Écouter une parole du Bec en 2023 – S28 – 9 juillet

Publié le

Catégorie : Vie monastique

Dimanche 9 juillet :

On est toujours tenté de voir dans la charge de cellérier uniquement son aspect matériel, économique, administratif. Cet aspect a sans doute son importance, et il est nécessaire pour que la gestion des biens soit saine. Mais si l’on ne voit que cela, on pose sur cette charge un regard trop réducteur qui n’est alors qu’un point de vue mondain. Or les derniers mots du chapitre doivent nous éclairer : « Que personne ne soit troublé dans la Maison de Dieu ». Ce qui est à gérer ici, ce n’est pas une simple entreprise, mais c’est « la Maison de Dieu », et cette perspective doit donner une tout autre vision de la charge de cellérier. On peut d’ailleurs lui trouver plusieurs références bibliques :

Il y a d’abord la figure de Joseph que Pharaon a établi intendant sur tout le pays d’Egypte afin d’assurer la survie de tout le peuple pendant la famine.

Il y a aussi la figure du serviteur fidèle que le maître établit sur tous ses biens dans les paraboles données par Jésus. De plus, la charge de cellérier et toutes les qualités qui doivent être les siennes rappellent le service des diacres (Actes 6). Cette charge est un service, et la gestion des biens est au service des personnes. Mais tous, aussi bien le cellérier que les frères qui en sont bénéficiaires doivent se rappeler que la vie matérielle n’est pas le terme, mais seulement un moyen au service de la vie spirituelle. A travers les biens du monde, nous devons toujours garder les yeux tournés vers l’unique bien, notre Créateur, seul dispensateur de tous les biens, et garder le cœur ouvert pour le service et le partage avec notre prochain.CHAPITRE 32 : DU MATÉRIEL DU MONASTÈRE.

Lundi 10 juillet :

Ce chapitre sur les biens du monastère prolonge celui du cellérier qui est le responsable de la gestion matérielle du monastère et garant de ce qui est mis à la disposition des frères. En effet, nous avons besoin de ressources pour vivre, et ces ressources comme tous les biens du monastère ne nous appartiennent pas ; ils sont seulement à notre disposition. Et il va de soi que cette façon de voir le matériel du monastère nous concerne tous puisque rien ne nous appartenant en propre, tout est à Dieu qui nous les confie pour que nous en usions selon nos besoins. C’est pourquoi il revient au supérieur, et à ceux qu’il en aura chargés, de veiller sur les biens de la communauté. Il en résulte que tous, nous devons traiter avec soin tout ce qui est mis à notre usage.

En même temps, nous nous rappelons aussi que nous vivons pour Dieu seul ; c’est ce que nous dit saint Paul au chapitre 7 de sa première Épitre aux Corinthiens : « Je vous le dis, frères : le temps se fait court. Que désormais [..] ceux qui usent de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas vraiment, car elle passe la figure du monde » (1 Cor. 7, 29 et 31).

Cette façon de vivre la pauvreté, en nous faisant renoncer à la propriété et en nous ouvrant aux besoins des autres, nous tourne vers le Royaume de Dieu.

CHAPITRE 33 : SI LES MOINES DOIVENT AVOIR QUELQUE CHOSE EN PROPRE.

Mardi 11 juillet, fête de saint Benoît :

     En cette fête de saint Benoît, ce chapitre nous rappelle le choix que nous faisons lors de notre profession : « Ne rien préférer à l’amour du Christ », ce qui implique de renoncer à toute possession, tout attachement qui nous empêche de nous donner totalement à Lui, car c’est Lui seul qui peut combler pleinement nos cœurs. Mais nous savons bien que le détachement est difficile et nous aurons toujours et jusqu’au bout à lutter pour laisser le Christ nous saisir, lui qui veut notre bonheur.

Si saint Benoît insiste sur la pauvreté que doit pratiquer le moine, c’est qu’elle a toujours été une des dimensions de la vie consacrée, de la ‘’suite du Christ’’. Et c’est parce que le désir de propriété reste toujours présent au cœur de chaque homme, comme il demeure une tentation, même dans l’Église, que régulièrement, et à différentes époques, des saints et des fondateurs insistent de façon radicale sur cette nécessité de la désappropriation.

Le renoncement concerne aussi la volonté propre comme on le voit dans ce chapitre où pauvreté et obéissance vont de pair et procèdent du même désir de ne rien préférer au Christ.

CHAPITRE 34 : SI TOUS DOIVENT RECEVOIR UNIFORMÉMENT LE NÉCESSAIRE.

