9 Dèc : Immaculée Conception de Marie (Luc 1, 26-38)

Publié le

Catégorie : Archives

En parlant du Christ, nouvel Adam, de Marie, nouvelle Eve, on confesse que la révélation évangélique relance la création en la couronnant, du fait que Pâques inaugure les temps nouveaux annoncés par les prophètes et préparés par la longue histoire de l’Alliance de Dieu avec Israël.

Le destin de Marie s’inscrit dans cette longue histoire, et s’il sort de l’ordinaire, en raison de l’exception qu’il représente (sa conception immaculée), il en est aussi un maillon comme les autres. Marie ne serait pas Mère de Dieu, si elle n’était pas d’abord fille d’Israël ; elle ne serait pas la mère de tous les vivants, si elle n’était pas d’abord Comblée-de-grâce, fille de Dieu, choisie par Lui pour donner le jour à Jésus qui sera appelé Fils du Très-Haut.Là est la clef du mystère que célèbre la fête d’aujourd’hui : en négatif, on a isolé le cas de Marie de l’histoire du Salut, croyant ainsi mieux honorer Jésus, le Verbe de Dieu, et de ce fait, on a fait d’elle une créature ‘hors sol’, pas complètement femme et presque apparentée aux divinités vierges et mères.

Or, bien que le mystère de l’incarnation échappe à toute explication, à toute vérification, il est une histoire profondément humaine, une histoire de générations, de filiations, d’engendrement et d’enfantement. La sobriété des récits de l’enfance de Jésus, dans saint Luc, milite pour qu’on prenne bien au sérieux les faits et les personnages de cette histoire. Pour ce qui regarde Marie, tenons-nous en aux écrits, sans laisser vagabonder notre imaginaire. Peut-être avons-nous trop souvent peint Dieu avec un visage d’homme, de mâle (ish/vir). L’Écriture nous dit bien que c’est l’homme (Adam/homo) qui est à l‘image de Dieu. De ce fait, la piété populaire avait besoin d’une image féminine (isha/mulier), pour contrebalancer celle, masculine, que nous nous sommes faite de Dieu.

Non, Dieu est Dieu, Le-Tout-Autre, et Marie est une femme de chez nous, dont la destinée est typique de la nôtre. Là, bien sûr, nous semblons nous éloigner des écrits, mais pas tant que cela : quand Jésus fait éclater le cercle familial, en déclarant que celui/celle qui écoute sa parole et accomplit sa volonté est pour lui une mère, un frère, une sœur (cf. Lc 8, 21), ne laisse-t-il pas entendre qu’il nous faut lire les Écritures en en cherchant le sens caché, mais bien présent.

Marie, en vue de la mission propre à laquelle Dieu la destinait, a été, dès sa conception, justifiée par la grâce de Pâques, rachetée, chante la liturgie, par le sang de celui à qui elle a donné le sien. Il ne s’agit pas de la préservation physique du péché, mais de sa sanctification dans la mort et la résurrection de son Fils. Cette grâce est offerte à tous par le baptême dans l’Esprit Saint et dans le feu dont parle Jean le Baptiste, pour le distinguer de celui qu’il donne, dans le Jourdain. L’exception de Marie est, pourrait-on dire, d’ordre temporel. La liturgie célèbre ce mystère le 8 septembre, la Nativité de Marie, le 8 décembre, aujourd’hui, sa Conception Immaculée, le 25 mars, l’Annonciation, le 31 mai, la Visitation, le 25 décembre, Noël, le 6 janvier, l’Épiphanie, le 15 août, l’Assomption, sans se préoccuper de la chronologie… Dans l’espérance, mais déjà reçue en germe, cette grâce est nôtre.

Allons plus loin : quand saint Paul écrit que « ce n’est plus lui qui vit, mais Christ qui vit en lui » (Gal 2, 20), il laisse bien transparaître la réalité du mystère chrétien : être Christ ! Plus loin, il reprend cette même pensée : « Mes petits enfants, vous que j’enfante dans la douleur, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ». (Gal 4, 19) Peut-on être plus clair ? C’est ici que le témoignage chrétien prend sa source. Témoigner du Christ, c’est le désigner par tout son être, comme celui qui est notre souffle, notre lumière, notre parole… Témoigner du Christ, c’est, au terme, le faire reconnaître comme la Vie du monde, son Salut, le faire advenir dans l’histoire des hommes, le présent de notre actualité.

Le témoignage chrétien, ce n’est pas de dire ou même de suggérer : « Regardez-moi, je sais, je possède la vérité, et c’est elle qui me fait être ce que je suis, vertueux, sensé, serviable, sociable… Si vous m’imitez, le monde changera, en bien, naturellement. » De quoi fuir ! En regardant Marie, puissions-nous redécouvrir notre identité de chrétiens, notre vocation, la joie d’être à notre place, ici, aujourd’hui.

 

Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du Bec