Écouter une parole du Bec en 2022 – S38

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Catégorie : Vie monastique

  1. QUELS SONT LES INSTRUMENTS DES BONNES ŒUVRES.

Dimanche 18 septembre :

Dans le Prologue, saint Benoît nous invite à revenir vers le Père. Tout au long de sa Règle, et surtout au début, il donne les grands principes qui doivent nous conduire, les attitudes qui sont à la base d’une vraie conversion, en particulier : l’obéissance et l’humilité. Puis il organise la vie dans le monastère.

Mais il est en même temps très concret, très pratique, et notre chemin de conversion passe par les détails de la vie quotidienne, par notre comportement personnel et relationnel. Et ce qui doit animer toute notre vie de chrétien et de moine, c’est l’amour. Et justement, cette première partie du chapitre sur les instruments des bonnes œuvres est encadrée par le commandement de l’amour : « aimer le Seigneur et le prochain » au début ; « ne rien faire passer avant l’amour du Christ » pour conclure.

Ce commandement de l’amour éclaire et dynamise toute notre vie. S’ils sont pénétrés intérieurement par l’amour, tous les commandements et instruments énumérés ici ne sont pas de simples principes imposés de l’extérieur, même s’il nous semble évident de les mettre en œuvre (par exemple : ne pas tuer), mais ils sont reçus et vécus comme l’expression de notre amour pour Dieu et pour notre prochain. Ils nous décentrent de nous-même en nous tournant vers Dieu et vers nos frères et comme le dit l’Écriture, ils ne sont pas des fardeaux pesants car l’amour les rend plus facile à pratiquer avec un cœur joyeux.Lundi 19 septembre :

Lorsqu’on lit cette liste des instruments des bonnes œuvres, tant ceux d’hier que ceux d’aujourd’hui, on remarque que saint Benoît n’a rien inventé. Sa source, c’est principalement les Écritures où la plupart sont repris, soit des Évangiles, des Épitres, ou encore de l’Ancien Testament, tant des livres du Pentateuque que des écrits de sagesse (Proverbes, Siracide ou autres). Ils sont présentés de manière condensée afin qu’on puisse les retenir et les mettre en pratique.

Quant à l’avant-dernier, le 42 : « Quand on voit un bien en soi, le rapporter à Dieu, non à soi-même », on a parfois tendance à l’interpréter comme une forme d’humilité un peu moralisante et étriquée. Il faut plutôt y voir l’action de l’Esprit-Saint dans nos vies. Le mal existe, bien sûr, et nous sommes pécheurs comme il est dit au verset suivant, le 43 : « Quant au mal, savoir qu’on l’a fait soi-même, toujours, et le mettre à son compte ». Mais nous devons reconnaître que nous sommes aussi réceptifs à la grâce et que l’Esprit-Saint est à l’œuvre en nous si nous sommes dociles à ses appels. Nous le reconnaissons toujours au début, mais en relisant nos vies, et plus largement, en regardant autour de nous, chez les autres comme dans l’Église, nous pouvons constater qu’il agit vraiment. Et c’est pour nous un motif de louange et d’action de grâce.

Mardi 20 septembre :

La plupart des instruments des bonnes œuvres des deux jours précédents mettent davantage l’accent sur la dimension personnelle de notre comportement et sur notre relation aux autres comme expression de notre amour pour Dieu.

Il est davantage question aujourd’hui de la perspective finale de notre vie. Nous sommes tendus vers la vie éternelle car notre vie d’ici-bas est toute tournée vers ce but et tous ces moyens proposés par saint Benoît doivent nous y préparer : l’évocation du jugement, de l’enfer, de la mort, est un rappel de notre destinée et c’est dès maintenant que nous nous y préparons en nous avançant dans la foi. Et ce rappel de notre père saint Benoît que Dieu est présent et nous regarde doit être compris, non comme une menace perpétuelle pour notre liberté, mais au contraire comme une assurance, un soutien ; c’est le regard attentif du Père qui nous aime, pour reprendre l’expression du Prologue. Et sa Présence se manifeste à travers toutes ces médiations car il ne veut que notre bonheur et nous savons que le salut ne peut venir que de Lui et non de nos pauvres forces. Il vient toujours au secours de nos faiblesses.

