Écouter une parole du Bec en 2023 – S08

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Catégorie : Vie monastique

CHAPITRE 16 : COMMENT, DE JOUR, SE CÉLÈBRENT LES OFFICES DIVINS.

Dimanche 19 février :

Ici, saint Benoît se préoccupe moins du détail des offices que de l’ensemble. Au fond, c’est toute la journée, y compris la nuit, qui est consacrée à la louange du Créateur. Ce chapitre s’appuie sur deux citations du psaume 118. La première : « Sept fois par jour, j’ai proclamé tes louanges » est répétée deux fois ; la seconde concerne la nuit : « Au milieu de la nuit, je me levais pour te célébrer ».

On peut faire deux remarques à ce propos, et les deux sont liées :

La première, c’est que le temps est l’œuvre du Créateur, comme d’ailleurs, l’ensemble de l’univers, avec le chapitre premier de la Genèse en arrière fond. On voit la succession des heures du jour comme l’alternance des jours et des nuits ; c’est donc de jour comme de nuit qu’il faut proclamer les louanges de Dieu.La seconde remarque qui en découle, est que le langage biblique utilise des symboles, et le chiffre sept est synonyme de plénitude. Autrement dit, la louange ne doit point cesser de jour comme de nuit. On a souvent voulu faire une règle du chiffre sept : sept offices par jour. Mais qu’il y en ait plus ou moins importe peu ; l’essentiel est d’être habité par la prière intérieure, de rester toujours dans une attitude de louange. Dans ces conditions, l’office sera vécu de l’intérieur et non subi comme un devoir imposé. Il n’y aura pas de rupture entre les activités diurnes et les offices liturgiques, comme entre le repos nocturne et l’office de nuit, là où il est pratiqué. Nous devons toujours tendre à une vie unifiée, en respectant l’équilibre entre offices et travaux.

CHAPITRE 17 : COMBIEN DE PSAUMES CHANTER À CES MÊMES HEURES.

Lundi 20 février :

    Le mot ‘’synaxe’’ qui est utilisé à propos des Vêpres signifie que l’office liturgique se célèbre en ‘’assemblée’’. Le verbe correspondant à ce mot est : ‘’se réunir’’, et le préfixe ‘’sûn’’ signifie : avec, ensemble ; c’est de là aussi que vient le mot ‘’synagogue’’, le lieu de l’assemblée.

En fait, c’est tous les offices qui se célèbrent en assemblée ; il ne s’agit donc pas d’une simple prière individuelle même si celle-ci existe aussi et qu’elle est nécessaire si non la prière de l’office risquerait d’être formelle. L’office est une célébration ecclésiale, communautaire, et au-delà de la communauté particulière réunie pour l’office, nous rejoignons l’Église universelle qui rassemble toutes les communautés locales qui célèbrent, elles aussi, la prière des heures.

Par ailleurs, lorsqu’on lit cette programmation des offices quotidiens donnée par saint Benoît, on serait tenté d’y voir une répétition fastidieuse. Or, si l’on considère ces offices comme l’expression d’une louange continuelle – du moins c’est l’idéal – cette célébration sera habitée de l’intérieur ; elle sera nourrie de notre prière personnelle, et réciproquement, notre prière personnelle, en dehors des offices, sera nourrie de la prière ecclésiale.

     Tous les offices de la journée, dont les psaumes constituent la partie essentielle, sont encadrés par une supplication : pour l’ouverture, nous chantons : « Dieu vient à mon aide » pour demander au Seigneur de nous préparer à célébrer sa louange, car nous sommes rassemblés pour prier avec toute l’Église et nous avons besoin du secours divin pour accomplir cette mission. Nous demandons pour cela à l’Esprit-Saint de venir au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut, pour reprendre les expressions de l’Apôtre Paul dans son épître aux Romains au chapitre 8.

Après avoir chanté les louanges au Seigneur, en reprenant donc les psaumes qui sont sa Parole et sa prière, nous supplions aussi pour tous les hommes et les femmes qui nous entourent, proches ou lointains, tous ceux qui peinent dans l’existence de différentes manières. Nous le faisons en Église, avec tous nos frères chrétiens. Comme baptisés et disciples du Christ, nous sommes intercesseurs pour tous les hommes qui ne le connaissent pas encore comme ceux qui sont accablés, afin que le Seigneur les guide et les attire à lui.

 

CHAPITRE 18 : EN QUEL ORDRE IL FAUT DIRE LES PSAUMES.

Mardi 21 février :

Saint Benoît détaille maintenant le contenu des offices des petites heures. Ici, il est surtout question de l’office de Prime, un office qui n’est plus guère en usage aujourd’hui, sauf dans quelques monastères, surtout ceux où l’on respecte impérativement la règle des sept offices quotidiens. Étant donné qu’il était souvent célébré aussitôt après Laudes, la proximité trop rapprochée entre Laudes, Prime et Tierce a conduit à le supprimer.

