompli. » (1 Jn 4, 12) L’amour est un bien grand mot, tellement vague, qu’il peut rester vide de contenu ; mais nous savons très bien, chacun, à quoi il nous appelle et nous engage concrètement. Si le Salut nous est donné dans le Christ, à nous maintenant de le manifester par une vie tournée vers les autres, qui attendent eux aussi la consolation et la paix.

Fr. Paul Emmanuel
Abbé du Bec