Évangile : « Marthe et Marie »
Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme du nom de Marthe l’accueillit dans sa maison. 39 Elle avait une sœur appelée Marie, qui s’assit aux pieds de Jésus et écoutait ce qu’il disait. 40 Marthe était affairée aux nombreuses tâches du service. Elle survint et dit: «Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma sœur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de venir m’aider.» 41 Jésus lui répondit: «Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses, 42 mais une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, elle ne lui sera pas enlevée.»
Homélie :
La vie de sainte Scholastique nous est connue grâce à saint Grégoire le Grand, mais presque incidemment. Elle a vécu dans sa communauté de moniales, non loin du monastère dans Saint-Benoît était l’abbé. Saint Grégoire raconte dans les Dialogues leur ultime rencontre annuelle, peu de temps avant sa mort.
L’évangile de cette fête et le récit de l’accueil de Jésus à Béthanie dans la maison de Marthe et de Marie. Il est intéressant de rapprocher les deux récits : Le repas à Béthanie dans l’évangile de Luc et la rencontre de Benoît et de Scholastique au Mont Cassin. Nous sommes en présence d’un duo fraternel dans les deux cas, accueillant le Christ, physiquement dans l’Évangile, spirituellement près du monastère.
On peut chercher des équivalences entre les personnages de l’Évangile et ceux du récit de Saint Grégoire. Mais la comparaison est moins qu’il ne paraît à première vue.
Marthe et la maîtresse de maison. C’est elle qui reçoit Jésus, avec sa sœur bien sûr, mais Marie est plus effacée. Scholastique retient son frère, même si la rencontre a lieu à mi-chemin entre les deux monastères. Ils prennent ensemble leur repas, mais on ne sait qui l’a préparé : tout a été prévu par la Providence – car Dieu prend soin de ses serviteurs – par l’intermédiaire de moines ou de moniales attentifs.
Mais si Marthe à l’initiative au début, c’est bientôt Benoît qui, comme elle, s’inquiète. Il a le souci de l’exactitude et de la discipline. Voyant la nuit tombée, il n’a qu’une hâte, celle de rentrer au monastère, quitte à ne pas voir que le Seigneur est là, présent, qui ne demande que son attention.
Scholastique est alors Marie plus que Marthe. Elle a compris que le Seigneur est présent. Ce moment de leur rencontre est unique. Ils ont échangé toute la journée sur le Royaume de Dieu. Elle sait que c’est là l’essentiel : « Recherchez le royaume de Dieu et Sa justice, nous dit Jésus, le reste vous sera donné par surcroît. » C’est pourquoi elle désire prolonger ce temps de grâce, qui leur donne un avant-goût de l’éternité. Aussi le reproche de Benoît ne tient pas devant la prière de sa sœur, immédiatement exaucée.
Ainsi, comme Marie assise au pied du Seigneur et écoutant sa parole, le frère, malgré lui d’abord, et la sœur, de son plein gré, poursuivent leur divin colloque jusqu’au matin.
Si Scholastique et Benoît peuvent être comparés l’un et l’autre aux deux sœurs de l’Évangile, car il n’y a jamais d’oppositions tranchées, le personnage central dans l’Évangile comme dans la rencontre du Mont Cassin c’est Jésus lui-même. Il est celui qui est reçu et celui qui reçoit.
À Béthanie il est le maître que l’on écoute et qui parle, tout en étant celui qui est servi. Mais il rappelle que le service n’est pas un absolu. Chacun est appelé à l’écouter. Même si le service n’est pas parfait, l’important est d’avoir le cœur ouvert et attentif à celui qui est reçu.
Si Jésus n’est pas visible chez le moine et la moniale, nous le savons présent car lui-même a dit : « Si deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Il est non seulement présent au milieu d’eux, aussi en eux. Ne parle-t-il pas par la bouche de la moniale lorsqu’elle répond aux reproches de son frère : » j’ai prié mon Seigneur, et lui m’a exaucée. » ?
Quant à nous, nous savons que nous sommes à l’écoute de Jésus. Il est au milieu de nous quand nous sommes rassemblés en son nom. Comme Scholastique et Benoît, qu’ils soient chacun dans leur monastère ou réunis en cette dernière rencontre, nous célébrons le Seigneur chaque jour au cours de l’Office. Il est avec nous quand nous écoutons et lisons sa Parole. Nous tenons le rôle de Marie. Mais celle-ci et la sœur de Marthe et non son adversaire. Toutes deux sont appelées à l’écoute et au service. Il en va de même pour nous. Notre vie forme un tout et n’est pas fait d’activités étrangères les unes aux autres.
De même nous formons un corps. Nous sommes au service les uns des autres et au service du Seigneur. N’oublions pas que l’essentiel de notre vie, ce qui inspire notre contemplation du Seigneur et notre service fraternel, c’est l’amour. C’est grâce à son amour que sainte Scholastique a été exaucée. C’est l’amour qui a enflammé le cœur du frère et de la sœur pour le Seigneur.
C’est cet amour qui nous anime lorsque nous servons le Seigneur et que nous servons tous ceux qui nous entourent.
Père Claude
Prieur du Bec