Paroles du Bec en 2022 – S2

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Catégorie : Vie monastique

Dimanche 9 janvier, fête du Baptême du Seigneur :

En cette fête du baptême de Seigneur, retenons la manifestation de la Sainte Trinité : voix du Père qui proclame : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie », et présence de l’Esprit-Saint au dessus du Fils, sous l’aspect d’une colombe.

Nous sommes, nous aussi par notre baptême, devenus enfants de Dieu, habités par l’Esprit-Saint et disciples du Christ. La vie monastique nous fait entrer dans le mystère trinitaire : nous sommes appelés par le Père, nous marchons à la suite de Jésus en écoutant sa Parole, nous sommes remplis de l’Esprit-Saint. Jésus est notre berger et l’Esprit-Saint ravive en nous le feu de l’amour.

C’est dans le monastère, en communauté, que nous pratiquons cette vie baptismale, sans fuir comme les gyrovagues, ni nous amollir comme les sarabaïtes, mais en accueillant les exigences de la vie commune et ses différentes composantes comme saint Benoît va nous les exprimer tout le long de sa Règle dont nous venons de reprendre la lecture.CHAPITRE 2 : DE L’ABBÉ.

Lundi 10 janvier :

     L’abbé, nous dit saint Benoît, tient dans le monastère la place du Christ. Il y a là quelque chose de redoutable qui ne peut se comprendre qu’au niveau de la foi. « L’abbé ne doit rien enseigner, constituer ou ordonner en dehors des enseignements du Seigneur », car il est à son service et au service de ses frères comme le Seigneur lui-même s’est fait le serviteur de tous. Il n’en reste pas moins homme comme chacun de nous, avec ses faiblesses et ses manquements, mais c’est toujours les paroles et les actes du Christ qui doivent l’inspirer, et il doit toujours vivre et agir lui-même en conformité avec ces paroles.

Son modèle, c’est le Christ-pasteur qui consacre tout son zèle à son troupeau, même « turbulent et indocile » comme le prévient saint Benoît. Cette référence au pasteur revient souvent dans la Règle.

Cette attitude de foi qui doit inspirer le ministère de l’abbé est aussi celle des disciples dont l’obéissance va jusqu’à Dieu, même si elle passe par des médiations, car elle est nécessairement pratiquée dans une réalité concrète. Et rappelons-nous ce que nous entendions dans la première épitre de saint Jean : « on ne peut aimer Dieu si l’on n’aime pas son frère ». Cela s’applique à toutes nos relations communautaires et humaines.

 

Mardi 11 janvier :

Dans ce deuxième paragraphe du chapitre sur l’abbé, saint Benoît insiste encore sur la nécessaire cohérence entre les paroles et les actes ; entre l’enseignement et sa mise en pratique. Le modèle et le Maître qui doit inspirer l’abbé dans son enseignement, c’est le Christ, et nous savons que chez lui, les paroles et les actes concordent parfaitement, car il est l’Amour en personne.

Dans l’évangile de Marc lu aujourd’hui, on voit que dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus enseignait, et que les gens « étaient frappés par son enseignement, car il les enseignait avec autorité (Mc. 1, 22) », et sa parole était efficace en produisant son effet immédiatement car elle est inspirée par l’amour. Il rend à l’homme blessé par le péché, esclave du mal, sa dignité d’enfant de Dieu. Cette cohérence entre la parole et les actes exigée de l’abbé est demandée à chacun d’entre nous, comme à tout disciple du Christ. Rappelons-nous encore cette parole de saint Jean dans sa première épitre que nous avons lu au temps de Noël : « Petits enfants, n’aimons ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité (1 Jn. 3, 18) ».

 

Mercredi 12 janvier :

Dans cette troisième partie du chapitre 2, l’affirmation de saint Benoît qui éclaire tout l’ensemble peut être celle-ci : « Que chacun garde sa place, car esclaves ou libres, nous formons tous un seul Corps dans le Christ ». C’est bien le Christ qui donne sens à notre vie, à nos relations, à notre vie communautaire ; sa place est centrale, et si nous lui sommes unis, nous serons en même temps unis les uns aux autres. Nous le reconnaissons présent en chacun de nos frères, à commencer par les plus petits. Rappelons-nous les paroles de Jésus lors du jugement : « Ce que vous avez fait aux plus petits de ceux-ci qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt. 25, 40).

