CHAPITRE 64 : DE L’ORDINATION DE L’ABBÉ.
Dimanche 20 août :
Ce chapitre sur l’ordination de l’abbé complète le chapitre 2 de la Règle et en rappelle les conditions pour le choix d’un abbé. En règle générale, c’est la communauté qui élit son abbé selon deux critères : « Le mérite de sa vie et sa doctrine de sagesse ».
Mais saint Benoît commence à mettre en garde contre un mauvais choix et il en développe cet aspect en soulignant un fait important : c’est que le monastère est d’Église ; il appartient à une Église locale, il est inséré dans un diocèse, même si la communauté ne relève pas directement de l’évêque, mais de son abbé.
Si par malheur, un scandale éclatait, ce serait à l’Église locale, à l’évêque du diocèse concerné, et même aux chrétiens, d’intervenir pour remédier à cette situation. Fort heureusement, les monastères entretiennent en général, de bons rapports avec l’Église diocésaine.Lundi 21 août.
Après la mise en garde contre le choix d’un mauvais candidat à la charge abbatiale, saint Benoît développe toutes les qualités que doit avoir l’abbé en partant certainement de sa propre expérience. Il doit encourager ses frères à suivre la loi divine et à combattre contre le péché. Il est à la fois maître et père, toujours soucieux des personnes, attentif aux fragilités et encourageant chacun sur la voie du bien. Il doit toujours s’inspirer de la Parole et de la vie du Seigneur.
Une des qualités qui se distingue parmi d’autres est la miséricorde ; elle tient de la bonté et de la charité. On se rappelle la parole de Jésus reprochant aux docteurs de la Loi d’écraser les gens sous de pesants fardeaux, sans qu’eux-mêmes ne les remuent du doigt !
La discrétion, dit saint Benoît, est mère des vertus ; elle est proche de la mesure qu’il recommande souvent, car elle demande à la fois le discernement et la modération, la fermeté tempérée de douceur pour éviter l’excès de rigueur afin de tenir compte des fragilités des plus faibles. L’abbé doit toujours suivre la Règle en montrant qu’elle est un chemin de vie et de bonheur.
CHAPITRE 65 : DU PRIEUR DU MONASTÈRE.
Mardi 22 août :
Plutôt que ‘’le prieur du monastère’’, on devrait dire le second, puisque le prieur est en fait désigné par l’abbé pour être son second. Il ne doit pas être choisi par une autre autorité que celle de l’abbé, sinon c’est la porte ouverte à cette situation de crise décrite par saint Benoît.
Saint Benoît connaît les hommes comme saint Jean le dit de Jésus : « Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et qu’il n’avait pas besoin d’un témoignage sur l’homme. Lui-même connaissait ce qu’il y a dans l’homme » (Jn. 2, 24-25). Les moines sont des hommes et saint Benoît sait que leur cœur n’est pas facile à convertir. Le goût du pouvoir y est enraciné presque naturellement, pourrait-on dire.
Même si nous avons renoncé au pouvoir, à notre volonté propre, nous devons toujours vérifier notre propos de conversion, car le désir de s’affirmer peut resurgir à la moindre occasion, et la situation, décrite ici par saint Benoît, est une source de conflits perpétuels qui provoque la division dans la communauté.
Il faut donc revenir à la source de l’autorité, car c’est le Christ qui appelle chacun à le suivre en renonçant à lui-même. Et si l’abbé est cru tenir la place du Christ ; lui obéir, c’est obéir au Christ. L’abbé est le premier à obéir au Christ pour mettre en œuvre sa Parole. Seule l’humilité nous rend obéissant à la Parole du Seigneur ; tout refus d’obéissance étant une expression d’orgueil.
Mercredi 23 août :
Ce qui est dit ici du prieur qui s’attribue une autorité et un pouvoir et qui va jusqu’à la rébellion, saint Benoît le dit aussi de tout moine qui s’enferme dans la désobéissance, ou de prêtres qui se croient au-dessus de la Règle. Il est rappelé à tous qu’ils sont sous l’autorité de l’abbé et tenus à l’observance de toute la Règle, l’abbé lui-même s’y soumettant le premier.
C’est pourquoi, pour éviter l’impasse et la situation conflictuelle évoquée au début de ce chapitre, saint Benoît propose une mesure de sagesse : que ce soit à l’abbé de choisir lui-même, parmi les frères, et avec leur conseil, son prieur, afin que son choix ne soit pas arbitraire, mais inspiré par l’Esprit Saint. Le prieur devra suivre la Règle et se conformer en tout à la volonté de l’abbé, car ce qui est prioritaire, c’est la paix et l’unité dans la communauté, avec son progrès spirituel.
