Écouter une parole du Bec en 2023 – S03

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Catégorie : Vie monastique

Dimanche 15 janvier :

Dans cette dernière partie du chapitre sur l’abbé, saint Benoît insiste sur la priorité que celui-ci doit accorder aux choses spirituelles. Il nous le rappelle comme il le rappelle à l’abbé pour son ministère auprès des frères, et cela au moyen de deux citations de l’Écriture : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera surajouté (Mt. 6, 33) », et « Rien ne manque à ceux qui le craignent ». Cette seconde citation tirée du psaume 33, verset 10, vient confirmer la première de saint Matthieu. Cela ne veut pas dire qu’il faille nier les choses matérielles, ne rien faire !  Non, car nous voyons par ailleurs que saint Benoît rappelle l’importance du travail manuel comme intellectuel.

Chercher Dieu, chercher son Royaume, c’est ce qui est demandé à celui qui veut entrer au monastère. La communauté, avec l’abbé en tête, a pour objectif cette recherche incessante de Dieu, de vivre pour Lui et avec Lui. Nous ne sommes pas une entreprise humaine, à but économique, social ou autre, mais nous sommes des enfants de Dieu appelés à vivre de Lui. Saint Paul nous rappelle combien notre vie n’est pas de ce monde, mais du monde à venir, du Royaume.

« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice… » Ce mot ‘’d’abord’’ commande tout le reste en impliquant notre acte de foi. C’est faire confiance à Dieu, lui remettre notre vie, s’abandonner à Lui afin qu’Il prenne soin de nous.Dans la vie des saints, et pas seulement dans le merveilleux hagiographique, on trouve maints exemples de cette confiance totale récompensée par le Seigneur. Aussi l’abbé doit-il vivre cette confiance, comme chacun d’entre nous ; ainsi nous pourrons nous soutenir les uns les autres dans notre marche vers le Royaume de Dieu.CHAPITRE 3 : DE L’APPEL DES FRÈRES EN CONSEIL.

Lundi 16 janvier :

Dans la première partie de ce chapitre, il est question des choses importantes qui doivent se traiter dans le monastère. Il est donc prévu que la communauté soit convoquée pour que chacun puisse donner son avis. Mais les réunions ne doivent pas avoir un caractère de réunion politique, avec des affrontements, des invectives, comme on peut en avoir une idée en voyant ce qui se passe dans nos sociétés actuelles. Ici, il est fait appel à la réflexion, à l’écoute mutuelle et au respect de chacun. Personne ne peut prétendre avoir à lui seul toute la vérité.

C’est pourquoi l’écoute mutuelle a son importance et il est bon d’écouter les avis de chacun. Cela demande une sortie de soi en donnant son point de vue sur tel ou tel sujet, mais humblement selon saint Benoît qui précise : « avec toute la soumission de l’humilité », et en acceptant que son avis ne soit pas un absolu, mais soit corrigé, tempéré par celui des autres. On progresse ainsi dans l’écoute mutuelle pour finalement accepter que la décision, sur des sujets importants, soit prise par l’abbé qui aura pu écouter et discerner ce qui est le meilleur pour l’ensemble du corps. Saint Benoît rappelle aussi la nécessité de l’humilité qui avec l’écoute et la fraternité sont les valeurs mises ici en lumière. L’abbé pourra alors prendre une décision qu’il jugera la plus sage possible.

Mais les décisions importantes ne se prennent pas dans la précipitation, c’est pourquoi elles nécessitent réflexion et échanges sous le regard de Dieu. La prière et le secours de l’Esprit-Saint sont aussi nécessaires. Et lorsqu’une décision grave est prise dans le sens du bien spirituel de l’ensemble, elle est acceptée dans l’obéissance et dans la foi.

Mardi 17 janvier :

Saint Benoît rappelle ici que la norme pour tous dans le monastère, c’est la Règle. Chacun doit la respecter, l’abbé comme un chacun. Elle est commune à tous, car il ne peut y avoir autant de règles que de moines dans une communauté ! Autrement dit, personne ne peut se faire sa propre règle, ou prendre dans celle de saint Benoît ce qui lui convient et laisser le reste. Ceci reviendrait à adopter le genre de vie des Sarabaïtes ou des gyrovagues dont il est question au premier chapitre. C’est un peu la tendance pour un certain nombre de chrétiens aujourd’hui qui se font une religion ‘’à la carte’’ avec des accommodements.

