CHAPITRE 60 : DES PRÊTRES QUI VOUDRAIENT HABITER DANS LE MONASTÈRE.
Dimanche 14 août :
Saint Benoît nous rappelle ici que, dans la vie monastique, ce qui est premier c’est l’obéissance à la Règle et la stabilité dans le monastère. Ceci vaut pour tous ceux qui entrent au monastère, et saint Benoît envisage ici le cas de prêtres ou de clercs qui demanderaient à y entrer. Leur sacerdoce ou leur état clérical ne les place pas au-dessus des autres, ni ne les dispense d’observer tous les points de la Règle.
A tous ceux qui entrent, qu’ils soient prêtres ou laïcs, Jésus pose la question : « Mon ami, pourquoi es-tu venu ? » Il nous appelle ‘’ami’’, ce qui est une marque de confiance, le signe d’une relation personnelle. C’est ainsi qu’il appelle les apôtres, mais il pose aussi la question à Judas venu le faire arrêter ! C’est donc une interpellation, une invitation à la vigilance, à nous rappeler toujours ce que nous venons chercher, sous quelle règle nous voulons servir, à accepter avec humilité ce qui nous est demandé et à revenir dans le droit chemin si nous nous en écartons par orgueil ou désobéissance.
Par-delà cet appel direct aux prêtres qui voudraient entrer au monastère, Jésus nous rappelle indirectement les exigences de notre vocation.CHAPITRE 61 : DES MOINES ÉTRANGERS, COMMENT LES RECEVOIR.
Lundi 15 août, solennité de l’Assomption :
L’accueil d’un moine étranger relève d’abord de l’hospitalité qui est due à tous ceux qui se présentent au monastère pour un séjour plus ou moins long. On reconnaît le Christ en lui comme en chacun des hôtes qui se présentent. L’accueil relève de la simple charité.
Mais saint Benoît va plus loin en suggérant que ce moine peut être envoyé par Dieu ; il peut en effet poser un regard neuf sur la communauté qui l’accueille et faire des suggestions, mais avec l’humilité de la charité, précise saint Benoît, ce qui suppose délicatesse et respect. Cela peut aller jusqu’à envisager un transfert de stabilité du moine, ce qui est développé dans la seconde partie de ce chapitre.
Et nous pouvons éclairer cette lecture de la Règle aujourd’hui par l’évangile de la Visitation (Luc 1, 39-55) qui est celui de la fête d’aujourd’hui. Marie est accueillie par Élisabeth qui en elle accueille Jésus lui-même. Ce récit est rempli d’humilité et de charité tant chez Marie que chez Élisabeth. Ainsi doit-il en être de nos rencontres, aussi bien entre nous, qu’avec ceux que nous accueillons ou rencontrons.
Mardi 16 août :
La suite du chapitre évoque la possibilité d’un transfert de stabilité d’un moine. Cela peut se faire à deux conditions d’après saint Benoît :
- Si le moine en question peut édifier la communauté par son bon exemple.
- Si l’abbé de sa communauté d’origine donne son accord.
Il est bien évident que cette situation reste exceptionnelle et suppose toujours une demande de l’intéressé. Chaque monastère ayant le même genre de vie et le même but : servir le Christ, le seul Seigneur, il n’y aura pas de rupture radicale dans la vie de ce moine s’il veut changer de monastère.
CHAPITRE 62 : DES PRÊTRES DU MONASTÈRE.
Mercredi 17 août :
On peut penser que saint Benoît a dû connaitre des difficultés avec les prêtres dans les monastères, car il semble bien parler d’expérience quand il fait ses mises en garde à propos du sacerdoce. Ces mises en garde se retrouvent aussi en différents chapitre de sa Règle.
Il y a eu certainement des prêtres qui, du fait de leur ordination, ont cru bon de s’affranchir de l’observance de la Règle. Et cette liberté a pu aller jusqu’à des cas de rébellion.
C’est pourquoi saint Benoît rappelle que le moine ordonné prêtre est, encore plus que tout un chacun, tenu à l’obéissance et à l’humilité ; le sacerdoce n’est pas une promotion, mais un service ; service de Dieu par une plus grande intimité avec le Christ qui s’est offert sur la croix, et service de la communauté. C’est aussi un service d’Église, même s’il n’implique pas nécessairement de ministère ; la vocation du moine n’étant pas celle des prêtres séculiers ou des ordres apostoliques. Mais le moine est pleinement d’Église ; il y est à sa place, solidaire de tout le peuple de Dieu.