Tous, nous sommes appelés à suivre le Christ ; tous, nous avons à mener le combat spirituel contre l’orgueil, la jalousie, la division. Ce sont là des tentations qui peuvent surgir à tout moment et menacer l’unité de la communauté et contre lesquelles il faut toujours rester vigilants.
CHAPITRE 66 : DES PORTIERS DU MONASTÈRE.
Jeudi 24 août :
Dans le monastère, le portier est le frère qui accueille les arrivants et il est le premier moine que rencontrent ceux qui viennent, soit simplement pour passer, soit pour séjourner. Mais les conditions dans lesquelles s’exerce le service de la porterie ont évolué du fait de circonstances diverses : nombre des frères, évolution de la société où l’on bouge beaucoup plus qu’au temps de saint Benoît, etc… Actuellement au Bec, les conditions sont différentes : l’accueil se fait soit au magasin, soit à la maison des hôtes. La façon dont nous accueillons ceux qui arrivent est importante : quel visage donnons-nous pour un premier contact avec la communauté ?
Ce que nous pouvons retenir aujourd’hui où nous sommes amenés à avoir beaucoup plus de contacts avec les gens du dehors (magasin, parc, église…), c’est qu’il nous faut toujours garder un équilibre entre l’accueil et la réserve, car si c’est un service que de répondre et d’aider les gens qui nous abordent et qui demandent un service, il est aussi très important de garder une certaine réserve vis-à-vis d’eux, sans chercher un contact à tout prix et surtout sans être inquisiteur.
Quant au régime autarcique, il est certain qu’il est impossible à suivre aujourd’hui, même si une certaine clôture a toujours son importance, car même si nous avons des contacts avec l’extérieur, nous devons veiller à ne pas en faire un prétexte de fuite afin de préserver notre solitude et le retrait du monde nécessaire à notre vie intérieure et pour le respect de la vie communautaire.
CHAPITRE 67 : DES FRÈRES QUI PARTENT EN VOYAGE.
Vendredi 25 août :
Lorsque des frères s’absentent pour un voyage plus ou moins long, pour quelque raison que ce soit, envoyé par l’abbé ou pour une raison personnelle, ils demeurent en lien avec la communauté ; ils se confient à la prière de la communauté, et de même à leur retour. C’est pourquoi la prière entoure leur voyage : prière avant le départ, prière au retour, mais aussi prière des frères eux-mêmes pendant leur absence et prière de la communauté pour eux.
On ne cesse pas d’être moine lorsqu’on est à l’extérieur du monastère ; on reste toujours avec sa communauté, unis par la prière. Les frères en voyage portent un témoignage de la vie monastique, qui est une vie avec le Christ. Il ne s’agit pas de discours ou d’actes ostentatoires et exagérés ; encore moins de prosélytisme, mais de rester simple et vrai, d’être en accord avec ce que nous vivons quotidiennement.
CHAPITRE 68 : SI L’ON COMMANDE À UN FRÈRE DES CHOSES DIFFICILES OU IMPOSSIBLES.
Samedi 26 août, solennité de saint Herluin :
Lorsqu’on aborde cette question de choses difficiles ou impossibles à réaliser, on pense parfois à des ordres concernant la vie courante. Certains peuvent être réellement impossibles pour diverses raisons, mais d’autres sont finalement réalisables pour peu que l’on écarte les faux obstacles, grâce à un dialogue avec le supérieur. Mais il peut aussi s’agir de missions ou de situations plus importantes qui nécessitent un acte de foi car leur terme ou leur objet n’est pas évident au premier abord. Il faut donc demander le secours de Dieu dans la prière et la grâce de l’Esprit Saint pour en obtenir la force et la lumière.
Lorsqu’Herluin s’est engagé dans sa marche à la suite du Christ, son retrait du monde a dû sembler folie aux yeux des hommes et il n’avait certainement pas en vue l’avenir qui était promis à son renoncement. S’il n’avait pas demandé à Dieu son secours, Herluin aurait pu abandonner son entreprise monastique. Et pourtant, grâce à sa démarche de foi et à la confiance qu’il avait placé dans le Christ, il a vu l’œuvre de Dieu se réaliser, une œuvre qui continuerait à se développer après lui, malgré les épreuves, les échecs et les ruptures occasionnées par l’histoire. On a qualifié l’Esprit-Saint de ‘’Maître de l’impossible’’ !
Si nous connaissons aujourd’hui des moments plus difficiles, il nous faut garder la certitude que l’Esprit Saint agit aujourd’hui comme hier, et marcher avec la même foi que Herluin, fidèles à l’appel du Christ que nous avons entendu au début de notre vie monastique.
Frère Claude
Prieur du Bec