Pâques 2020
Si vous, Chrétiens, vous aviez le visage de ressuscités, peut-être croirions-nous que votre Christ l’est vraiment… D’ailleurs, s’il l’était, aurions-nous toujours les drames qui ravagent le monde et les catastrophes qui le détruisent et l’empoisonnent ?
Ne prenons pas à la légère ces réflexions, primaires peut-être, mais profondément justes ! A quoi bon, en effet, confesser que Christ est ressuscité, proclamer qu’il fait toutes choses nouvelles, qu’il est l’espérance de l’humanité, si rien n’est changé, si l’univers évolue, toujours et de plus en plus, de travers ? Et tout cela, souvent, par notre faute !
Sans doute, Dieu nous a-t-il laissés libres et notre responsabilité est entière, dans tout ce qui arrive, mais en sommes-nous conscients ? En d’autres termes, Dieu n’est pour rien dans les drames qui agitent et bouleversent le monde ; il assiste, impuissant, à la dérive de sa création.
Depuis la résurrection de Jésus, dans les années 30 de notre ère, combien de ses disciples n’ont-ils pas été mêlés à des guerres, des saccages, des meurtres, des viols, des injustices à grande ou plus petite échelle ? Les deux conflits mondiaux du siècle dernier ne sont-ils pas nés dans des pays de tradition chrétienne ? Et les exterminations programmés des camps de la mort… ?
Comment ne pas douter de la véracité des écrits apostoliques, sauf à les réduire à une tradition merveilleuse dont l’histoire a le secret, pour adoucir l’angoisse des hommes et stimuler leur espoir en un avenir meilleur. Si nous célébrons, aujourd’hui, entre nous simplement, vu l’actualité, mais en communion avec tant de proches représentés par les visages affichés sur les bancs de la nef de notre église, c’est que nous croyons que Christ est vraiment ressuscité, qu’il ouvre à l’univers tout entier une ère nouvelle, qu’il associe à sa victoire sur le mal et la mort les hommes et les femmes de tous les temps et de toutes les latitudes.
Ce qui veut dire que Jésus nous confie la charge d’annoncer sa résurrection, la bonne nouvelle qui peut, qui doit sauver, changer, éclairer le monde. Saint Matthieu, que la liturgie nous fait lire, cette année, termine précisément son Évangile par l’envoi des disciples dans le monde : « Tout pouvoir m’a été donné, leur déclare Jésus. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Mt 28, 18-20) Il est scandaleux de proclamer « Jésus est ressuscité », si, en même temps, on continue à vivre en égoïste, en exploiteur des autres, en escroc ; il est horrible, de prêcher Pâques, tout en violant et en avilissant ceux que le Christ associe à sa gloire.
La joie qui est la nôtre aujourd’hui, si elle est vraie, doit se traduire par un engagement à annoncer Pâques. Et annoncer Pâques, ce n’est pas seulement le célébrer avec conviction et solennité ; c’est en exprimer les effets par notre vie, nos actes, nos paroles, notre comportement de tous les jours. Sinon, le Christ serait venu parmi nous, aurait vécu, serait mort et ressuscité pour rien. Nous sommes les témoins de cette bonne nouvelle ; si nous la taisons, si, surtout, nous la contredisons, étant donné la grâce que nous avons reçue, nous sommes indignes du Christ, serviteurs inutiles, selon Jésus.
Saint Paul nous le rappelle : « Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en-haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en-haut, et non vers celles de la terre. » (Cl 3, 1-2). Et, plus loin : « Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres…pardonnez-vous mutuellement… Et par-dessus tout, revêtez l’amour ! (Cl 3, 5…17) Tout ce que nous faisons au nom du Ressuscité est signe et ferment de Pâques.
Fr. Paul Emmanuel
Abbé du bec