Dimanche 14 novembre :
Dans ce chapitre 36 sur les frères malades, saint Benoît nous met en relation avec le Christ, et cela de deux manières :
D’abord, et sans le dire ouvertement, mais on le devine, il nous propose le Christ comme modèle. Jésus est venu comme médecin des corps et des cœurs ; il a eu compassion des malades, il s’est penché sur leurs souffrances, il les a consolés, réconfortés et en a guéri beaucoup. Dans son évangile, saint Matthieu cite le quatrième chant du Serviteur souffrant (Isaïe 53) : « Il a pris sur lui nos maladies ». Jésus nous invite ainsi à avoir la même compassion que lui pour les malades.
Ensuite, et cela est dit dès le début du chapitre, il s’identifie aux malades, comme dans la parabole du Jugement dernier : « J’ai été malade, et vous m’avez visité (Mt. 25, 36), et « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait (Mt. 25, 40) ». Servir les malades, c’est servir le Christ en personne. En même temps, il doit s’établir une relation de confiance entre le soignant et le soigné ; les soignants allant au-devant des besoins des malades, et ceux-ci ne devant pas manifester d’exigences excessives. Les uns comme les autres doivent se situer ici dans une attitude de foi ; le frère soignant le fait dans la crainte de Dieu ; les malades considérant que c’est pour l’honneur de Dieu qu’on les soigne.
Mais que cela n’empêche pas de prendre en compte la réalité physique de la maladie qu’il faut combattre. On sait bien aussi, que d’une façon générale et l’on insiste beaucoup aujourd’hui sur cet aspect, la psychologie et la relation tout simplement humaine ont un très grand rôle dans les soins et l’accompagnement des malades.
Lundi 15 novembre :
Après le chapitre précédent où il était question des malades, saint Benoît aborde maintenant la situation des vieillards et des enfants dans les monastères. Longtemps, il y a eu des enfants dans les abbayes, surtout n une époque où la scolarisation étant moins développée qu’aujourd’hui, des familles confiaient leurs enfants aux moines pour leur formation scolaire.
Aujourd’hui, il n’y a plus de jeunes mineurs dans les monastères, mais ce chapitre reste d’actualité en ce qui concerne les vieillards ; leur état variant de l’un à l’autre. C’est la raison pour laquelle saint Benoît prévoit des adoucissements de la Règle en leur faveur. Il faut exercer à leur égard de la vigilance et les traiter avec bienveillance, sans les laisser, toutefois, faire n’importe quoi, surtout quand les facultés diminuent. On reste moine jusqu’à la fin. Et encore une fois, on voit combien saint Benoît reste attentif aux personnes et fait toujours preuve d’humanité.
Mardi 16 novembre :
Ce chapitre 38 sur le lecteur de semaine au réfectoire parle du lecteur, mais aussi de l’ensemble du repas. La lecture n’est pas un acte banal puisqu’elle est précédée de la prière et d’une courte lecture d’introduction ; c’est un acte liturgique dans le prolongement de l’office ou de l’eucharistie.
Le repas est un temps de réfection, mais aussi de partage dans l’action de grâce ; ce n’est pas seulement le temps de la nourriture corporelle car il y a aussi une nourriture de l’esprit et ainsi, tout notre être est concerné. Il peut y a bien sûr des difficultés à écouter et à suivre ce qui est lu, et il n’est pas indispensable de lire le plus de pages possibles pour fuir le silence pendant la durée du repas. Au contraire, il faut que la lecture soit calme et audible, et c’est toujours à améliorer.
La lecture pendant le repas remplace les conversations d’un repas familial, amical ou simplement social. L’attention qui est recommandée, le silence de paroles et de bruits divers (dans la mesure du possible) doivent permettre de garder au repas son caractère recueilli comme pour tout acte liturgique.
Mercredi 17 novembre :
Dans ce chapitre 39 sur la mesure de la nourriture, ce qu’il faut retenir, ce n’est pas tant les questions de quantité de nourriture ou le nombre de plats, que l’esprit qui doit nous habiter à l’occasion des repas. Nous avons la chance, par rapport à de plus pauvres que nous, de ne manquer de rien. Mais saint Benoît recommande, à propos de la nourriture, comme en bien d’autres domaines – la parole par exemple – le sens de la mesure, c’est-à-dire savoir nous contenter du nécessaire en évitant l’excès : de la mesure et de la sobriété.
