Écouter une parole du Bec en 2022 – S22

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Catégorie : Vie monastique

Dimanche 29 mai :

L’humilité suppose une conversion ; et le premier degré, le plus développé, car il commande tous les autres, pose les conditions nécessaires pour s’engager sur cette échelle. D’abord, fuir l’oubli, autrement dit toujours se souvenir de l’amour de Dieu pour nous ; ensuite entrer dans sa volonté. Mais cette acceptation de la volonté de Dieu est freinée par notre attachement à notre volonté propre, à nos désirs égoïstes, car nous sommes toujours tentés de nous mettre au centre, de ramener tout à nous-mêmes !

Outre qu’il peut y avoir un juste retour sur soi lorsqu’il s’agit de s’examiner, de se recueillir pour approfondir notre relation à Dieu, il faut, au contraire, sortir de nous-mêmes, quitter nos désirs égoïstes, nos intérêts propres, pour nous ouvrir à la seule volonté de Dieu. Ici encore, saint Benoît cite plusieurs textes de l’Écriture pour nous aider à en prendre conscience.

Pour nous encourager à cette sortie de nous-mêmes, nous pouvons aussi redire la prière enseignée par le Fils : « Que ta volonté se fasse sur la terre comme elle est faite au ciel ». Jésus lui-même a parfaitement accompli la volonté de son Père. Aussi, si nous marchons à sa suite, nous pourrons contempler sa gloire comme Étienne, le premier témoin de Jésus, a su donner sa vie comme lui. C’est la première lecture pour la messe de ce dimanche.Lundi 30 mai :

Saint Benoît complète ici la question du premier degré d’humilité en nous mettant en garde contre la voie de la facilité et de la satisfaction de nos désirs personnels. Là encore, il nous montre la voie à suivre, car sans le renoncement à notre volonté propre, nous allons vers la mort.

Suivre le Christ, c’est choisir la vie. Sans que ce texte soit cité ici, nous pouvons reconnaître dans ces recommandations l’exhortation de Moïse au peuple d’Israël, au livre du Deutéronome : « Aujourd’hui, je te propose entre la vie et le bonheur, ou bien entre la mort et le malheur ; choisis donc la vie ! »

Nous savons que Jésus veille sur nous et qu’il nous faut sans cesse revenir à lui pour marcher à sa suite vers la vie qu’il nous a promises.

 

Mardi 31 mai, fête de la Visitation :

« Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé » nous redis encore Jésus ce matin. C’est Père Mark-Ephrem, abbé de Rostrevor en visite au Bec, qui commente ce passage pour nous ce matin et demain :

Un vieux moine me disait un jour que pour lui toute prière se résumait dans cette phrase du Notre Père : « Que ta volonté soit faite ». C’est cette prière qui peut paraître toute simple qui nous relie le plus au Christ.

Mais même pour lui, elle n’a pas été toujours facile à mettre en œuvre, surtout au jardin de Gethsémani. Dire oui au début de notre vie monastique, dans l’enthousiasme des premiers moments, peut être facile ; dire oui à notre profession aussi. Mais à d’autres moments, ce sera beaucoup plus rude, peut-être nous devrons le faire dans les larmes.

En ce jour où nous fêtons Marie qui a toujours dit oui au Seigneur, soyons conscient de notre vocation à dire oui, que ce soit facile ou plus difficile.

 

Mercredi 1er juin :

« C’est le troisième degré d’humilité, qu’un homme, pour l’amour de Dieu, se place sous un supérieur en totale obéissance, imitant le Seigneur dont l’Apôtre dit : ‘’Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort’’. »

A la suite de Philippien 2 et de toute la Règle, nous sommes invités à entrer dans l’obéissance du Christ et dans sa kénose. Pour nous, le danger est d’être plein de nous-même, alors que nous sommes invités à entrer dans l’humilité de Jésus par les humiliations que nous pouvons rencontrer quotidiennement et qui peuvent être personnelles, mais aussi communautaires. Aussi difficiles à vivre l’une que l’autre, comme ce que l’Église vit actuellement. Mais à travers toutes ces épreuves, grandes ou petites, Dieu nous demande de garder confiance en Lui, car « le Christ est au milieu de nous, espérance de la Gloire. (Col. 1, 27) »

 

Jeudi 2 juin :

Ce quatrième degré d’humilité est une invitation à la patience et à la persévérance lorsqu’on rencontre des circonstances difficiles ou même des injustices. Et pourtant l’obéissance nous est demandée.