Mercredi 21 septembre, fête de saint Matthieu :

Saint Benoît complète ici la liste des instruments des bonnes œuvres et tout ce programme pourrait sembler décourageant par le nombre impressionnant d’instruments, car nous savons qu’il est difficile de les mettre tous en œuvre ! Mais s’il en est un qui peut nous encourager et nous rassurer, c’est bien le dernier : « Et de la miséricorde de Dieu, ne jamais désespérer ». Nous connaitrons toujours des échecs, des manquements, car nous sommes pécheurs, mais le secours de Dieu nous est donné. Il nous montre sa miséricorde et ne nous la refuse jamais.

Le publicain Matthieu que nous fêtons aujourd’hui en a fait l’expérience et le récit de sa vocation est justement l’évangile que nous lisons aujourd’hui pour sa fête où Jésus cite le prophète Osée : « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices ». Et il ajoute : « Je ne suis pas appelé les justes, mais les pêcheurs ».

Nous sommes toujours en chemin de conversion où le Seigneur nous appelle chaque jour à le suivre. Chaque jour nous remettons nos pas dans les siens et nous accomplissons dans le monastère, et en communauté, ces instruments de l’art spirituel. C’est ainsi que nous répondons à son amour par le nôtre.

  1. DE L’OBÉISSANCE.

Jeudi 22 septembre :

« L’obéissance, dit saint Benoît, se trouve chez ceux-là qui sont décidés à n’avoir rien de plus cher que le Christ ». Ce n’est pas la seule fois que saint Benoît recommande de n’avoir rien de plus cher que le Christ. Il le dit déjà au chapitre 4 des instruments des bonnes œuvres, au chapitre 72 du bon zèle et encore dans d’autres endroits où il rappelle l’amour du Christ. Il relie ainsi l’obéissance à l’amour, car l’obéissance n’est pas une soumission servile, elle est l’accueil de la volonté d’un autre, ici, en priorité celle du supérieur, qui est censé représenter le Christ. Obéir, c’est renoncer à sa volonté propre pour suivre le Christ dont la volonté passe par des médiations humaines. Elle s’enracine ainsi dans le concret de nos existences, sinon, elle risquerait d’être illusoire.

Si nous pouvons obéir par amour du Christ, c’est parce que lui-même a été obéissant : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Jésus reconnait que ce n’est pas un chemin facile ; c’est au contraire une route escarpée, un chemin étroit. C’est celui que Jésus a emprunté et Il nous invite à le suivre.

Vendredi 23 septembre :

Saint Benoît donne ici les qualités de l’obéissance : agréable à Dieu et douce aux hommes. Plaire à Dieu, c’est accomplir sa volonté. Obéir, c’est entreprendre un chemin de conversion, c’est revenir à Dieu de tout son cœur, c’est suivre l’exemple du Seigneur qui en faisant la volonté de son Père donne sa vie pour tous les hommes.

Et saint Benoît ajoute que l’obéissance, en plus d’être douce aux hommes, doit être pénétrée d’humilité, de paix, de bonté. Obéir de mauvaise grâce conduit au murmure qui est un facteur de division, alors que l’obéissance bien vécue est un facteur de paix dans la communauté. Il faut se laisser conduire par l’Esprit-Saint.

  1. DU SILENCE.

Samedi 24 septembre :

Après l’obéissance et avant l’humilité, saint Benoît veut nous montrer l’importance du silence. Comme l’obéissance et l’humilité, il est une des conditions de la vie fraternelle où il en assure la qualité. Il est un écrin pour la parole, car l’excès de paroles nuit à la qualité de la parole et la dévalue. Le silence permet aussi d’éviter les dérapages de la langue et les citations bibliques rappellent qu’en parlant trop, on n’évite pas le péché comme aussi de blesser ou même de tuer son prochain.

Le silence favorise donc l’écoute et particulièrement l’écoute de la Parole de Dieu. Mais pour une bonne écoute, il ne nous suffit pas de mettre un frein à sa langue ou, comme le dit le psaume, « une garde à sa bouche », il faut aussi faire taire le tumulte des pensées, car nous pouvons avoir l’esprit et le cœur agités de pensées et de passions mauvaises, de rancœurs ou de toutes sortes de sentiments qui font la guerre à l’âme. Cette agitation intérieure, comme l’excès de paroles d’ailleurs, peut être une fuite, une peur de nous retrouver face à nous-mêmes et aussi face à Dieu !

Le bruit intérieur aussi bien qu’extérieur nous divertit au sens propre et fort du mot ; il nous détourne de l’essentiel qui est Dieu. Au contraire, par un silence véritable, nous pouvons rejoindre notre cœur profond pour demeurer en présence de Dieu qui nous y attend.

Le sacrifice d'Isaac : Rembrandt (portion de la toile)