Écouter une parole du Bec en 2023 – S02

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Catégorie : Vie monastique

CHAPITRE 1 : DES GENRES DE MOINES.

Dimanche 8 janvier, solennité de l’Épiphanie :

La fête de l’Épiphanie amplifie celle de Noël. La manifestation de Jésus aux hommes déborde le milieu restreint d’Israël et s’étend à toutes les nations. Les textes de la liturgie insistent sur l’universalité de la révélation divine.

Mais en même temps, Dieu se révèle à ceux qui le cherchent. La caractéristique des mages, c’est qu’ils sont des chercheurs et Dieu répond à leur quête en leur donnant des signes de sa présence, en l’occurrence l’étoile. Nous sommes aussi des chercheurs de Dieu. C’est ce qui nous a attiré au monastère. Mais il y a partout des chercheurs de Dieu dans le monde et dans l’Église. Il nous faut toujours maintenir éveillé ce désir de Dieu et le chercher dans sa Parole donnée en Jésus, dans les personnes qui nous entourent et aussi dans les évènements qui nous arrivent.Lundi 9 janvier, fête du Baptême du Seigneur :

En cette fête du baptême de Seigneur, retenons la manifestation de la Sainte Trinité : voix du Père qui proclame : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie », et présence de l’Esprit-Saint au-dessus du Fils, sous l’aspect d’une colombe.

Nous sommes, nous aussi par notre baptême, devenus enfants de Dieu, habités par l’Esprit-Saint et disciples du Christ. La vie monastique nous fait entrer dans le mystère trinitaire : nous sommes appelés par le Père, nous marchons à la suite de Jésus en écoutant sa Parole, nous sommes remplis de l’Esprit-Saint. Jésus est notre berger et l’Esprit-Saint ravive en nous le feu de l’amour.

 

Il a pu y avoir aux origines du monachisme des formes de vie non encore bien structurées mais qui étaient bonnes en soi puisqu’elles se cherchaient : des petites communautés et une vie itinérante. Mais très vite, ces formes de vie ont montré leurs limites et leurs risques. Et déjà avant saint Benoît, il y a un besoin d’organisation plus rigoureuse avec ces deux formes que nous connaissons : la vie solitaire et la vie communautaire, ou parfois une alliance des deux.

Mais il a pu arriver que la frontière entre les ces deux formes de vie reste floue et que l’on trouve chez les ermites ou les cénobites des traits appartenant à la vie des Sarabaïtes ou des gyrovagues, mais sans pousser à l’extrême, bien sûr.

Nous pouvons être tentés de fuir les exigences de la vie commune, pour des raisons plus ou moins justes et saint Benoît connaît ce danger. C’est pourquoi, dans sa Règle, il tient compte des faiblesses de chacun ; il montre les exigences de la vie en communauté, mais sans rigueur excessive, rappelant l’importance de l’obéissance et de la remise de la volonté à l’abbé. Sans quoi, nous risquons de fuir la vie commune sans pour autant mener une vie érémitique authentique. Celle-ci suppose d’avoir été éprouvé par l’obéissance et « la longue probation de la vie dans un monastère » nous dit saint Benoît.

La Règle proposée par saint Benoît est bien destinée à des cénobites et cette forme de vie est un apprentissage qui n’est jamais terminé, car nous sommes toujours sur un chemin de conversion.

 

CHAPITRE 2 : DE L’ABBÉ.

Mardi 10 janvier :

     Au début de ce chapitre sur l’abbé, saint Benoît cite l’Épitre aux Romains où saint Paul nous dit : « Vous avez reçu, comme des fils, l’Esprit d’adoption en qui nous crions : Abba, Père ! » (Rm. 8,15).

Nous avons célébré hier la fête du baptême du Seigneur qui est une manifestation de l’Unité des Personnes divines : L’Esprit-Saint repose sur le Fils et le Père reconnaît Jésus comme son Fils bien-aimé. Et l’oraison de la messe demande au Père d’accorder à ses enfants d’adoption, qui sont renés de l’eau et de l’Esprit, d’être fidèles à sa volonté.

