CHAPITRE 21 : DES DOYENS DU MONASTÈRE.
Dimanche 26 février :
Ce chapitre n’est plus directement d’actualité car, ce que propose ici saint Benoît correspond à certaines époques où les communautés étaient très nombreuses, aussi le système des décanies ne se pratique plus aujourd’hui. L’abbé devait s’appuyer sur plusieurs anciens ou des sages pour relayer son gouvernement, étant entendu qu’ils devaient contribuer à l’unité de la communauté.
Mais ce qui reste valable pour nous aujourd’hui, c’est le souci que nous devons avoir les uns pour les autres, l’attention aux plus faibles. Le mérite de la vie, c’est la pratique de la Règle, sans raideur ni ostentation, car nous sommes tous appelés dans le Royaume, mais avec humilité, chacun ayant le souci du service de Dieu et du service fraternel, suivant les charges qui lui sont attribuées. Et puis, même si c’est toujours à reprendre, l’expérience et les années nous introduisent dans la connaissance de la sagesse. Du moins, on peut le souhaiter.CHAPITRE 22 : COMMENT DORMENT LES MOINES.
Lundi 27 février :
Ce chapitre sur le sommeil rappelle le mystère de la nuit. C’est le temps du repos, mais ce n’est pas un moment complètement vide. Même si ce n’est pas pour chacun le temps de révélations extraordinaires, on peut se rappeler l’importance de certaines nuits dans la Bible : Création de l’homme, alliance avec Abraham, nuit de la Pâque, et bien sûr, nuit de Noël, nuits de prière pour Jésus, nuit de la Résurrection.
On peut aussi penser aux nuits de veille dans certaines professions : médecins de garde, soignants, pompiers prêts à intervenir en cas d’alerte… Pour la nuit du moine, on peut rapprocher ce chapitre de ceux qui concernent l’office de nuit.
En lisant ce chapitre, nous avons à l’esprit la parole du Cantique des Cantiques : « Je dors, mais mon cœur veille ». Le sommeil ici n’est pas un temps vide ; il reste habité par la Présence de Dieu. En témoigne ici la lampe qui brûle, symbole de la flamme intérieure, de la vigilance, comme dans la parabole des dix jeunes filles. En témoigne aussi la double mention de l’œuvre de Dieu pour laquelle on est déjà prêt. C’est en fait cette disposition qui maintient le cœur ouvert et offert à Dieu, même en plein sommeil. Plusieurs psaumes nous le rappellent : le psaume 4 à Complies : « En paix, je me couche, aussitôt je m’endors ; toi seul tu m’établis en sureté ». Ou encore le psaume 62 : « Quand je songe à toi dans la nuit, au long des veilles, je médite sur toi ». Ainsi la nuit n’est pas une rupture ; de nuit comme de jour nous sommes dans la main de Dieu comme nous le chantons à Complies.
CHAPITRE 23 : DE L’EXCOMMUNICATION POUR LES COULPES.
Mardi 28 février :
Le titre de ce chapitre : « De l’excommunication pour les coulpes » peut impressionner. Saint Benoît cite les cas où cela peut se présenter dans une communauté. En fait, l’excommunication peut être aussi le résultat d’une attitude personnelle ; on peut s’excommunier soi-même en se mettant à l’écart de la communauté et cela peut traduire un certain orgueil ! Nous pouvons tous être concernés par une telle attitude lorsque nous tombons dans la critique, dans le jugement sans nuance envers tel frère ou même l’ensemble de la communauté, car on se croit meilleur que les autres. On retrouve ici la parabole de la paille et de la poutre (Luc 9, 41-42). C’est aussi le cas, dans une autre parabole, où l’on voit le pharisien qui s’exclut lui-même en excluant le publicain.
L’attitude juste qui nous est demandée est celle de la compassion et de l’indulgence, de celui qui écoute et qui essaye de comprendre, et non du redresseur de torts. C’est ce que saint Benoît demande aux anciens pour avertir d’abord et secrètement le frère en dérive. La charité peut être plus constructive que la condamnation. Et puis, nous sommes tous en chemin de conversion, et le Carême qui commence est là pour nous le rappeler.
CHAPITRE 24 : QU’ELLE DOIT ÊTRE LA MESURE DE L’EXCOMMUNICATION.
Mercredi 1er mars :
Lorsqu’on aborde dans la Règle ces chapitres disciplinaires ou pénitentiels, on peut en faire plusieurs lectures : il peut y avoir en effet une lecture juridique, procédurière ou disciplinaire… Si un frère s’est rendu coupable d’une faute à différents degrés ; faute légère ou faute grave, s’il a été désobéissant, rebelle ou orgueilleux, il doit être châtié ou excommunié en proportion de la gravité de sa faute, et différentes mesures d’excommunication, c’est-à-dire de mise à l’écart, sont prévues.
Il peut y avoir aussi, et ce temps de Carême nous oriente en ce sens, une lecture plus évangélique, plus médicinale, et qui est aussi présente chez saint Benoît qui n’insiste pas tant sur la faute, quelle qu’elle soit et qui a été avouée à l’abbé ou à un père spirituel, que sur la réparation à mettre en pratique. Et pour cela, un temps est donné au coupable pour qu’il puisse revenir en lui-même. C’est un temps de silence, de retrait par rapport aux actes communautaires tels que le chant, la lecture à l’office, les repas, et qui permet de prendre conscience de la perte de fraternité, du lien communautaire qui est vital pour nous. La pénitence infligée au coupable a pour but de favoriser son retour dans la communion de la communauté.
