Pentecôte 2020 – (Jn 20, 19-23)

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Catégorie : Homélies

Pentecôte -A- 2020

Jésus répandit son souffle sur ses disciples et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. »

Pour qui est familier de la Bible, ce souffle évoque immédiatement la création de l’homme, au commencement du monde : Dieu, dit le livre de la Genèse, modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l’homme devint un être vivant. (Gn 2, 7)

La Pentecôte serait le commencement d’une nouvelle création, greffée sur la première et la parachevant.

Nous avons en mémoire le récit de la désobéissance d’Adam et d’Eve, et celui du meurtre d’Abel par son frère Caïn, l’expérience première de la rupture de relation entre l’homme et Dieu ; cette nuit, nous lisions cet autre récit fondateur, la tour de Babel, la tentative, par l’homme, de se faire l’égal de Dieu, de se passer de Lui, d’être même plus fort que Lui… Résultat : la division, la concurrence, la violence !

La Pentecôte restaure l’ordre premier du monde, dans son unité retrouvée, et lui communique ce que le Christ seul pouvait lui apporter, l’adoption par Dieu de l’homme, notre adoption et la délivrance de notre corps, écrit saint Paul aux Chrétiens de Rome (Ro 8, 23).
L’artisan de cette recréation ? l’Esprit Saint !

Jésus a souvent parlé de cette mystérieuse troisième personne de la Trinité aux Douze, leur confiant, par exemple, qu’il était bon qu’il s’en aille, car s’il ne partait pas, le Paraclet ne viendrait pas à eux (Jn 16, 7). Peu de temps auparavant, il leur avait déclaré: L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit (Jn 14, 30). Il les avait déjà encouragés à rester confiants s’ils étaient assignés au tribunal : Ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous (Mt 10, 19-20).

Lui-même, Jésus, s’est laissé inspirer par l’Esprit, tout au long de sa mission, comme quand il fut conduit par lui au désert (Mt 4, 1) ou qu’il exulta de joie sous son action (Lc 10, 21). lors de son baptême par Jean, Matthieu, Marc et Luc notent que l’Esprit se manifesta sous l’aspect d’une colombe. La formule primitive du baptême, que Matthieu attribue à Jésus, à la fin de son Evangile, associe d’ailleurs explicitement l’Esprit Saint au Père et au Fils : Allez donc, déclare-t-il aux Onze, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit (Mt 28, 19).

Le risque est de faire de l’Esprit Saint un simple instrument de la générosité de Dieu : il équiperait les membres du Corps du Christ des charismes nécessaires à la vie et à la croissance de l’Église ; il leur communiquerait la force de Dieu, Sa sagesse, Sa patience, Sa clairvoyance…

L’Esprit Saint est Dieu, pas un instrument : Jésus, s’écrie Pierre, le jour de la Pentecôte, Dieu l’a ressuscité, nous tous en sommes témoins. Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu l’Esprit Saint promis et il l’a répandu, comme vous le voyez et l’entendez (Ac 2, 32-33). A l’aube de Pâques, Jésus a reçu de son Père un souffle nouveau qui fait de lui un corps spirituel qui se joue désormais de toutes les barrières, de toutes les distances qui nous limitent, nous, et nous séparent des autres.

Ce même Esprit, que Jésus nous remet, nous ressuscite nous aussi, parachevant ainsi la création : nous sommes ressuscités avec le Christ, héritiers avec lui, par adoption, de la gloire de Dieu. Les dons du Saint Esprit sont les fruits de ce mystère : nos racines plongent désormais dans le ciel.

Donateur de vie, défenseur, enseignant, guide, rassembleur, l’Esprit Saint est tout cela, mais parce qu’il est en nous l’énergie-même de Dieu. Nous ne pouvons plus vivre selon le monde ; nous sommes le corps ressuscité du Christ, nous sommes les mains, le regard, le cœur de Dieu ; l’Esprit nous libère de toute peur, de tout besoin de nous défendre et de nous justifier, insufflant en nous l’ardent désir de partager la joie et le bonheur d’être frères et sœurs de jésus, fils et filles d’un même Père.

 

Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du Bec