« Que tous les frères suivent la Règle en toutes choses, comme la maîtresse » et : « Personne, dans le monastère, ne doit suivre la volonté de son propre cœur ». Saint Benoît rappelle aussi pour l’abbé : « Fais tout avec conseil, et après l’événement tu n’auras pas à te repentir », conseil biblique tiré du Siracide (Si. 32, 19) qui peut être bon pour tous, laïcs comme moines.

Bien sûr, il y a dans la Règle certains aspects et usages liés à son temps, mais son esprit reste d’actualité pour toutes les époques. Rappelons-nous qu’elle est une mise en œuvre de l’Évangile et que nous marchons à la suite du Christ ; c’est lui qui doit rester notre guide sur la voie de l’humilité, de l’obéissance et de l’amour à son Père. Et la Règle n’a d’autre but que de nous aider à suivre ce chemin qui mène surement à Dieu.

 

CHAPITRE 4 : QUELS SONT LES INSTRUMENTS DES BONNES ŒUVRES.

Mercredi 18 janvier, entrée dans la semaine de prière pour l’unité entre chrétiens et entre les Églises :

Ce chapitre est intitulé : « Quels sont les instruments des bonnes œuvres ». Après les avoir tous énumérés, saint Benoît dit en conclusion : « Tels sont les instruments de l’art spirituel ». On pourrait dire aussi : les instruments de la vie dans l’Esprit. Et aujourd’hui, ils peuvent aussi nous aider à trouver d’abord, l’unité en nous, afin de pouvoir prier pour l’unité entre nous, chrétiens, et entre nos Églises. Les deux premiers instruments ne sont autres que les deux commandements sur lesquels repose la Loi donnée à Israël et qui sont réaffirmés par Jésus dans l’Évangile : c’est le double commandement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Tous les autres instruments en sont un développement, une application à la vie concrète. Que ce soient des exhortations ou des interdictions, il s’agit toujours d’encouragements à ne pas vivre selon le monde, mais à vivre selon l’appel qui nous a été lancé par le Christ, appel à la conversion et à vivre en hommes nouveaux ; appel à vivre non selon la chair, mais selon l’Esprit.

Ces instruments sont des outils, des moyens qui permettent de travailler et ce sont autant de moyens qui permettent d’accomplir un art, un travail agréable à Dieu. Mais on peut dire tout autant que ce sont des moyens qui permettent à Dieu d’accomplir son œuvre en nous, qui Lui permettent de Le laisser nous transformer. Il faut laisser l’Esprit-Saint nous habiter pour nous ouvrir à sa présence et à son action. Si nous lui ouvrons nos cœurs, Il nous rend capable d’aimer le Seigneur et notre prochain, de renoncer à nous-même et de servir nos frères, et de ne rien préférer au Christ.

Nous retrouvons là l’enseignement de Jésus lui-même, relayé par celui des apôtres et particulièrement par celui de saint Paul dans plusieurs de ses Épitres : aux Galates, aux Éphésiens ou encore aux Romains au chapitre 8. Si nous sommes dans le Christ, l’Esprit de Dieu habite en nous et Il fait de nous les enfants du Père. Et Dieu peut ainsi accomplir son œuvre de salut en nous.

Jeudi 19 janvier :

Cette seconde section du chapitre sur les instruments de l’art spirituel en propose toute une série qui sont des recommandations assez diverses, touchant les relations avec le prochain et la conduite personnelle. Elles invitent à la charité et à la vérité sur soi, même et dans nos rapports avec les autres : ne pas avoir de duplicité, de rancune, ne pas commettre d’injustice, reconnaître le mal que nous commettons et reconnaître que tout le bien que nous faisons est un don de Dieu… Il faut sans cesse être vigilant sur ses actes, ses paroles, ses pensées, et s’ouvrir à Dieu qui nous guide sur le bon chemin.

Comme souvent dans la Règle, nous retrouvons la source de saint Benoît qui n’est autre que l’enseignement de Jésus et des apôtres, comme aussi des psaumes et des prophètes. Tout chrétien, et donc le moine, est appelé à se laisser guider par l’Esprit-Saint qui le renouvelle.

Vendredi 20 janvier :

Dans cette troisième partie, c’est donc notre relation à Dieu qui est surtout envisagée et saint Benoît nous donne des conseils pour revenir à Lui, pour demeurer en sa Présence, ainsi que des recommandations pour éviter de nous éloigner de Lui.

