Homélie
Dans le livre de l’Exode, nous avons entendu que le jour du repas de Pâques sera pour les Hébreux un mémorial (Ex 12, 14). Dieu leur dit que chaque fois qu’ils mangeront ce repas, ils se souviendront de la manière dont Il les a protégés et les a fait sortir d’Égypte. En d’autres termes, on peut dire que notre identité dépend pour une part de notre mémoire, du souvenir de moments importants et émouvants vécus autrefois. De même, St. Paul souligne que, « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 12, 26). Autrement dit, chaque fois que nous participons à l’Eucharistie, nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ. Cela montre notre vraie identité chrétienne.
Au cours de la dernière Cène, du repas d’adieu avec ses disciples avant son arrestation et sa crucifixion, Jésus a fait et posé des gestes très importants pour que nous en fassions mémoire d’âge en âge. La première chose que nous notons dans l’évangile c’est que « Jésus les aima jusqu’au bout ». Il leur a donné un précieux cadeaux : l’Amour. Cet amour divin n’exclut personne. Remarquons par exemple que même s’Il savait que Satan était entré dans le cœur de Judas pour le livrer, il ne l’exclut pas de son repas.
Les gestes ou actions de Jésus lors de la dernière Cène méritent notre attention, chers frères et sœurs. D’abord, nous constatons qu’il se lève de table. Le fait de se lever signifie avoir de l’initiative, mettre de côté mon égo et aller vers les autres. Se lever veut dire aussi que je suis debout et disponible pour servir les autres. De même, se lever signifie la résurrection. Autrement dit, c’est être vivant pour se donner et servir. Ensuite, Jésus dépose son vêtement. De manière générale, nos vêtements signifient notre identité, qui nous sommes. « Déposer son vêtement » veut dire, comme le dit Saint Paul, que Jésus « ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur » (Ph 2, 6-8). Jésus, même Fils de Dieu, a mis de côté son identité divine et s’est penché pour servir.
Jésus, ensuite, commence à laver leurs pieds. De manière générale, avec nos pieds nous sommes en contact avec la terre, nous foulons la terre, la poussière. Bien souvent ce sont nos pieds qui sont salis. C’était uniquement les esclaves qui lavaient les pieds des gens. D’un autre côté, les pieds sont des membres de notre corps qui risquent d’être blessés si nous trébuchons. Autrement dit, nos pieds sont une partie vulnérable. Jésus touche surtout cette partie terrestre, impure et vulnérable de ses disciples. Toucher leurs pieds signifie à la fois les purifier et les guérir. C’est pourquoi quand Pierre ne voulut pas être touché et lavé par Jésus, il lui dit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ». Autrement dit, si nous ne nous laissons pas toucher par Jésus nous ne serons pas purifiés et guéris.
A la fin, Jésus dit à ses disciples, « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13, 15). Cela signifie que servir les autres n’est pas une option mais une obligation. Servir est une mission confiée aux disciples par le Christ.
La messe ou l’eucharistie n’est pas uniquement un lieu pour prier, méditer, se souvenir des paroles et des gestes de Dieu et ensuite communier à son corps et à son sang mais surtout c’est un lieu pour agir envers nos prochains qui sont dans le besoin. Autrement dit la messe doit nous pousser à aller, à aimer et servir les autres. Demandons à Jésus la grâce d’être des serviteurs humbles et utiles qui partagent son amour aux autres.
En célébrant devant vous ce soir ce geste du lavement des pieds, je voudrais simplement que devant nos yeux se profile la silhouette non seulement du Christ serviteur, mais encore la silhouette du chrétien serviteur. En voyant ce que je vais faire à six personnes de notre assemblée, je voudrais que vous vous demandiez : comment moi, puis-je me faire serviteur ou servante de mes frères et sœurs ? A travers quelle activité, quelle démarche, quelle rencontre, quelle parole suis-je capable de partager avec d’autres les richesses de l’amour que j’ai reçu ? Amen. Amen.
Père Dieudonné
Prieur du Bec