Dimanche 23 avril :
Pour éviter cette situation de rivalité entre l’abbé et le prieur, l’avis de sagesse proposé par saint Benoît est que ce soit l’abbé qui choisisse lui-même celui qu’il voudra avoir comme ‘’second’’ (car, contrairement à ce qu’on pourrait croire dans ce cas, le prieur n’est pas le premier, mais le second !). L’abbé pourra faire ce choix « avec le conseil de frères craignant Dieu » ; c’est le meilleur moyen pour éviter les conflits et les rivalités, mais le choix final lui appartient.
Le prieur désigné, comme tous les autres membres de la communauté, sont tenus à l’obéissance et à l’humilité qui sont source de paix, car la tentation d’orgueil peut concerner, non seulement le prieur, mais n’importe quel moine à qui est confié une responsabilité. La comparaison, la jalousie, l’orgueil sont à la racine des divisions et des dissentions en rendant impossible un climat de paix. Nous avons toujours à mener le combat spirituel et à demeurer vigilants sur nos pensées pour ne pas laisser les passions nous dominer. Chacun peut ainsi contribuer à la paix et à l’harmonie dans la communauté.CHAPITRE 66 : DES PORTIERS DU MONASTÈRE.
Lundi 24 avril :
Ce chapitre nous invite à trouver le juste équilibre entre le contact avec l’extérieur et le retrait du monde. Autrefois, cette frontière était plus marquée géographiquement, car le contact avec l’extérieur était réservé au portier et l’ensemble de la communauté pouvait rester dans la paix de la clôture. Aujourd’hui, cette frontière est beaucoup plus floue, car le contact extérieur est réparti sur plusieurs frères pour l’accueil des visiteurs, des hôtes, des commerciaux, en fonction des charges de chacun.
Aujourd’hui, tout en restant dans le monastère, nous sommes sollicités par tous les moyens de communication actuels et il nous faut donc faire preuve de discernement et de maîtrise devant toutes ces informations qui trop souvent s’imposent à nous ou que nous pouvons aussi rechercher !
Si le principe de clôture a évolué, elle ne reste pas moins nécessaire si nous voulons préserver notre vie intérieure. Nous avons toujours besoin d’une distance par rapport à la société actuelle, pour préserver le silence et notre intériorité avec notre vie de prière et communautaire. Cette paix bénédictine est aussi celle que nous avons à offrir à tous nos hôtes et visiteurs qui, souvent et sans se l’exprimer, la recherchent et l’apprécient.
Enfin, ce chapitre évoque brièvement la Règle qui doit être « lue souvent dans la communauté, pour qu’un frère ne s’excuse pas sur son ignorance ». La Règle, dont l’esprit a sa source dans l’Évangile, a aussi besoin d’être comprise en fonction de notre époque et y être fidèle ne consiste pas à appliquer à la lettre tout ce qu’elle dit, mais à en retenir ses grands principes, des valeurs qui, dans le fond, ne sont qu’une mise en œuvre de la Parole de Dieu. Elle doit donc être relue et méditée pour être vécue pour notre temps et non comme dans l’antiquité ou le Moyen-Age, car elle est vivante, toujours inspirée par l’Esprit-Saint.
CHAPITRE 67 : DES FRÈRES QUI PARTENT EN VOYAGE.
Mardi 25 avril :
Lorsqu’un moine se trouve hors du monastère, à quelque distance que ce soit ou de quelque durée que soit son absence, il ne cessa pas pour autant de rester moine, même au milieu du monde et même s’il doit garder une certaine discrétion, car il demeure lié à sa communauté en la représentant. Il la porte en lui avec l’Église et le Christ dont il reste témoin par sa façon d’être et de parler. D’une certaine façon, il garde la clôture en la portant en lui !
Ce lien entre le moine et sa communauté s’exprime par la prière du départ et par le lien qu’il gardera avec les temps de prières de la communauté en les adaptant selon les possibilités du moment. Il doit surtout rester vigilant pour ne pas se laisser envahir par tout ce qu’il aura pu voir et entendre pendant son absence. De même, à son retour, il doit discerner ce qui peut être utile de rapporter ou ce qui ne l’est pas. On se souvient de ce que disait Jésus à ses disciples dans son dernier discours : « Tout en vivant dans le monde, vous n’êtes pas du monde ».