Aujourd’hui, l’organisation des différents offices est beaucoup plus souple et varie suivant les monastères. Ce qui est important de noter ici, avec la répartition des psaumes proposée par saint Benoît, c’est que le psaume 20 commence toujours les Vigiles du dimanche, qui rappellent la Vigile pascale, et cela, parce que le psaume 20 est un psaume de résurrection qui ouvre donc l’office du dimanche, et par là, de toute la semaine.

Mercredi 22 février, entrée en Carême :

Le Carême n’est pas un temps orienté sur lui-même, mais il doit être tourné vers Pâques. C’est ce que rappelle saint Benoît au chapitre 49 de la Règle : « Attendre la sainte Pâques dans la joie du désir spirituel ». C’est ce que bien des chrétiens pourraient oublier, habitués qu’ils ont été autrefois à voir l’insistance sur son caractère austère et pénitentiel. Les efforts et les privations demandées sont alors subis plutôt qu’acceptés joyeusement.

Le Carême a aussi été envisagé comme une affaire personnelle : temps de solitude, temps d’effort, de privations, considérés parfois, ou même souvent, d’un point de vue moral. S’en tenir à cela reste insuffisant, et même empêche de voir ce qu’il est vraiment : un temps favorable pour la relation. Nous sommes appelés à rétablir des liens que le péché, l’individualisme, l’égoïsme avaient rompus. C’est un temps de conversion, de retour en grâce.

C’est surtout un temps de retour à Dieu. Notre relation à Dieu risque à la longue de se distendre et les moyens de renforcer cette relation sont : la prière, l’écoute et la mise en œuvre de sa Parole, la participation à l’office divin. Demandons-nous comment améliorer notre relation à Dieu grâce à ces moyens qui nous sont donnés : silence autour des offices, silence dans les lieux et les temps où ils sont recommandés, régularité… Le but de ce respect ne doit pas être une contrainte, mais une acceptation libre et joyeuse pour renforcer notre amour pour Dieu et pour nos frères.

Mais c’est aussi un temps où nous sommes appelés à respecter notre lien avec la création. On parle beaucoup aujourd’hui d’écologie avec une prise de conscience des excès dans notre consommation des biens. Le jeûne du Carême doit nous aider à cette prise de conscience du respect dû à la création, pour nous contenter du nécessaire et éviter les excès et le gaspillage. Il nous faut toujours avoir à l’esprit et au cœur que nous ne sommes pas seuls, qu’il y a de nombreux pauvres proches ou loin de nous ; l’actualité nous le rappelle tous les jours.

C’est encore un temps où nous devons renforcer notre lien avec nos frères par des temps de partage, des temps d’accueil, d’écoute, comme aussi d’attention aux plus pauvres, à tous les souffrants ; et en ce domaine, nous n’avons jamais fini, car nous sommes toujours appelés à sortir de nous-mêmes, à briser nos individualismes pour nous ouvrir aux autres. Il ne nous est pas demandé de faire des actions éclatantes, mais c’est chaque jour, humblement et le plus souvent dans les petites choses, que nous avons à mettre en œuvre ce programme, pour progresser mieux et davantage dans l’amour, chaque jour.

 

Suite du chapitre 18 de la Règle :

La suite de ce chapitre concerne les petites heures du jour en semaine avec, pour le lundi, la fin du psaume 118, et les autres jours, les psaumes des montées (Ps. 119 à 127). Ce sont deux aspects de notre marche vers la Jérusalem céleste, notre vraie Patrie avec : d’une part, la méditation de la Loi, amour de la Parole de Dieu, intériorisée, gardée dans le cœur et mise en pratique ; d’autre part, les psaumes de pèlerinage, qui sont ceux que les pèlerins chantaient en montant à Jérusalem, exprimant le désir d’habiter la Maison de Dieu.

En ce qui nous concerne, même si nous avons une répartition un peu différente, nous prenons quand même une section du psaume 118 au cours de l’office de None, et un psaume des montées à Vêpres, ce qui rend présents dans la journée, ces deux aspects de notre vie chrétienne : amour de la Loi et marche vers la Patrie céleste.

Le Carême nous invite donc à les vivre plus intensément, car c’est un temps de plus grande écoute de la Parole de Dieu grâce au silence du désert. C’est aussi une marche à la suite du Christ dans sa montée vers sa passion et vers Pâques.

 

Jeudi 23 février :

Nous arrivons ici au terme de l’organisation de l’office divin décrit par saint Benoît. Il y a mis un soin très particulier, avec une grande précision, veillant à l’équilibre de chaque office, en insistant particulièrement sur celui du dimanche, dès les Vigiles, où l’on célèbre la Résurrection du Seigneur. L’unité de temps est la semaine, le dimanche étant à la fois le premier jour de la semaine, et le huitième, même si cela n’est pas dit explicitement.