C’est ce que saint Benoît demande à l’abbé, mais aussi à tous les disciples, car tous, abbé comme disciples, ont reçu l’Esprit d’adoption et doivent, par l’obéissance, vivre en conformité avec la Loi de Dieu. L’abbé est investi d’un magistère à la suite du Christ ; il doit enseigner sa Loi.

Mais il doit être aussi comme un pasteur plein d’attention pour ses brebis. Il doit les guider par ses actes comme par ses paroles afin que les disciples obéissent à la Loi divine de bon gré. C’est donc tous ensemble, que nous manifestons notre obéissance filiale au Seigneur et le lien fraternel qui nous unit.

 

     L’abbé, nous dit saint Benoît, tient dans le monastère la place du Christ. Il y a là quelque chose de redoutable qui ne peut se comprendre qu’au niveau de la foi. « L’abbé ne doit rien enseigner, constituer ou ordonner en dehors des enseignements du Seigneur », car il est à son service et au service de ses frères comme le Seigneur lui-même s’est fait le serviteur de tous. Il n’en reste pas moins homme comme chacun de nous, avec ses faiblesses et ses manquements, mais c’est toujours les paroles et les actes du Christ qui doivent l’inspirer, et il doit toujours vivre et agir lui-même en conformité avec ces paroles.

Son modèle, c’est le Christ-pasteur qui consacre tout son zèle à son troupeau, même « turbulent et indocile » comme le prévient saint Benoît. Cette référence au pasteur revient souvent dans la Règle.

Cette attitude de foi qui doit inspirer le ministère de l’abbé est aussi celle des disciples dont l’obéissance va jusqu’à Dieu, même si elle passe par des médiations, car elle est nécessairement pratiquée dans une réalité concrète. Et rappelons-nous ce que nous entendions dans la première épitre de saint Jean : « on ne peut aimer Dieu si l’on n’aime pas son frère ». Cela s’applique à toutes nos relations communautaires et humaines.

Mercredi 11 janvier :

Dans ce deuxième paragraphe du chapitre sur l’abbé, saint Benoît insiste encore sur la nécessaire cohérence qui doit exister entre les paroles et les actes, entre l’enseignement et sa mise en oeuvre.

Le modèle et le Maître qui doivent inspirer l’abbé dans son enseignement, c’est le Christ, et nous savons que chez lui, les paroles et les actes concordent parfaitement, car il est l’Amour en personne.   C’est le cas pour l’abbé qui doit enseigner la loi divine par ses paroles, tout en la mettant en pratique, car l’exemple peut être plus parlant que les discours. Et les disciples peuvent être stimulés par l’exemple du maître.

Mais les disciples sont aussi des êtres responsables, et pour eux, comme pour le maître, l’inspiration vient du Christ lui-même qui s’est fait le serviteur de tous. Il a mis en œuvre ce qu’il prêchait en donnant l’exemple de l’amour. Nous le voyons aujourd’hui dans l’Évangile de Marc où, dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus annonçait le Royaume de Dieu et guérissait les malades. Il enseignait et les gens « étaient frappés par son enseignement, car il les enseignait avec autorité (Mc. 1, 22) », et sa parole était efficace en produisant son effet immédiatement car elle est inspirée par l’amour qui l’unit à son Père et qu’Il offre à tous.

 

Jeudi 12 janvier :

Dans ce passage du chapitre sur l’abbé, saint Benoît va à l’encontre des critères humains, des considérations mondaines, des distinctions sociales qui établissent des différences entre les hommes en fonction des origines sociales, du pouvoir, des richesses, des compétences… L’abbé, et cela vaut aussi pour tout chrétiens, doit considérer chacun avec le regard du Christ. Nous sommes tous égaux devant Dieu qui nous aime tous.

