Obsèques de notre frère Maurice – Matthieu (11, 25-30)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits »

En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.

Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »

Mot d’accueil par le père Abbé Mark Ephrem :

Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour faire mémoire de notre fr. Maurice et pour confier sa vie et sa mort au Seigneur. Dans cette Eucharistie nous allons rendre grâce pour ce que le Seigneur a pu accomplir dans et par fr. Maurice.

Dans le mouvement de notre action de grâce, nous voulons aussi confesser notre péché, les paroles et les actes qui ne portent pas de fruits de vie et ne contribuent pas à la construction du Royaume de Dieu en nous et autour de nous.

 

Mot d’accueil par le père Abbé Mark Ephrem :

Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour faire mémoire de notre fr. Maurice et pour confier sa vie et sa mort au Seigneur. Dans cette Eucharistie nous allons rendre grâce pour ce que le Seigneur a pu accomplir dans et par fr. Maurice.

Dans le mouvement de notre action de grâce, nous voulons aussi confesser notre péché, les paroles et les actes qui ne portent pas de fruits de vie et ne contribuent pas à la construction du Royaume de Dieu en nous et autour de nous.

Il pourrait dire, comme le fr. Laurent de la Résurrection : « Il n’est pas nécessaire d’être à l’église pour être avec Dieu. Nous pouvons être avec lui en accomplissant nos tâches quotidiennes les plus humbles, dans toutes les activités de la journée. »

Homélie :

Fr. Maurice avait le don de faire sourire les gens autour de lui.

Je suppose que, samedi dernier, lorsqu’il est arrivé à la maison du Père il n’a pas cessé d’exercer ce don et qu’il a dû faire sourire le Seigneur.

Le pèlerinage terrestre de notre fr. Maurice a été marqué par de nombreuses souffrances. Il les a vécues avec courage. Il a gardé confiance dans le Seigneur qu’il aimait comme un Père plein de miséricorde.

La dernière fois que j’ai vu fr. Maurice vivant, à l’hôpital de Bernay, j’étais avec le P. Abbé Général et Dom Andrea. Il nous a fait rire en disant des choses drôles et aussi en faisant des remarques judicieuses sur le passé et sur le présent.

Il y a une chose qui lui tenait à cœur et qu’il nous répéta plusieurs fois : c’était son désir de s’endormir dans le Seigneur à l’Abbaye du Bec, de mourir au milieu de ses frères en vie monastique. Il nous parla beaucoup de la place que tenait la communauté dans sa vie comme moine bénédictin olivétain.

L’identité cénobitique de fr. Maurice n’était pas enracinée dans une lecture de commentaires de la Règle de St Benoît, tels que nous les trouvons dans nos bibliothèques, mais dans son engagement au service de ses frères. Pour lui, la vie monastique se vivait au milieu des choses ordinaires du quotidien.

Cela me rappelle l’œuvre d’un autre frère Laurent – non pas notre fr. Maurice dont le patronyme est Laurent – mais fr. Laurent de la Résurrection, un frère carme du 17ème siècle.

Fr. Laurent de la Résurrection avait lui aussi le don de faire sourire. Il est surtout connu pour s’être appliqué soigneusement tout le jour, et même pendant son travail, à la présence de Dieu, qu’il considérait toujours comme un ami auprès de lui.

Il écrit : « Il n’est pas nécessaire d’avoir de grandes choses à faire. Je retourne ma petite omelette dans la poêle pour l’amour de Dieu. (…) Je possède Dieu aussi tranquillement dans le tracas de ma cuisine que si j’étais à genoux devant le Saint-Sacrement. »

Parlant du fr. Laurent de la Résurrection, un ami carme m’a dit un jour : « Étrange mystique que cet homme. Ni saint, ni bienheureux, ni même vénérable et pourtant l’une des grandes figures de l’école du Mont Carmel, et sans aucun doute une figure qui parle le plus aux gens de notre époque. »

Notre fr. Maurice avait un curriculum vitae qui n’est pas très éloigné de celui du fr. Laurent de la Résurrection. Il a passé de nombreuses années à travailler à la ferme, à la cuisine, au jardin, à la lingerie, aux ateliers, au réfectoire… il pourrait dire, comme le fr. Laurent de la Résurrection : « Il n’est pas nécessaire d’être à l’église pour être avec Dieu. Nous pouvons être avec lui en accomplissant nos tâches quotidiennes les plus humbles, dans toutes les activités de la journée. »

Ainsi il ne fait pas de doute que Dieu était présent à fr. Maurice lorsqu’il était assis dans le chœur de cette église avec ses frères et ses sœurs pour les liturgies monastiques. Et Dieu était aussi présent lorsqu’il jouait aux dominos avec Jacquie !

