Vigile du 3ème dimanche de l’Avent (Mt 11, 2-11)

Publié le

Catégorie : Archives

C’est le même Jean qui, aujourd’hui, doute de l’identité de Jésus, alors qu’hier, il le confessait comme « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Que s’est-il passé pour que le doute s’introduise ainsi en lui ?

Jean annonçait la venue imminente du Messie, l’Envoyé de Dieu, qui allait « nettoyer son aire à battre le blé », « brûler la paille (les pécheurs) », et « amasser le grain (les bons) dans son grenier (le Royaume des cieux). Il invoquait « la colère de Dieu » pour inciter les gens à se convertir, à changer de vie. Or, très vite, il découvre que Jésus ne ressemble pas à ce qu’il imaginait de luiIl fréquente bons et pécheurs, parle de la miséricorde de Dieu, de son amour, s’intéresse aux plus petits, ceux que l’on ne prend pas au sérieux, qu’on n’écoute pas ; il refuse tout rôle politique, fuit les occasions qui pourraient le désigner comme le restaurateur de l’identité et de la grandeur d’Israël ; non seulement il ne s’impose pas, mais il prévient les siens qu’il sera victime de la haine des chefs religieux et que cette ‘défaite’ sera le lieu de son relèvement par Dieu, son Père.

En somme, pour Jean, c’est le monde à l’envers, une immense déception, un doute insidieux : « Ce Jésus est-il bien le Messie qu’on attendait, celui qui devait relever Israël de son abaissement politique, de son affaissement moral et spirituel surtout ?

Cette déception de Jean rejoint, pour une grande part, notre actualité : le monde se distancie de plus en plus de toute référence à Dieu, suit une évolution effrénée qui décuple sa puissance, le rend totalement autonome et bientôt créateur de la vie… L’Église, pendant ce temps, perd toute influence sur lui, devient même l’objet de sa risée ; ses ‘troupes fondent’ à toute vitesse, ne se reconstituent pas ; la pratique religieuse s’effondre, les communauté monastiques, hier encore protégées, peinent à survivre ; plus rien n’est comme avant… Et Dieu ne fait rien !

L’Église a beau nous dire que le Salut nous a été donné dans le Christ, que « la bonne nouvelle est annoncé aux pauvres », on ne voit pas que le monde a changé. Nous parlons, là, de l’Occident ! Beaucoup quittent le ‘bateau’ furtivement ; certains s’agrippent à des traditions qu’ils disent prometteuses pour l’avenir ; de soi-disant prophètes prédisent un retour à la religiosité d’antan.

Jésus, par la voix du Pape François, par celle des évêques, nous répète ce qu’il disait à Jean Baptiste : « Regardez tous les signes que le Royaume de Dieu est bien advenu, même si le monde va encore et toujours de travers : Les handicapés sont mieux pris en charge, les personnes vulnérables sont davantage protégées, les enfants acquièrent des droits… C’est encore bien peu, et tant, tant de situations demandent à être enfin transformées et améliorées. Mais combien d’associations se démènent pour offrir des conditions de vie décentes à des oubliés, des laissés pour compte ? Car partout où l’amour est manifesté, de quelque manière que ce soit, c’est que le Règne de Dieu est là ! »

Cela peut nous paraître dérisoire voire contre productif, mais Jésus ne compare-t-il pas le Royaume à la plus petite des graines, celle de moutarde, qui deviendra un grand arbre ? Et puis, le Royaume n’est pas forcément signifié par les succès pastoraux ou par le chiffre des communions dominicales. Ce soir, entendons Jésus lui-même nous dire : « donnez de l’amour, soyez les acteurs, à votre modeste place, du changement du monde : ce sera le signe que le Royaume des cieux est là, que je suis, moi l’Envoyé du Père, au milieu de vous. »

 

Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du Bec

Saint Jean Baptiste