Eviter l’excès, c’est refuser de tomber dans la voracité ou la goinfrerie car, comme nous le dit notre Seigneur : « Gardez-vous d’alourdir vos cœurs dans les excès de table (Luc 21, 34) ». A l’opposé, un excès de privation menacerait l’équilibre physique et spirituel. Au contraire, la sobriété est la juste mesure dans la nourriture ; elle permet de garder l’esprit et le cœur disponibles, ouverts pour la prière, la recherche de Dieu ; ouverts aussi à l’action de l’Esprit Saint en nous.
Jeudi 18 novembre :
Dans ce chapitre 40 sur la mesure du boire, nous retrouvons la même idée que dans le chapitre précédent concernant la nourriture : mesure et sobriété. Saint Benoît connaît les fragilités de l’homme, donc celle du moine, et cherche à les prévenir. C’est pourquoi il recommande d’éviter l’excès, surtout concernant le vin. On retrouve d’ailleurs cette même recommandation dans notre société actuelle avec la prévention routière pour la lutte contre les accidents.
Saint Benoît s’adapte à chacun, sachant que les besoins et les tempéraments ne sont pas les mêmes. Il fait aussi appel à la responsabilité personnelle, et surtout, il exhorte à mettre toujours une distance entre nos désirs et leur satisfaction pour nous éviter, en cas de manque, de réagir de façon primaire, comme des petits enfants qui font un caprice ou même une colère s’ils n’ont pas immédiatement ce qu’ils veulent ! Avant tout, saint Benoît nous demande de bannir le murmure pour demeurer paisibles dans l’action de grâce en cas de contretemps ou de manque, sachant que ces situations nous donnent l’occasion de nous décentrer de nous-mêmes et d’élargir nos cœurs.
Vendredi 19 novembre :
On peut retenir quelques observations de saint Benoît dans ce chapitre 41 sur les heures des repas :
D’abord, la vie du moine forme un tout où les différents moments et actes de sa journée sont unifiés. Ainsi les repas ont toujours un rapport étroit avec la liturgie quotidienne ou celle de l’année et l’heure des repas est établie en fonction des différents offices. Mais le temps liturgique conditionne aussi l’heure des repas, et c’est la fête de Pâques qui commande cette ordonnance.
On peut noter aussi que cet horaire impose un temps d’attente avant les repas ; on ne se précipite pas à table dès la fin de l’office ou de l’eucharistie. Cette attente permet d’établir un climat de prière qui continue celle de la liturgie. Nous devons veiller à réguler nos appétits désordonnés pour respecter le caractère communautaire et convivial des repas.
Autre remarque relevée dans ce chapitre : qu’il n’y ait pas de « juste motif de murmure ». Pour cela, la mesure de la nourriture sera équilibrée avec suffisance et sans excès, et les horaires doivent être bien établis. Enfin, si saint Benoît recommande que « tout se termine à la lumière du jour », c’est d’abord à cause des conditions de vie de son temps. Mais il y a aussi une signification spirituelle : les actes sont tous communautaires : offices, repas – on ne mange pas en cachette – et le jour est le temps de l’activité, tandis que la nuit est celui du repos et du recueillement.
Samedi 20 novembre :
Le passage du jour à la nuit se fait par l’office de Complies : la communauté se rassemble pour les lectures des Conférences ou de l’Écriture avant l’office qui conclut ainsi la journée. En passant de la lumière du jour à l’obscurité de la nuit, on quitte les activités propres au jour, on interrompt les relations avec les humains, les autres membres de la communauté ou les personnes de l’extérieur, pour reste seul avec soi-même, en présence de Dieu.
Cette coupure, remarquons-le, est certainement plus difficile aujourd’hui qu’au temps de saint Benoît, ne serait-ce qu’avec l’électricité et tout ce qui en découle. Mais il faut quand même entrer dans le silence qui permet le repos après toutes les activités de la journée, et surtout dans le recueillement, car la nuit est un temps propice à la prière silencieuse.
Dans la Bible, la nuit est souvent le moment où Dieu agit, où il se révèle : Création, Alliance, Exode, Noël, et surtout Pâques. Ainsi, pendant les Laudes, l’office du matin, nous célébrons la Résurrection du Seigneur, après que la nuit nous ait fait entrer dans l’Œuvre de Dieu. Nous allons y participer dans toute la journée, mais déjà la nuit nous a ouvert à l’écoute de la Parole du Seigneur.
Père Claude
Prieur du Bec