Alors que les instruments des Bonnes Œuvres de ces deux premières séries étaient orientés davantage vers la vie de charité et la vie morale, morale personnelle et morale sociale, cette nouvelle série nous recentre sur Dieu, sur la foi et la vie future. Saint Benoît nous rappelle, comme en d’autres endroits de sa Règle, un fait essentiel qui est la Présence de Dieu en chacun de nous : « savoir avec certitude qu’en tout lieu Dieu nous regarde » (verset 49).

Ce qui pourrait venir immédiatement à l’esprit, c’est l’idée d’un Dieu sévère, un surveillant, un juge impitoyable avec la peur du jugement et la crainte de l’enfer, mais ce sentiment est compensé par le désir de la vie éternelle.

Saint Benoît évoque plusieurs fois dans sa Règle le regard de Dieu, et l’on sait qu’il parle d’expérience. Après la tentative d’empoisonnement dont il est l’objet à ses débuts, saint Grégoire nous rapporte au chapitre 3 du second Dialogue, que lorsqu’il revient à sa chère solitude : « seul sous le regard du suprême Témoin, il habite avec lui-même ».

On a souvent vu dans le regard de Dieu celui d’un juge menaçant qui poursuit le coupable. On pense alors à Victor Hugo dans Les Châtiments, à propos de Caïn en fuite après le meurtre de son frère Abel : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ». Non, même si nous sommes pécheurs, c’est un Dieu bon, aimant, miséricordieux qui veille sans cesse sur nous, c’est le regard du Père qui veille sur ses enfants et qui ne désire que leur bien. Dans le verbe ‘’regarder’’, il y a ‘’garder’’ car Dieu est le berger d’Israël qui ne dort ni ne sommeille, comme le chante le psaume 120. Ce regard est celui que Jésus pose sur chacun de ses disciples, sur tous ceux qu’Il appelle à Lui pour marcher à sa suite. Et Il le pose plus spécialement sur les pauvres, les malades dont Il a une particulière compassion.

Dieu nous est présent car il veut notre bonheur ; il nous guide et nous encourage, grâce à l’Esprit-Saint, à suivre le Christ, sa Parole vivante, pour nous aider à avancer vers la Vie éternelle. Cette conviction éclaire les instruments proposés dans ce chapitre ; elle nous donne sens même si nous ne les appliquons pas en tout point, vu notre faiblesse. Mais savoir qu’à tout moment et en tout lieu, Dieu, notre Père, est présent, qu’Il nous regarde avec amour, doit nous donner confiance et paix.

Samedi 21 janvier :

Saint Benoît nous propose dans ce chapitre un vaste programme. Ce travail à accomplir touche les aspects concrets de notre vie, de notre caractère, de nos relations, depuis l’amour de Dieu jusqu’à celui du prochain et la vigilance sur nous-mêmes. A la vue de tant de préceptes, on pourrait se décourager, car il semble impossible d’accomplir toutes ces Bonnes Œuvres ! Mais saint Benoît dans sa sagesse a prévu un instrument qui annule cette tentation de découragement. C’est celui qu’il donne en conclusion : « Et de la miséricorde de Dieu, ne jamais désespérer ».

Dieu en effet nous propose un chemin pour venir à Lui, mais Il connait aussi notre faiblesse, et c’est pourquoi Il nous assure de sa Présence et de son Amour. Dans sa grande tendresse Il nous relève de nos chutes. Il faut nous tourner vers Lui et l’appeler quand le découragement nous menace ; Il nous attirera alors à Lui. Tout au long de notre vie, et avec l’aide de la communauté, nous pourrons ainsi avancer sur le chemin de la vie.

Autrement dit, le chemin qu’il nous est donné de parcourir, c’est qu’à partir de notre amour pour Dieu et pour le prochain, il nous est donné de découvrir et de recevoir l’amour que Dieu a pour chacun de nous. Or cela n’est possible que parce que Dieu nous a aimé le premier. Amour qui est du commencement au terme de nos vies, et dont l’aboutissement est cette récompense qu’il a promise : « Ce que l’œil n’a pas vu, que l’oreille n’a pas entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. »

Ainsi, au lieu d’être une succession de préceptes ennuyeux, tous ces conseils sont au contraire une invitation à nous laisser entraîner dans ce mouvement d’amour pour partager la vie et la joie que Dieu veut nous donner. Et comme nous le chantons dans l’hymne de la fête de saint Benoît, nous pouvons faire nôtre cette parole que le Seigneur nous adresse : « Humblement, par la patience, tu avanceras, le cœur libéré. »