Mercredi 12 juillet :

Une communauté est faite de personnes différentes, chacune ayant son caractère, sa santé, son âge, ses besoins… Et on remarque combien, dans ce chapitre, saint Benoît a soucis des personnes.

On ne peut pas appliquer dans une communauté une discipline uniforme et aveugle qui ne tienne pas compte des besoins réels de chacun, c’est pourquoi, « on donnait selon les besoins de chacun » (Act. 2, 45). Mais chacun doit reconnaître ses besoins réels, avec humilité en cas de faiblesse, sans orgueil en cas de moindre besoins. Et on pourrait ajouter : avec honnêteté et sans tricherie.

A cause de cela, saint Benoît met en garde contre l’esprit de jalousie, contre la comparaison et l’orgueil ; si non, c’est la porte ouverte au murmure. L’antidote à ce poison, c’est l’humilité, l’acceptation des différences et l’action de grâces pour le nécessaire dont Dieu veut nous pourvoir pour conserver la paix dans sa maison.

CHAPITRE 35 : DES SEMAINIERS DE LA CUISINE.

Jeudi 13 juillet :

Ce qui donne le ton à ce chapitre, c’est la première phrase : « Que les frères se servent mutuellement ». Et saint Benoît reprend un peu plus loin : « Que tous les autres se servent mutuellement sous la loi de la charité ».

Pour nous aujourd’hui, les choses sont un peu différentes de la situation évoquée par saint Benoît puisque nous n’assurons plus directement la cuisine proprement dit. Mais il reste tous les autres services, soit hebdomadaires, soit occasionnels, autour des repas, et nous sommes tous concernés par eux.

Le repas n’est pas un acte banal, mais il est toujours en lien avec la prière, avec la liturgie, et l’évocation des lavements des pieds nous renvoie à celle du Jeudi Saint. Et tous les services liés aux repas nous rappellent que Jésus est venu « pour servir et non pour être servi ». C’est pourquoi, tout acte de service ne doit pas être subit comme une corvée, même si nous en éprouvons de la fatigue, mais il nous unit au Christ en nous donnant l’occasion de vivre de sa charité.

Vendredi 14 juillet :

Le lien entre la liturgie, son caractère communautaire et le repas est très marqué à la fin de ce chapitre. La semaine de service commence le dimanche à la fin de l’office de Laudes (ou de Matines), et le passage des frères sortant de charge à ceux qui entrent en fonction pour la nouvelle semaine, se fait dans l’oratoire, avec la triple bénédiction pour les anciens, et une triple supplication pour les nouveaux. Les uns et les autres reçoivent ensuite la bénédiction de l’abbé.

Et c’est en présence de toute la communauté assemblée que se fait le passage de relais. C’est un service communautaire. Autrefois, les communautés étant souvent nombreuses, ce service pouvait être lourd et entrainer de la fatigue ; c’est la raison pour laquelle la communauté doit soutenir les frères qui la servent par la prière et la reconnaissance, par une charité réciproque.

CHAPITRE 36 : DES FRÈRES MALADES.

Samedi 15 juillet :

De ce chapitre se dégage une évidence : la maladie n’est pas un état choisi et elle peut atteindre chacun à tout moment. Tous, nous avons fait ou pourons faire l’expérience de la maladie, que ce soit personnellement ou en communauté, par la maladie éprouvée par l’un ou l’autre de ses membres. Saint Benoît nous invite donc à un regard de foi et d’espérance, et se réfère à l’attitude de Jésus lui-même, présent dans cette situation, et de deux façons :

D’abord, il est présent dans le malade comme il le dit lui-même dans l’Évangile de saint Matthieu : « J’ai été malade et vous m’avez visité » (Mt. 25, 36). Il a porté toutes nos souffrances et toutes nos maladies et il en résulte que servir, soigner, visiter les malades, c’est se mettre au service de Jésus lui-même.

Ensuite, il a eu compassion envers les malades ; il en a guéri beaucoup, manifestant ainsi le Royaume de Dieu. C’est son amour pour eux qui s’exprimait ainsi, car servir les malades, c’est leur témoigner l’attention du Seigneur. Et que l’on soit malade ou soignant, Jésus est toujours présent. Notre soucis des malades se manifeste à des degrés divers suivant nos rôles, mais toujours par la charité et la prière.

La maladie reste un mystère, surtout lorsqu’elle mène de façon irréversible à la mort. Dans ce cas, outre la foi dans le Christ présent, elle requiert notre espérance, espérance de la vie après la mort, espérance que donne la Résurrection de Jésus, prémices de notre propre résurrection.

 

 

Frère Claude
Prieur du Bec

saint Benoit de Nurcie par Antonello da Messina