Évangile : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même »
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” Mais le vigneron lui répondit : “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t‑il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” »
Homélie :
Les textes de ce dimanche nous invitent à accueillir Dieu qui veut libérer son peuple. Cette libération doit passer par un engagement résolu sur le chemin de la conversion. Pour nous faire comprendre combien c’est important, Jésus part des événements qui ont frappé les esprits.
L’affaire des Galiléens massacrés par Pilate, la chute de la tour de Siloé à Jérusalem : deux catastrophes d’autrefois qui nous rejoignent au vif d’une actualité hautement médiatisée et si souvent aussi catastrophique. Qu’il s’agisse d’attaques terroristes, de raids aériens et de guerre comme c’est le cas aujourd’hui entre la Russie et l’Ukraine, d’accidents de la route ou d’épidémies, c’est toujours la souffrance et le deuil qui nous tombent dessus et de toutes sorte de façons. Comment expliquer un sort si horrible ? Beaucoup pensent que c’est un châtiment de Dieu. Or, la méchanceté des hommes ou leur fragilité aussi bien que les imprévisibles secousses de la nature, ou les ratés d’une technique dont nous sommes parfois si fiers, y suffisent. Ils en déduisent donc que s’ils sont épargnés, c’est qu’ils sont irréprochables.
Mais Jésus réagit très fermement contre cette manière de voir. Il rappelle que les malheurs qui s’abattent sur le monde et sur les hommes ne viennent pas de Dieu. Il n’y a aucun lien entre la souffrance et le péché. Un autre jour, on posera à Jésus la même question au sujet de l’aveugle-né :« Qui a péché pour qu’il soit né ainsi, lui ou ses parents ?» Et Jésus répondra :« Ni lui, ni ses parents ». Tout l’Évangile nous dit et nous redit inlassablement que Dieu est amour et ne veut la mort de quiconque.
Moïse dans la 1ère lecture découvre que Dieu est un feu ardent. Cet amour est un feu qui ne se consume pas car il est éternel. Dieu n’est surtout pas un justicier sans cœur. Il va en priorité vers les pauvres, ceux qui sont opprimés et exploités : « J’ai vu la misère de mon peuple… Je connais ses souffrances ».
Mais aujourd’hui, Jésus nous met en garde : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même». Ce n’est pas notre péché qui entraîne notre condamnation mais notre refus de nous convertir. Ce n’est pas Dieu qui va nous faire périr, c’est nous qui allons à notre perte. C’est pour cela que le Christ nous recommande de ne pas remettre notre conversion à demain. La mort peut arriver d’une manière imprévue. Le danger le plus grave, c’est celui de la mort éternelle qui sépare définitivement l’homme de Dieu.
L’évangile s’achève sur des propos d’une sévérité qui nous déconcerte : ils nous rejoignent dans les situations quotidiennes que nous vivons et où nous décevons le Seigneur en ne produisant pas les fruits attendus d’une véritable conversion. Jésus utilise l’image d’un figuier planté dans une vigne et qui ne produit pas de fruit. Le propriétaire a bien raison de dire au vigneron : « Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le ! A quoi bon le laisser épuiser le sol ? » Là encore la sévérité du ton et l’enjeu du défi de la dernière chance nous étonnent et nous impressionnent. Que va-t-il arriver maintenant ? La réponse nous appartient, la balle est dans notre camp.
Chacun de nous est donc invité à se convertir, à changer de comportement et à se détourner de ses péchés. Tout au long de ce carême, nous entendons cet appel à revenir vers le Seigneur. Cette conversion passe aussi par une plus grande attention aux autres, en particulier aux plus démunis, sans acception de personne, sans discrimination. Ce temps du Carême nous est donné pour nous libérer de tous nos égoïsmes, de tout ce qui nous éloigne de Dieu. Le Seigneur va jusqu‘à nous dire : «Aimez vos ennemis». Ce qui fait la valeur d’une vie, ce n’est pas ce que nous possédons mais ce que nous sommes, c’est notre accueil, notre partage, notre amour. À travers le plus petit de nos frères, c’est Jésus qui est là.
La conversion à laquelle Jésus nous appelle suppose un retournement profond. Tout au long de ce Carême, nous accueillons cet appel à nous convertir. Faisons nôtre la prière du psaume 94 qui nous dit : « Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur ».
Frère Dieudonné
Moine du Bec