CHAPITRE 63 : LES RANGS DANS LA COMMUNAUTÉ.
Jeudi 18 août : En l’absence de Père Claude pendant trois jours, un commentaire de Dom Guillaume :
« Saint Benoît consacre tout un chapitre à la place d’un frère dans la communauté, à son rang. Cela pourrait nous paraître désuet et futile. D’ailleurs certaines communautés ont abandonné cela, au moins dans certains lieux, comme le réfectoire ou le chapitre, et n’ont plus de processions où le rang est important. Le rang a-t-il encore un sens à notre époque ? Quelle signification lui donne Benoît ?
Benoît propose un critère de rang qui n’est ni la naissance, ni la richesse, ni les qualités physiques ou intellectuelles… Tous ces critères définissent le rang dans la société car, dans tout groupe, s’établit obligatoirement un rang. Il paraît que cela existe même dans un troupeau de vaches !
[..] Qu’on le veuille ou non, notre ancien, celui qui est arrivé une heure avant nous, restera notre ancien, quelle que soit la charge qu’on occupe, quels que soient nos dons dans divers domaines, quel que soit notre caractère de laïc ou de clerc. Il ne peut donc y avoir concurrence. Et c’est pourquoi l’abbé ne doit pas intervenir, par des préférences, dans cet ordo communautaire […] Et le rang nous inscrit essentiellement dans un ‘’à venir’’. »
Vendredi 19 août, solennité de saint Bernard Tolomei :
« Saint Benoît précise, d’une manière particulière, les relations qui vont s’instaurer entre les anciens et les jeunes : ‘’Les jeunes auront des égards pour leurs anciens, et les anciens de l’affection pour leurs cadets.’’ Et pourquoi pas le contraire ? Parce que la façade d’un moine, plutôt sympathique dans les débuts, risque fort de se craqueler. Le risque est que les plus jeunes, même s’ils gardent beaucoup d’affection pour leurs anciens, ne prennent plus trop au sérieux ces anciens qui disent de belles choses et font juste le contraire de ce qu’ils racontent, ou même en soient scandalisés.
A l’inverse, les plus jeunes sont certainement très édifiants, en principe, au début de la vie monastique. Mais cette perfection peut conduire à une certaine raideur qui peut provoquer jugements et colère
Cela peut être, pour les plus anciens, une invitation à retrouver cet élan du premier amour et, pour les plus jeunes, une invitation à accepter que, pour eux aussi, un jour ou l’autre, la façade se fissure de partout. Quelle grâce alors de vivre en frères tous ensemble, de savoir que la grâce nous sauvera de bien des disgrâces. »
CHAPITRE 64 : DE L’ORDINATION DE L’ABBÉ.
Samedi 20 août :
« Saint Benoît nous met en garde contre le type d’unité qui s’appuie sur les vices et non sur le bien. C’est étrange qu’il soit si facile de s’entendre pour le mal, et si compliqué de s’unir pour le bien ! Et la tentation peut être forte pour l’abbé, à certains moments, de ne plus oser reprendre les vices, pour avoir la paix et présenter ainsi un semblant d’unité : voilà ce que dénonce saint Benoît dans les quelques versets de ce chapitre 64
Pourtant, saint Benoît invite l’abbé à faire un autre pari. En éveillant ce qu’il y a de beau, de vrai, de bon, en chacun des frères, il parie que la communauté va s’édifier ! Ce pari, c’est celui de la véritable miséricorde qui, parce qu’elle a pu reconnaître les ombres qui sont en nous, en chacun de nous, sait que nous sommes plus que cela, et nous permet de discerner, dans le cœur de chacun des frères, cette part de lumière qui est présente. La véritable miséricorde n’est pas un aveuglement, mais une autre forme de confiance. Elle suppose la foi qui croit que Dieu est toujours vainqueur de tout mal et de la mort.
Car saint Benoît sait que la véritable communauté évangélique est bâtie sur le meilleur de nous- même, sur ce désir de Dieu qui nous habite au plus intime de notre cœur. »