En lisant ces chapitres, au moment où nous entrons en Carême, nous pouvons mieux prendre conscience de l’alliance que le Seigneur veut établir avec chacun de nous, personnellement et par la médiation de la communauté. Nous pouvons nous demander en quoi nous nous mettons parfois à l’écart de la communauté ; en quoi, par notre faute, le tissu communautaire peut se relâcher ou au pire, se déchirer.
CHAPITRE 25 : DES FAUTES PLUS GRAVES.
Jeudi 2 mars :
A propos du frère coupable de fautes graves, on est frappé par ce détail à la fin du chapitre : « Que personne ne le bénisse en passant, ni lui, ni la nourriture qu’on lui donne ». Il est vraiment mis à l’écart de la communauté ! Et c’est bien pour signifier cette séparation d’avec les frères, que toute relation est annulée pour qu’il puisse rester seul, et que même son temps est décalé. Mais ce régime est temporaire ; c’est un passage obligé pour que le coupable puisse prendre conscience de sa faute et des conséquences qui en découlent, car c’est lui d’abord qui s’est mis à l’écart.
Le fils prodigue de la parabole a éprouvé cette solitude après avoir vécu dans le désordre. Ayant alors touché le fond, il a pu remonter en prenant conscience de sa situation, et revenir vers son père. De même, le frère coupable, en éprouvant la solitude pourra revenir vers Dieu d’abord et vers la communauté pour entrer de nouveau en relation et obtenir la joie d’être sauvé et de la bénédiction retrouvée.
CHAPITRE 26 : DE CEUX QUI, SANS ORDRES, SE JOIGNENT AUX EXCOMMUNIÉS.
Vendredi 3 mars :
Ce chapitre est assez surprenant car, si un frère coupable est en pénitence à cause de sa faute, on pourrait être tenté de lui parler pour le réconforter ; tout cela avec les meilleures intentions. Or, saint Benoît demande le contraire. On pourrait voir là aussi une contradiction avec l’Évangile !
En fait, pour saint Benoît, il faut voir là une marque de sagesse, car cette mise à l’écart d’un frère coupable a pour but tout un travail intérieur ; il faut laisser Dieu agir dans le silence pour que le frère puisse comprendre sa faute et retrouver le chemin de son cœur. Ce temps est nécessaire pour faire l’expérience de la miséricorde divine et reconstruire l’unité avec la communauté.
On pense à la parabole du fils prodigue qui a dû toucher le fond de sa détresse pour pouvoir remonter de l’abîme où il allait se perdre. C’est alors qu’il a pu retourner vers son père et réaliser que la gravité de sa faute pouvait être engloutie dans un océan de miséricorde.
Dans un premier temps, cette distance pénitentielle nécessaire à notre conversion, n’empêchera pas la joie de la réconciliation arrivant dans un second temps ; au contraire ! Qu’on se souvienne par exemple, de la réintégration des pécheurs publics dans l’Église ancienne qui pouvait durer tout le temps d’un Carême, et qui se célébrait si joyeusement à Pâques.
CHAPITRE 27 : COMMENT L’ABBÉ DOIT AVOIR SOUCI DES EXCOMMUNIÉS.
Samedi 4 mars :
Ce chapitre 27 est en quelque sorte le sommet de l’ensemble du code pénitentiel de la Règle de saint Benoît (chap. 23 à 30). Si les chapitres précédents peuvent paraître sévères, peut être même trop juridiques, celui-ci montre bien l’esprit qui anime l’abbé, et avec lui, toute la communauté : le souci de la miséricorde et le désir de sauver les âmes. L’abbé a ici pour idéal le Christ Bon Pasteur qui déploie tout son zèle pour ramener au troupeau la brebis égarée, et qui ne veut en perdre aucune. Dans ce but, il met à contribution toute la communauté, c’est-à-dire les 99 autres brebis. Et il envoie des anciens pour consoler le frère en dérive en lui conseillant, avec toute la douceur possible, de s’amender. Mais il y a aussi tous les autres frères qui prient pour lui.
La charité doit être plus forte que la tristesse, et l’abbé lui-même fait preuve de toute sa sollicitude et de sa charité pour ramener le fautif. Il faut donc fortifier en lui l’amour pour pouvoir le ramener, avec les autres, dans l’unique bergerie du Seigneur. Car bien que le frère soit pour le moment en dehors de la communauté, il doit ressentir cet amour fraternel et en percevoir les signes. Il ne doit pas en venir à se dire : « Jamais on oubliera, jamais on ne pardonnera, même entièrement, ce que j’ai fait. » C’est en lui-même aussi que doit se fortifier l’amour pour la communauté : loin d’être affaibli au sortir de la pénitence, il doit avoir pris des forces. Le sens de toute la procédure spirituelle est qu’elle fasse réfléchir le coupable et l’oriente vers la perfection.
Frère Claude
Prieur du Bec