Jeudi saint – Jean (13, 1-15)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Il les aima jusqu’au bout »

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »

Musee du Louvre. Frans II Pourbus; fils de Frans I & petit-fils de Pieter; La Sainte Cene ou le Dernier Repas de Jesus-Christ avec ses disciples. 1618. Detail.

Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »

Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

 

Monition (Père Dieudonné): Chers frères et sœurs, nous sommes rassemblés en ce moment pour faire mémoire de la Cène du Seigneur. C’est à travers son dernier repas avec ses disciples que Jésus a institué l’Eucharistie. La célébration d’aujourd’hui comme généralement toutes nos célébrations catholiques a commencée par un signe de croix.

Cependant nous nous quitterons tout-à-l’heure, après un moment d’adoration eucharistique, en silence, sans rite particulier, sans aucun signe de croix.

Bien plus, nous nous retrouverons demain pour l’office de la Passion et de la croix, en silence et sans signe de croix non plus pour commencer notre prière.

En fait le prochain signe de croix liturgique sur nous-même aura lieu à la fin de la célébration pascale samedi soir.

Un signe de croix au début de la célébration du jeudi et un autre à la fin de celle du samedi : il s’agit d’une seule et même célébration sur trois jours.

Le Triduum pascal célèbre l’unité du mystère de notre salut : le don de lui-même que Jésus fait le jeudi saint à travers l’eucharistie et le lavement des pieds, le don de sa vie sur la croix le vendredi, le don de la vie à la Résurrection le dimanche  de pâques.

Au début de cette célébration, demandons-nous, « quelle est la place de l’Eucharistie dans notre vie ? ». Si nous y prenons part sans attention, sans préparation, sans goût, sans foi profonde, demandons à la fois le pardon et la grâce de saisir le sens profond du mystère de l’Eucharistie dans notre vie.

Le fait de se lever signifie avoir de l’initiative, mettre de côté mon égo et aller vers les autres. Se lever veut dire aussi que je suis debout et disponible pour servir les autres. De même, se lever signifie la résurrection. Autrement dit, c’est être vivant pour se donner et servir.

Homélie

Dans le livre de l’Exode, nous avons entendu que le jour du repas de Pâques sera pour les Hébreux un mémorial (Ex 12, 14). Dieu leur dit que chaque fois qu’ils mangeront ce repas, ils se souviendront de la manière dont Il les a protégés et les a fait sortir d’Égypte. En d’autres termes, on peut dire que notre identité dépend pour une part de notre mémoire, du souvenir de moments importants et émouvants vécus autrefois. De même, St. Paul souligne que, « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 12, 26). Autrement dit, chaque fois que nous participons à l’Eucharistie, nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ.  Cela montre notre vraie identité chrétienne.

Au cours de la dernière Cène, du repas d’adieu avec ses disciples avant son arrestation et sa crucifixion, Jésus a fait et posé des gestes très importants pour que nous en fassions mémoire d’âge en âge. La première chose que nous notons dans l’évangile c’est que « Jésus les aima jusqu’au bout ». Il leur a donné un précieux cadeaux : l’Amour. Cet amour divin n’exclut personne. Remarquons par exemple que même s’Il savait que Satan était entré dans le cœur de Judas pour le livrer, il ne l’exclut pas de son repas.

Les gestes ou actions de Jésus lors de la dernière Cène méritent notre attention, chers frères et sœurs. D’abord, nous constatons qu’il se lève de table. Le fait de se lever signifie avoir de l’initiative, mettre de côté mon égo et aller vers les autres. Se lever veut dire aussi que je suis debout et disponible pour servir les autres. De même, se lever signifie la résurrection. Autrement dit, c’est être vivant pour se donner et servir. Ensuite, Jésus dépose son vêtement. De manière générale, nos vêtements signifient notre identité, qui nous sommes. « Déposer son vêtement » veut dire, comme le dit Saint Paul, que Jésus « ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » (Ph 2, 6-8). Jésus, même Fils de Dieu, a mis de côté son identité divine et s’est penché pour servir.

Jésus, ensuite, commence à laver leurs pieds. De manière générale, avec nos pieds nous sommes en contact avec la terre, nous foulons la terre, la poussière. Bien souvent ce sont nos pieds qui sont salis. C’était uniquement les esclaves qui lavaient les pieds des gens.  D’un autre côté, les pieds sont des membres de notre corps qui risquent d’être blessés si nous trébuchons. Autrement dit, nos pieds sont une partie vulnérable. Jésus touche surtout cette partie terrestre, impure et vulnérable de ses disciples. Toucher leurs pieds signifie à la fois les purifier et les guérir. C’est pourquoi quand Pierre ne voulut pas être touché et lavé par Jésus, il lui dit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ». Autrement dit, si nous ne nous laissons pas toucher par Jésus nous ne serons pas purifiés et guéris.

A la fin, Jésus dit à ses disciples, « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13, 15). Cela signifie que servir les autres n’est pas une option mais une obligation. Servir est une mission confiée aux disciples par le Christ.

La messe ou l’eucharistie n’est pas uniquement un lieu pour prier, méditer, se souvenir des paroles et des gestes de Dieu et ensuite communier à son corps et à son sang mais surtout c’est un lieu pour agir envers nos prochains qui sont dans le besoin. Autrement dit la messe doit nous pousser à aller, à aimer et servir les autres.  Demandons à Jésus la grâce d’être des serviteurs humbles et utiles qui partagent son amour aux autres.

En célébrant devant vous ce soir ce geste du lavement des pieds, je voudrais simplement que devant nos yeux se profile la silhouette non seulement du Christ serviteur, mais encore la silhouette du chrétien serviteur. En voyant ce que je vais faire à six personnes de notre assemblée, je voudrais que vous vous demandiez : comment moi, puis-je me faire serviteur ou servante de mes frères et sœurs ? A travers quelle activité, quelle démarche, quelle rencontre, quelle parole suis-je capable de partager avec d’autres les richesses de l’amour que j’ai reçu ? Amen. Amen.

 

Père Dieudonné
Prieur du Bec