     Parmi les rythmes liturgiques qui sont à notre portée, c’est peut-être le rythme hebdomadaire auquel saint Benoît attache le plus d’importance. Il y a bien sûr le cycle annuel culminant avec Pâques ; il y a le rythme quotidien dont saint Benoît achève ici l’organisation, mais le rythme hebdomadaire nous marque d’une façon particulière. Il a sa source dans la tradition biblique dans laquelle il a été établi, surtout après l’exil, avec l’organisation du culte d’après les sept jours de la création et la sanctification du septième. Avec la Résurrection du Christ, c’est le premier – ou huitième – jour qui devient le fondement de la semaine et de la vie liturgique.

Et pourtant, saint Benoît n’a pas la prétention de dire que cette disposition est la meilleure et doit être la seule. Ce qui importe, c’est d’avoir toujours à l’esprit que Dieu doit être le premier servi. Nous Lui avons voué toute notre vie. L’Opus Dei est donc notre premier devoir à Lui rendre car nous Lui devons hommage comme notre Créateur, Seigneur et Père, en reconnaissant qu’Il veille toujours sur nous et qu’Il nous aime.

Même si aujourd’hui, une plus grande souplesse est admise dans l’organisation actuelle de l’office, nous faisons nôtre l’organisation actuelle. Elle est l’expression de notre prière liturgique et nous relie à toute l’Église universelle, à tous ses membres qui, sous des formes diverses, célèbrent la louange quotidienne de Dieu. Et en ce temps de Carême, veillons particulièrement à être présents à notre office, non seulement physiquement, mais aussi avec tout notre cœur et notre esprit, pour le laisser porter ses fruits en nous tout au long de nos journées.

 

CHAPITRE 19 : DE LA DISCIPLINE DU CHANT.

Vendredi 24 février :

Après ces 11 chapitres dans lesquels saint Benoît présente l’organisation de l’office divin sur l’ensemble de la semaine, il montre que tout cela serait vide s’il n’y avait pas une attitude intérieure avec laquelle nous devons célébrer l’office. Il le dit dès le début de ce chapitre : « Nous avons foi… oui, nous avons foi que la divine présence est partout », et plus loin : « croyons-le d’une conviction parfaite ». Cette attitude est la foi en la Présence de Dieu. Certes, elle est déjà évoquée dans les chapitres précédents, mais ici, elle est clairement affirmée.

Dieu est présent partout et à tout moment, mais plus particulièrement en ce lieu et dans les temps qui lui sont consacrés. Notre application à bien chanter, à bien célébrer, n’est pas seulement formelle, mais elle est aussi guidée par cette conscience de la Présence de Dieu, par une crainte pleine de respect. C’est cette foi qui unifie notre cœur et l’accorde avec ce que nous chantons ou disons selon ce que nous rappelle Benoît : « Que notre homme intérieur s’accorde avec notre voix ». Nous devons faire nôtre ce que nous proclamons.

Ces prières très anciennes que sont les psaumes, nous les assimilons, nous les vivons encore aujourd’hui, car elles nous rejoignent dans notre quotidien. C’est la foi qui nous maintient dans la prière, dans l’attente de Dieu, dans la confiance. Elle nous donne l’assurance que Dieu nous écoute.

CHAPITRE 20 : DE LA RÉVÉRENCE DANS LA PRIÈRE.

Samedi 25 février :

     Dans ce dernier chapitre consacré à l’office divin, saint Benoît insiste sur le lien entre la prière communautaire et la prière personnelle. Elles se complètent mutuellement car la prière personnelle peut prolonger l’office chanté comme elle prépare le cœur à la célébration de la louange.  Rappelons-nous la prière du publicain : « Mon Dieu, aie pitié du pêcheur que je suis » (Luc 18,13). Prière brève et pure, prière humble et sincère, qui fait appel à l’Esprit-Saint pour nous inspirer les mots et les attitudes justes, car nous ne savons pas prier comme il faut. Elle doit pénétrer notre cœur pendant tout l’office, mais aussi avant, pour nous y préparer, et après, pour rendre grâce.

Ce sont les dispositions du cœur qui permettent cette continuité entre prière liturgique et prière personnelle. Le cœur doit être humble et pur, contrit et entièrement offert à Dieu. C’est dans de telles disposition que le cœur peut alors se trouver totalement accordé avec les textes de l’office, et plus spécialement avec les psaumes. Certains psaumes, comme le 50 font passer du repentir à la joie du salut, ou bien le psaume 21 qui fait passer de la prière du juste persécuté et abandonné à la joie du secours divin et à la louange de toute l’assemblée.

 

Frère Claude
Prieur du Bec