Mais cette obéissance n’est pas du masochisme ; puisqu’elle est obéissance à Dieu comme en témoignent toutes les citations bibliques qui sont données par saint Benoît, depuis les psaumes et les prophètes, jusqu’à l’enseignement de Jésus et les avis de l’apôtre Paul. Tous ces textes et ces exemples sont la preuve d’une obéissance acceptée par amour pour Dieu. Et nous avons toujours en arrière-plan l’obéissance parfaite du Christ donnant sa vie par amour ; c’était le troisième degré d’humilité.

Et ces circonstances difficiles, acceptées avec patience, surviennent forcément dans notre vie personnelle et communautaire. Aussi, s’il est bon d’adapter ou d’améliorer certains usages, il nous faut toujours garder la fidélité pour l’essentiel, le service que nous devons rendre à Dieu (opus Dei) et à nos frères.

Nous ne devons jamais perdre de vue l’appel premier que nous avons entendu, ni nous réfugier dans un individualisme qui ne serait qu’une fuite, mais porter communautairement le souci des autres pour renforcer nos liens fraternels.

 

Vendredi 3 :

Ce cinquième degré d’humilité nous rappelle que notre cœur est mélangé. Il est habité par le désir de suivre le Christ, de nous donner à Lui, mais aussi par des pensées mauvaises, par le péché. Nous voulons le bien de nos frères, mais si nous nous sentons lésés, traités injustement, nous aurons de la jalousie ou de la rancœur pour tel ou tel. Et nous savons pouvoir trouver plein d’autres pensées inavouables !

Et pourtant, ce sont ces pensées, ces désirs mauvais qu’il nous faut regarder et avouer au Seigneur, comme le recommandent les psaumes cités ici par saint Benoît : « Je dénoncerai mes injustices au Seigneur, contre moi ; et toi, tu as pardonné l’impiété de mon cœur. » (Ps. 32, 5).

Dans la lecture de l’épitre aux Galates, nous entendons l’apôtre Paul nous dire que la chair s’oppose à l’Esprit, et il énumère les œuvres produites par la chair en opposition aux fruits de l’Esprit-Saint.

En ce temps de Pentecôte, nous demandons justement à l’Esprit-Saint de demeurer en nous, de nous renouveler, de faire la lumière en nos cœurs. Dimanche, nous chanterons dans le Veni Sancte Spiritus :

« Lave ce qui est souillé,
Baigne ce qui est aride,
Guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide,
Réchauffe ce qui est froid,
Rends droit ce qui est faussé. »

Que cette prière à l’Esprit-Saint nous habite en ces jours de grâce.

 

Samedi 4 juin :

Dans ce sixième degré, ce qu’il faut retenir, c’est la dernière phrase qui est une citation du psaume 72 : « Je suis devenu comme une brute devant toi, et c’est toujours moi près de toi ».

Cette phrase éclaire l’ensemble de ce degré d’humilité, car même au plus fort de la tempête, lorsqu’on est complètement submergé par l’adversité, la confiance en la présence du Seigneur permet de demeurer serein. Notre confiance est la réponse à cette présence de Dieu qui ne nous abandonne jamais. Le Christ lui-même a connu l’extrême abaissement et l’abandon de tous ses amis, mais il a gardé totalement la confiance filiale en la présence de son Père qui lui, reste fidèle.

Il en est ainsi de nous en cette fête de Pentecôte où Jésus a promis son Esprit-Saint à tous ses disciples, donc à nous aussi, aujourd’hui.

Roger Van der Weyden, La Visitation, vers 1445, Leipzig, Museum del Bildenden Künste.