Ainsi dans le monastère, les distinctions sociales, les relations mondaines n’ont plus de raison d’être ; le Christ établit un ordre nouveau fondé sur l’humilité, l’obéissance et la charité. Ce sont là les vraies valeurs, celles qui plaisent à Dieu, et l’abbé doit toujours respecter ce point de vue dans ses relations avec les frères. Il ne doit pas établir de préférences entre les frères, mais les considérer avec le même regard que le Christ pose sur chacun de nous.

 

Jeudi 13 janvier :

A la lecture de ce quatrième paragraphe, on peut penser que saint Benoît a vu une grande diversité de caractères et de situations chez les moines ; il en a vu aussi les défauts et les qualités. Cela ne veut pas dire que certains soient entièrement mauvais, et d’autres parfaits, car nous savons par expérience que nous sommes mélangés, que peuvent alterner en nous péché et bonnes actions, égoïsme et charité, orgueil et humilité…

Nous sommes tous appelés à nous convertir pour devenir des saints selon notre vocation, et l’abbé a pour rôle d’aider ses frères à progresser sur ce chemin de conversion, souvent par des rappels ou au pire, par des sanctions. Nous avons toujours à nous demander : « Que devons-nous faire ? » comme tous  ceux qui venaient trouver Jean-Baptiste pour recevoir un baptême de conversion. Il nous faut revenir au Christ et accueillir son amour pour en vivre.

 

Vendredi 14 janvier :

A la suite du paragraphe précédent où saint Benoît montrait que la communauté n’est pas un ensemble de moines parfaitement dociles et soumis, agissant et réagissant de manière identique ( et heureusement !) mais est faite de tempéraments divers et pas toujours très obéissants, il est question du rôle de l’abbé dans cette réalité où il doit servir l’unité et en même temps s’adapter aux différents caractères d’un grand nombre.

Il y a toujours un équilibre à trouver pour faire en sorte que chacun ait le souci de ceux qui l’entourent, tout en étant respecté. Chaque frère doit pouvoir s’épanouir  tout en acceptant un ordre et des règles destinés à maintenir l’unité et la charité. L’abbé doit donc veiller à ce que chacun progresse dans cette voie. C’est ainsi que tout le troupeau pourra croître  dans l’unité et dans l’amour réciproque.

 

Samedi 15 janvier, fête des saints Maur et Placide, disciples de saint Benoît :

Dans cette dernière partie du chapitre sur l’abbé, saint Benoît insiste sur la priorité que celui-ci doit accorder aux choses spirituelles. Cela ne veut pas dire qu’il faille nier les choses matérielles, ne rien faire !  Non, car nous voyons par ailleurs qu’il rappelle l’importance du travail manuel comme intellectuel. Et les deux citations bibliques citées montrent bien où se trouve l’essentiel : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera surajouté (Mt. 6, 33). » et encore : « Rien ne manque à ceux qui le craignent (Ps. 34, 10). »

Nous sommes entrés au monastère d’abord pour chercher Dieu et comme saint Maur et saint Placide, nous avons répondu à l’appel du Christ pour le suivre et le servir ; pour répondre par l’amour à son amour, lui qui nous a aimé le premier. Car c’est bien Jésus qui doit avoir la première place dans nos vies et dans nos cœurs. Et c’est le rôle de l’abbé d’encourager ses frères sur cette voie en leur rappelant l’essentiel. Si nous vivons dans la foi et dans la confiance en Dieu, nous pouvons être certains qu’il prendra soin de nous. Il ne répondra pas forcément à tous nos désirs immédiats et souvent trop intéressés, mais il saura nous donner ce qui est le meilleur pour notre vie avec lui et avec nos frères.

Nos relations aux autres, notre rapport au monde notre travail et toutes nos activités trouveront alors leur juste place sans risquer d’être dévorantes et même idolâtrés. En cherchant d’abord le Royaume de Dieu, en préférant – au sens évangélique – l’amour du Christ à tout le reste, tout ce qui constitue nos vies sera renouvelé, orienté vers Dieu qui veut notre seul bien.