Je revois fr. Maurice, fatigué et souffrant, le jour des obsèques de fr. Robert, il n’y a pas si longtemps. C’est à partir de ce jour-là que sa santé déclina et qu’il commença à parler de sa mort qu’il voyait approcher.

Dans la joie, il participe maintenant au repas messianique. Le Seigneur l’a conduit à sa place où il a retrouvé ceux et celles qui l’ont précédé dans la gloire.

Lorsque j’ai annoncé la nouvelle de son décès à mes frères, l’un d’entre eux m’a dit : « Lorsqu’il est arrivé au ciel, il a dû avoir une bonne rencontre avec l’archevêque de Canterbury Michael Ramsey ! »

Cette remarque est liée à une petite histoire que P. Abbé Paul aimait nous raconter pour témoigner de la contribution de fr. Maurice au dialogue œcuménique avec nos frères et sœurs anglicans. Lors de la première visite de Mgr Ramsey au Bec, fr. Maurice était chargé de lui préparer son porridge pour son petit-déjeuner. Fr. Maurice décida d’ajouter du calvados au porridge sans en avertir l’archevêque. Ce dernier, après avoir mangé le porridge, déclara qu’il n’en avait jamais mangé un aussi bon.

Cette histoire n’est qu’une parmi plusieurs qui ont émaillé la vie de notre fr. Maurice. Dans sa vie, comme dans les nôtres, il y a des histoires dont nous n’avons jamais parlé et qui seront dévoilées au ciel.

A ce sujet, le cardinal Basil Hume raconte :

« Un prêtre présidant à des obsèques commença son homélie en disant : ‘Je vais prêcher aujourd’hui sur le jugement.’ Un grand désarroi envahit l’assemblée. Le prêtre continua : ‘Le jugement, c’est le moment quand je suis enfin capable de murmurer l’histoire de ma vie telle que je n’ai jamais été capable de le faire dans l’oreille compatissante de Dieu’. »

Nous avons tous une histoire, ou au moins un chapitre de notre histoire, que nous n’avons jamais pu raconter à quiconque. La difficulté s’enracine dans la peur d’être incompris, notre propre incapacité à nous comprendre, la méconnaissance des recoins sombres de nos vies, ou juste la honte. Notre histoire n’est pas dite, et si elle est dite, elle l’est seulement à moitié.

Quel soulagement nous ressentirons quand nous serons capables de murmurer le déroulement de notre vie librement et complètement dans l’oreille miséricordieuse du Père. Après tout c’est ce qu’il a toujours voulu. Il veut que nous revenions vers lui, à la maison. Il nous accueille en nous embrassant, nous ses enfants prodigues qui sommes repentants et humbles. Alors qu’il nous embrasse, nous lui racontons notre histoire, et alors il peut commencer son travail de guérison et de préparation que nous appelons le purgatoire. »

Samedi dernier, le Seigneur est venu murmurer à l’oreille de fr. Maurice : « Viens à moi, toi qui peines sous le poids du fardeau, et moi, je te procurerai le repos. (…) Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur. » (Mt 11, 28 ; 25, 21)

Connaissant fr. Maurice, je pense qu’il a déjà bien raconté sa vie au Seigneur. Et le Seigneur l’a embrassé en lui disant : « Ne te fais pas de soucis, ton histoire je la connais du début à la fin, je la connais mieux que toi et je l’aime. »

Je vais conclure avec des mots du fr. Laurent de la Résurrection que je vous invite à entendre comme s’ils étaient prononcés par fr. Maurice lui-même :

« Le Roi, plein de miséricorde et de bonté, très loin de me châtier, m’embrasse avec amour, me fait manger à sa table, me sert de ses propres mains, me donne la clé de ses trésors ; il converse et se délecte avec moi sans cesse, de mille et une manières, et me traite en tous points comme son favori. »

 

Père Abbé Mark Ephrem
Abbé Commissaire du Bec