CHAPITRE 68 : SI L’ON COMMANDE À UN FRÈRE DES CHOSES DIFFICILES OU IMPOSSIBLES.
Mercredi 26 avril :
Il peut arriver que l’on commande à un frère des choses difficiles si non impossibles ! Dans ce cas, il faut accueillir l’ordre sans murmures ni discussions violentes et voir avec le supérieur en quoi cela nous paraît impossible. Et si l’ordre est maintenu, nous devons alors nous tourner vers Dieu avec simplicité et humilité, car c’est peut-être une inspiration de l’Esprit Saint. Rappelons-nous que Jésus n’a jamais fait volonté, mais toujours celle de son Père pour accomplir sa mission jusqu’au bout. Par notre obéissance, nous pouvons nous associer à sa Pâque et nous offrir à lui en reconnaissant que notre obéissance transfigurera notre vie et nos actes.
Par nous-mêmes, nous ne pouvons pas toujours voir la portée de nos actes ; il nous faut donc faire confiance à l’Esprit-Saint.
CHAPITRE 69 : QUE NUL DANS LE MONASTÈRE NE SE PERMETTE D’EN DÉFENDRE UN AUTRE.
Jeudi 27 avril :
Dans ce chapitre, saint Benoît souligne le fait que nous ne vivons plus comme dans le monde, selon des critères seulement humains et que nos rapports dans la communauté ne sont plus ceux que nous avions avant d’entrer dans le monastère ; nous avons renoncé à notre volonté propre en nous engageant au service du Christ. Nous n’avons donc pas à juger ni à défendre un autre frère, de quelque manière que ce soit, car toute intervention, même en croyant bien faire, ne peut qu’aggraver les conflits et la situation. Les arbitrages sont réservés à l’abbé et à ceux qu’il en a chargé.
Suivre le Christ implique le renoncement à un comportement trop humain, aux affections et amitiés naturelles. L’amour naturel doit se fondre dans l’amour du Christ et non risquer de se poser en rival de celui-ci. Dieu est la source de la charité et de la miséricorde.
CHAPITRE 70 : QUE NUL NE SE PERMETTE D’EN FRAPPER D’AUTRES.
Vendredi 28 avril :
Ce chapitre prolonge le précédent et saint Benoît se montre ici très sévère contre toute volonté de puissance : personne ne doit se permettre dans le monastère de corriger, ou pire, d’excommunier un frère de son propre chef. La correction relève de l’abbé seul, ou de celui qu’il aura désigné à cet effet.
Nous sommes tous enfants du Père et nous pratiquons ensemble les commandements du Seigneur, tout en restant chacun à notre place. Nous sommes aussi renvoyés aux chapitres traitant des frères coupables où l’on y voyait toute l’importance de la miséricorde. La rigueur du châtiment est réservé à l’abbé lorsque tous les autres moyens sont épuisés. Saint Benoît recommande ainsi de ne jamais se départir de la charité qui doit pénétrer nos vies et les transformer. C’est ainsi que la communauté peut se construire dans l’humilité et la miséricorde.
CHAPITRE 71 : QU’ILS SOIENT OBÉISSANTS ENTRE EUX.
Samedi 29 avril :
Dans le Prologue de sa Règle, saint Benoît nous dit que c’est par le labeur de l’obéissance que l’on revient à Dieu, puisque nous nous étions éloignés de Lui par la lâcheté de la désobéissance. Lui obéir, c’est pratiquer ses commandements, c’est répondre par notre amour à Son Amour.
Le chapitre 5 de la Règle est consacré à l’obéissance qui est l’un des trois vœux que prononce le moine à sa profession. Et à la fin de sa Règle, saint Benoît revient sur ce sujet essentiel pour notre vie monastique comme pour toute vie de disciple du Christ qui nous dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Mais l’obéissance due à Dieu, pour être authentique et vraie, passe par des médiations ; elle est due en priorité à l’abbé, mais aussi aux frères, et en particulier aux anciens, car elle est une expression de notre charité. Elle n’est pas un devoir à s’acquitter de plus ou moins bon grès, mais au contraire, elle doit s’exercer dans la joie. Elle peut alors devenir aussi spontanée qu’une bonne habitude.
Frère Claude
Prieur du Bec