Dans le cas de la vie monastique, chacun est appelé par le Christ et s’engage à marcher à sa suite comme des serviteurs, car lui-même s’est fait serviteur de tous, dans l’humilité et la pauvreté. En ayant tous ce même idéal, celui de le suivre et de l’aimer, nous sommes unis par le lien de la charité pour ne former qu’un seul corps. La charité à l’égard des disciples s’inspire totalement de celle que le Christ a pour chacun d’eux. Et la charité des disciples va au Christ et aux frères.

Ainsi dans le monastère, les relations mondaines n’ont plus de raison d’être ; le Christ établit un ordre nouveau fondé sur l’humilité, l’obéissance et la charité. Ce sont là les vraies valeurs, celles qui plaisent à Dieu, et l’abbé doit toujours respecter ce point de vue dans ses relations avec les frères. Il ne doit pas établir de préférences entre les frères, mais les considérer avec le même regard que le Christ pose sur chacun de nous.

Vendredi 13 janvier :

Dans ce quatrième paragraphe, saint Benoît propose une galerie de portraits, plutôt une énumération de caractères assez variés, avec des traits négatifs et d’autres positifs. Et l’abbé doit gérer tout cet ensemble, encourager les uns, corriger les autres. Cela peut sembler faisable lorsque la communauté est peu nombreuse ! Et encore !… Mais quand elle est beaucoup plus importante, que dire !

Cependant, il faut noter deux points :

  • D’abord, on ne peut pas dire qu’il y ait les bons moines d’un côté : les parfaits ; et les mauvais de l’autre : les orgueilleux, les récalcitrants, les négligents… En fait, nous avons tous des qualités et des défauts ; nous sommes mélangés.
  • Mais ensuite, nous sommes des adultes, et nous nous sommes engagés librement à la suite du Christ et nous avons promis de nous convertir. Nous sommes donc en marche et capables de nous reprendre. Mais nous pouvons aussi être aveugles sur nous-mêmes et avoir besoin qu’un autre, l’abbé en l’occurrence, nous signale ce que nous devons corriger ou améliorer. Bien sûr, on n’utilise plus aujourd’hui les châtiments corporels ! La correction s’opère par la parole et le dialogue.

Samedi 14 janvier :

A la suite du paragraphe précédent où saint Benoît montrait que la communauté n’est pas un ensemble de moines parfaitement dociles et soumis, agissant et réagissant de manière identique (et heureusement !) mais est faite de tempéraments divers et pas toujours très obéissants, il est question du rôle de l’abbé et de la difficulté de sa tâche. Dans cette réalité, il doit servir l’unité et en même temps s’adapter aux différents caractères d’un grand nombre. Il y a toujours un grand écart entre le service de tous et l’attention à chacun. Il doit enseigner par la parole et par l’exemple en indiquant la bonne direction à suivre, en montrant l’intérêt commun et en même temps rester attentif aux personnes en écoutant chacun. Il doit aussi vérifier la justesse des demandes particulières, car certaines sont justifiées pour diverses raisons comme la santé, l’âge…, alors que d’autres le sont moins. Bien sûr, il faut s’en remettre à l’abbé, mais chacun étant adulte et responsable, peut déjà discerner ce qui peut être compatible avec le bien de la communauté et ce qui ne le serait pas. Mais en même temps, il y a des cas où ce qui se dit entre un frère et son abbé doit rester secret.

Il y aura toujours ,en communauté, à concilier le bien de l’ensemble, la règle commune, une discipline commune qui, si elle n’était pas respecter, serait préjudiciable à la vie commune, et une certaine souplesse qui tienne compte des faiblesses particulières ou de difficultés passagères.

Mais encore une fois, même quand nous ne pouvons pas suivre tout ce qui est demandé, nous devons nous rappeler que nous ne sommes pas seuls et qu’une absence, un retard, une négligence, peuvent porter préjudice et peser sur la communauté.

la longue probation de la vie dans un monastère (St Benoit)