Évangile : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »
En ce temps-là, les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. Alors, donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? »
Connaissant leur perversité, Jésus dit : « Hypocrites ! pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César. » Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Homélie :
« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Cette maxime que nous connaissons si bien clôture l’évangile de ce 29ème dimanche du temps ordinaire.
Le Père Laurent Mathelot, dominicain, a posé une question pertinente à propos de ces paroles de l’évangile que nos venons d’entendre: « Qui dirige le Monde ?»
Il dit qu’il y a des questions auxquelles, quelle que soit la réponse que l’on donne, on tombe dans un piège, des questions faites pour accuser. C’est le cas de celle-ci: « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César ? ».
En fait, d’une manière sous-jacente, la question du rapport politique avec la religion est posée à Jésus, mais ici dans un contexte bien précis puisque les romains sont les occupants. Les habitants de Judée devaient payer un tribut à l’empereur (prélevé par les publicains) et cet impôt était un signe humiliant de la condition servile du peuple.
Le pays était divisé sur ce sujet : à un extrême, on trouvait les zélotes qui refusaient de payer cet impôt ; à l’autre extrême, les hérodiens qui s’accommodaient de cet impôt puisque Hérode était maintenu par l’occupant ; entre les deux, les pharisiens qui obéissaient à contrecœur, argumentant de l’autorité divine sur tout pouvoir humain.
Par le question, le piège est tendu : les zélotes attendent une réponse négative car comment le maître ne se rangerait-il pas du côté des pauvres et des opprimés ; mais répondant par la négative, Jésus s’oppose au pouvoir en place et risque l’arrestation immédiate. Les Hérodiens, eux, attendent une légitimation de leur pratique ce qui équivaudrait pour Jésus à cautionner le pouvoir romain et à perdre son crédit auprès du peuple.
Jésus semble ainsi se laisser enferrer dans les histoires humaines politiques. Non point qu’il refuse de les aborder, il assume l’humanité jusqu’au bout et même dans ce domaine public, mais il va les remettre à leur juste place : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
En énonçant cette maxime, Jésus nous invite à comprendre qu’aussi grande est la puissance d’un souverain elle n’égalera jamais celle de Dieu. Malgré sa puissance César est désacralisé. Jésus rappelle que tout appartient à Dieu et que l’homme n’a pas été créé à l’image de César mais à celle de Dieu.
Même si les rois, les présidents, s’octroient des attributs divins et des pouvoirs paraissant exceptionnels, Dieu reste le seul Seigneur et Jésus désenchante cette sacralisation abusive. Pour cette vérité, des chrétiens auront à verser leur sang à toutes les époques.
L’unique chose à laquelle tient Jésus est que Dieu reçoive tout ce qui lui revient que ce soit de l’ordre naturel ou surnaturel. Et là où une puissance profane se révolte contre ce tout de Dieu et réclame le tout pour elle seule, Jésus résistera, lui et les siens. Et cela va très loin : Il va reconnaître le pouvoir de Pilate de le crucifier mais seulement comme un pouvoir qui lui est donné d’en haut. Cela correspond, ce que Pilate ne pressent pas, à la volonté du Père.
Seigneur, ne nous laisse pas accaparer par les turpitudes de ce monde mais donne-nous, par ta grâce, de faire lucidement la part des choses.
Que notre prière et notre louange soient des signes de notre libre choix de ton amour.
Frère Dieudonné
Moine du Bec