Epiphanie – (Mtt 2, 1-12)

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Cette fête est bien le témoignage que l’Évangile est d’abord un acte de foi, pas une histoire au sens moderne du terme. Cela ne veut pas dire qu’il est une pure construction littéraire pour faire passer un message, comme une fable, mais que, à partir de faits réels, les évangélistes ont élaboré, après coup et avec le recul de leur foi, un récit qui prend un sens théologique.

Ainsi la visite des Mages à Jésus, au temps du roi Hérode.

Des rois ?

Certainement pas, mais des sages, connaissant les écrits d’Israël et en quête de réponse à leurs interrogations ! Dans leurs bagages, de l’or, de l’encens et de la myrrhe ? Non, sauf que ces trois matières précieuses ont une symbolique très précise qui est révélatrice de l’identité de Jésus !Une étoile les guidant jusqu’à Bethléem, avec une éclipse au-dessus de Jérusalem ? Peu probable, si ce n’est que l’image de la lumière dit quelque chose de fort sur Jésus, en rejoignant nombre d’oracles de l’Écriture ! Nous sommes donc devant « le grand mystère de la foi ».

Ensuite, le mot Épiphanie signifie « manifestation » ; on pourrait aussi dire « révélation ». Voici donc Jésus, le Fils de Dieu, naissant de Marie, une jeune fille très modeste de la maison d’Israël, avec pour père adoptif, Joseph, de la famille de David. Et comble de dérision, pour quelqu’un promis à régner sur Israël, né dans les arrières d’une salle commune d’auberge ! Tout pour générer le mépris et passer son chemin ! Or, alerté par ces sages « venus d’Orient », Hérode, ce petit potentat qui traîne avec lui une peur bleue de perdre sa couronne, prend très au sérieux l’information et prend immédiatement ses dispositions pour supprimer le risque de voir se lever un concurrent. Seulement, il est dupé par les Mages et décide d’éliminer tous les enfants dans la tranche d’âge de celui que les ‘orientaux’ ont appelé devant lui le « roi des Juifs ».

Au-delà des détails de cette histoire probablement romancée, mais de toutes façons tragique, apparaît tout de suite une situation qui collera à Jésus jusqu’à sa mort : le rejet de sa personne et de sa parole par les siens : « Nul n’est prophète en son pays », il en fera l’expérience. De plus, ceux qui auraient pu adhérer à son message et à son œuvre, ses compatriotes qui attendaient un Messie, se retourneront contre lui, jusqu’à l’accuser de blasphème : il ne voulait pas se laisser entraîner dans une entreprise politique de type nationaliste ; il situait sa mission sur un tout autre plan, celui de l’amour et de la miséricorde, déclarant que Dieu était son Père. De quoi, effectivement, mériter la mort !

Toute sa vie durant, Jésus se heurtera à l’incrédulité des élites religieuses, à leur haine même, jusqu’à ce qu’ils le livrent à l’occupant romain, pour être crucifié. Jésus avait prévenu les siens : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais la guerre. » Ce qui veut dire que la foi en lui, en son identité, en sa mission, demande qu’on se compromette, qu’on accepte d’être incompris, voire exclu et même éliminé, on le voit encore aujourd’hui.

A l’opposé, voilà des étrangers, non-Juifs, païens, venus de loin et semblant plus au fait des Écritures juives que les scribes et les Pharisiens, qui reconnaissent, en cet enfant pauvre, un dieu, et lui offrent de l’or, un roi, et lui offrent de l’encens, un mortel, et lui offrent de la myrrhe. Les Mages confirment les paroles des prophètes et de Jésus lui-même, sur l’ouverture aux païens des mystères du Royaume ; aux païens et aux petits, tels les bergers. Jésus ne s’impose pas par une puissance et une richesse humaines qui trahiraient le cœur de Dieu, ni par une doctrine savante qui voilerait Sa simplicité et Sa vérité ; Jésus est nu, vulnérable, dépendant, et c’est en cela qu’il révèle Dieu…

Pour nous, cette page d’évangile est lourde d’enseignement : pour accueillir la révélation de Dieu, il ne faut pas se prendre pour des savants ou des gens qui se suffisent ; il faut être humble et se savoir pauvre et limité. Alors, nous pourrons reconnaître, dans la faiblesse de Dieu, son amour et sa miséricorde qui peuvent faire de nous des fils et des filles, forts de Sa seule grâce. Et puis, comme les bergers, comme les Mages, nous ne pourrons pas garder pour nous cette Bonne Nouvelle ; nous aurons besoin de la partager, de la faire connaître, par notre paix et notre joie d’être sauvés, c’est-à-dire de vivre déjà ressuscités avec le Christ.

Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du Bec