Commentaires de la Règle de saint Benoit – S4

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Catégorie : Vie monastique

CHAPITRE 5 : DE L’OBÉISSANCE.

 

Dimanche 23 mai :

     Ce chapitre sur l’obéissance nous indique son vrai sens. Il ne s’agit pas d’une soumission d’esclave exécutant des ordres, car l’obéissance suppose une parfaite liberté. Rappelons-le, l’obéissance est l’un de nos trois vœux. Elle est un renoncement libre à notre propre volonté pour accueillir la volonté de Dieu. Et celle-ci passe bien sûr par des médiations : l’abbé, les anciens, les frères, l’Église, etc.… L’obéissance nous place en conformité, en consonance avec la Règle librement acceptée.

En cette fête de Pentecôte, nous voyons dans l’obéissance l’accueil des appels de l’Esprit-Saint. C’est bien lui qui nous guide sur cette voie, comme Jésus venu faire, non sa volonté, mais celle de celui qui l’a envoyé pour accomplir sa mission.

Lundi 24 mai :

     L’obéissance suppose une disponibilité du cœur, un abandon de sa volonté propre pour accueillir l’ordre reçu du supérieur. Cet ordre étant interprété comme la volonté divine. Dieu, nous dit saint Benoît, connaît les intentions du cœur et nos pensées secrètes. Il sait aussi quelles sont nos dispositions.

Aujourd’hui, nous faisons mémoire de Marie Mère de l’Église. Marie a accueilli la volonté du Seigneur pour une mission bien précise. En accueillant le message de l’ange, en offrant son fils, en priant avec les disciples pour la venue de l’Esprit-Saint, elle est associée à la naissance de l’Eglise. Elle est reconnue comme la Mère de l’Église, c’est-à-dire du peuple de Dieu, à partir du moment où Jésus en croix nous la donne comme mère, à travers l’apôtre saint Jean.

Toujours dans la suite de la Pentecôte, et en étant à notre place, nous nous laissons guider par le Saint-Esprit.

 

CHAPITRE 6 : DU SILENCE.

 

Mardi 25 mai :

Parler du silence, voilà une chose contradictoire !

Saint Benoît lui accorde une grande importance. On sent chez lui une certaine réserve, pour ne pas dire une méfiance, vis-à-vis de la parole. Il justifie la parole que lorsqu’elle est vraiment nécessaire. Il l’a permet lorsqu’elle est utile et capable d’édifier. Mais il craint toujours qu’elle ne dégénère en bavardage, donc en une fuite de ce silence qui permet le recueillement, l’attention à Dieu.

Le silence doit permettre cette relation à Dieu, la méditation de sa parole et la prière. Saint Benoît cite en ce sens plusieurs textes de l’Écriture, Psaumes ou Proverbes, pour montrer la valeur du silence. Le silence n’est pas une fuite, un mutisme, mais un état d’esprit, une vigilance qui donne les conditions de la prière en favorisant la prière continuelle. Nous en sommes souvent loin !

En relisant les évangiles, nous pouvons remarquer bien des occasions où Jésus est en prière, où il se retire dans le silence pour s’entretenir avec son Père. Essayons pour notre part de respecter les temps et les lieux où le silence est nécessaire. Nous pourrons ainsi réduire nos occasions de parler inutilement et de nous éparpiller, afin de recentrer notre esprit sur l’essentiel : Dieu.

 

CHAPITRE 7 : DE L’HUMILITÉ.

 

Mercredi 26 mai :

Ce chapitre sur l’humilité commence par deux citations. La première est une citation de l’évangile : « Quiconque s’exalte sera humilié, et qui s’humilie sera exalté » (Luc 14,11). C’est une parole de Jésus qui conclut la parabole sur le choix des places.

Saint Benoît la justifie par une autre citation, celle du psaume 130/1, 1-2, qu’il reprend presque en entier. C’est un psaume qui est chanté régulièrement dans la prière de l’Église, particulièrement à l’office de complies. Saint Benoît situe donc l’humilité dans son enracinement biblique et évangélique. Ce n’est donc pas une simple vertu humaine ; c’est une vertu qui nous situe devant Dieu, à notre juste place. Elle nous concerne personnellement, mais aussi communautairement. Nous avons devant Dieu conscience de nos limites, de nos pauvretés. Nous les lui remettons pour qu’il agisse à travers elles et nous fasse vivre en conformité à sa volonté.

 

Jeudi 27 mai :

     Après une introduction qui montre que l’humilité est une vertu qui nous situe devant Dieu à notre juste place, saint Benoît va proposer une méthode pour y parvenir. Il interprète la vision de l’échelle de Jacob (Livre de la Genèse chap.28, 12) dans un sens moral : on monte par l’humilité et on descend par l’orgueil. L’échelle, c’est notre vie, dit saint Benoît ; les montants, notre corps et notre âme. Autrement dit, c’est de tout notre être que nous tendons vers l’humilité, il n’y a pas de cloisonnement dans notre vie. Nous sommes totalement engagés à la suite du Christ, totalement offerts par notre profession (comme déjà aussi par notre baptême).

Nous avançons pas à pas, même si nous pouvons parfois reculer. Mais avec la grâce de Dieu, les yeux fixés sur le Christ qui nous indique comment le suivre, nous pouvons avancer et monter vers les sommets. C’est l’œuvre de toute une vie.

 

Vendredi 28 mai :

Le premier degré de l’humilité recommande de vivre dans la crainte de Dieu et de fuir l’oubli. La crainte de Dieu n’est pas ici la peur d’un Dieu tout-puissant et considéré comme un être redoutable, ainsi qu’on l’a longtemps imaginé et qu’on peut encore, parfois, se l’imaginer. Et d’aucuns, pour évacuer cette représentation, se préoccuperont de profiter de l’existence comme elle vient. C’est un genre d’épicurisme où on oublie Dieu.

Pour le moine, mais plus largement pour tout chrétien, la véritable crainte de Dieu est un sentiment fait de respect et de confiance en un Dieu qui nous aime. « Recueille avec amour l’avertissement du Père qui t’aime » sont les premiers mots du Prologue. C’est un Dieu qui nous propose la vie. Nous devons donc vivre dans une attitude de vigilance en nous rappelant que Dieu veille sur nous, sans nous surveiller comme un gendarme ! Fuir l’oubli, c’est d’abord éviter le péché, mais surtout, c’est chercher à demeurer sous le regard aimant de Dieu, ce Dieu qui désire notre bonheur, comme en témoignent les nombreuses citations de psaumes ponctuant ce premier paragraphe.

Si Dieu connaît nos pensées, c’est bien parce qu’il nous aime et désire que nous répondions à son amour.

 

Samedi 29 mai :

Dans ce premier degré d’humilité, nous retrouvons un thème fréquent dans la Règle : ne pas faire sa volonté propre, mais faire la volonté de Dieu. Il ne s’agit pas là d’une invention de saint Benoît, mais de l’enseignement même et de l’exemple de Jésus qui rappelle sous des formes diverses : « Je ne cherche pas à faire ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé  » (Jn. 5,30). « Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn. 6,38)… C’est ce qu’il enseigne par exemple dans la ‘’Prière’’ du Notre Père, citée ici. C’est ce qu’il a vécu lui-même en venant servir et non être servi. Suivre sa volonté propre mène à la perdition.

Pour fuir l’oubli, pour rester vigilant et ne pas céder à l’attrait de nos désirs, nous devons nous enraciner dans l’Ecriture, dans la Parole de Dieu. C’est bien là qu’il nous révèlera sa volonté.

Père Claude
Prieur du Bec