La bonne nouvelle de Dieu-avec-nous se révèle aujourd’hui dans le baptême de Jésus. Deux versets suffisent à saint Luc pour nous transmettre la manifestation de Dieu en Jésus. Cette simplicité de la narration s’accorde à l’indicible simplicité de l’événement et à l’humilité de Jésus, qui se perd dans la foule du peuple attendant la révélation du Messie, en se purifiant, à l’invitation de Jean-Baptiste, dans les eaux du Jourdain.Permettez-moi de relever le silence de Luc par rapport au retentissement du baptême de Jésus dans les autres évangiles. Le peuple est en attente du Messie et s’interroge sur Jean-Baptiste. Ce dernier annonce l’arrivée du Messie dans l’Esprit-Saint et le feu. Curieusement – et contrairement à l’habitude des témoins chez saint Luc – ni Jean, ni le peuple ne réagissent au baptême simplement mentionné de Jésus.
Jésus est en prière après son baptême. Ce peut être un parti-pris chez saint Luc d’humble enracinement de Jésus dans notre humanité – dont la longue généalogie qui suivra est un indice – qui décrit la voix du ciel, l’Esprit-Saint qui descend sous forme d’une colombe comme une expérience intime et déterminante de rencontre de Dieu destinée aux seuls yeux et oreilles de Jésus, pour la confirmation de sa mission.
Et pourtant au creux de cet enfouissement dans notre humanité est déposée au cœur de Jésus cette Parole éternelle du Père : »Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ». Voilà la Parole inouïe dont le Père enveloppe Jésus dans le souffle de l’Esprit Saint lors de son baptême. Cette parole n’est pas accidentelle ou transitoire : elle est l’expression d’un amour personnel, infini et éternel traduite dans notre évangile comme une déclaration d’amour dans l’Esprit de joie et de paix : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé, en toi je trouve ma joie ».
Cette manifestation, cette épiphanie de l’amour du Père pour Jésus, l’engendre dans un éternel aujourd’hui à la divinité. C’est par là-même la révélation du Dieu Trinité dans l’ humanité : plongé dans les eaux, Jésus remonte tous les hommes avec lui, pour une nouvelle naissance ; avec lui, le Christ, nouvel Adam – « engendré, non pas créé », comme nous le chantons dans le Credo.
Comment ne pas évoquer devant tant de simplicité pour un si grand mystère, notre propre baptême. Même si nous n’en avons plus souvenir, nous avons assisté à tant de baptêmes – peut-être même à un baptême d’adulte, qui est une grâce pour l’Eglise de notre temps – que nous sommes appelés à faire mémoire, dans la joie et la reconnaissance, de notre baptême.
Alors que nous pouvons recevoir le sacrement de la réconciliation ou le pain eucharistique aussi souvent que nous le désirons, nous n’avons été baptisé qu’une seule fois. Comme le Christ a été baptisé une seule fois en vue de sa mort et sa résurrection « une fois pour toutes », nous sommes baptisés une seule fois comme le signe efficace, le sacrement, de notre mort et de notre résurrection avec le Christ.
Cette pensée nourrit notre espérance et notre action de grâce. Elle nous réconforte, car « une fois pour toute » veut dire « pour toujours » ! « Qui nous séparera de l’amour du Christ », s’écrie saint Paul. Nous sommes pour toujours les enfants de Dieu ; baptisés au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, la Parole que le Père prononce sur Jésus : » Tu es mon Fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré » nous est adressée dans l’Esprit-Saint pour toujours à chacune, à chacun d’entre nous.
Comme Jésus est né pour nous une fois pour toutes, il a été baptisé pour nous une fois pour toutes, il est mort et ressuscité pour nous une fois pour toutes : nous offrant pour toujours par grâce ce qu’il est par nature : la communion d’amour avec Dieu, la Vie éternelle.
Rendons grâce à Dieu le Père pour notre baptême, accueillons dans l’ eucharistie notre être de fille et fils de Dieu reçu dans le Christ ; ouvrons-nous à l’élan de joie dans l’Esprit-Saint pour accomplir notre mission de chrétiens : devenir, comme Jésus, au cœur du monde signe d’espérance et de miséricorde pour tous les hommes.