Évangile : « Dieu a envoyé son Fils pour que, par lui, le monde soit sauvé »
En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »Homélie du 4ème dimanche de carême
Notre vie chrétienne est tissée d’ombres et de lumières. Dans l’épreuve, si nous ne réagissons pas ouvertement en nous demandant « qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? » nous interprétons spontanément nos épreuves comme des signes d’éloignement du Seigneur, qui provoquent sa colère, et nos prospérités comme des manifestations en retour de sa miséricorde. Cette relecture légitime de notre vie, conforme à une ébauche de la foi encore formelle - présente dans les sages réflexions des chroniques – ne fait pas l’unité de notre vie dans le désir de communion avec Dieu.
Nous venons ce matin avec Nicodème - ce savant et pieux juif - vers Jésus pour le suivre et communier à sa Vie. Nous pressentons que la grâce d’être chrétiens est une nouvelle naissance, une con-naissance de ce qu’est la vie éternelle d’union avec le Christ : juger en vérité, aimer, se donner pour passer avec Jésus des ténèbres de la mort à la lumière de la résurrection.
A Nicodème, qui l’interroge sur la nouvelle naissance, Jésus exprime l’accomplissement de sa vie et de sa mission, ainsi que la nôtre, à travers l’image de l’élévation. Cette image de l’élévation accompagne à travers toute la Bible la rencontre de Dieu, et libère ceux qui communient avec lui.
Cette élévation est celle de la vision d’ Isaïe , ce prophète brûlant de la Parole de Dieu: « Je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé et les séraphins se prosternaient en chantant : »Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu de l’univers » ; vision d’élévation à laquelle nous nous associons dans la foi en chantant le ‘triple sanctus’ au début de la prière eucharistique de la messe.
Au milieu de nos épreuves, voilà que brille déjà la lumière de Pâques, C’est la mi-carême, le dimanche où, dès le chant d’entrée, la liturgie nous invite à la joie « Réjouis-toi Jérusalem – vision de paix – tu vas être comblée de bonheur ». Les ornements violets de la pénitence font aujourd’hui place à la couleur rosée des premières lueurs pascales.
Mais la vision d’élévation de l’accès au Dieu vivant traverse chez Isaïe la nuée obscure de la déréliction du Serviteur souffrant.C’est ce chemin que Jésus indique à Nicodème, comme celui qu’il doit prendre et qu’il lui propose comme à nous, pour nous établir dans la communion avec Dieu. Lors de la pâque des Hébreux et la traversée du désert, des serpents venimeux les faisaient mourir. Dieu demande à Moïse « d’élever un serpent de bronze sur un poteau et tous ceux qui le regardaient étaient guéris ». Identifier le mal, le regarder en face est déjà un contre-poison, un chemin de guérison.
Jésus, le Fils de l’Homme accepte d’être élevé sur la Croix – les bras ouverts, reliant terre et ciel – pour qu’en ce que nous lui infligeons nous identifions notre mal, notre orgueil, notre violence, notre refus de l’amour, que nous défigurons. « Ils regarderont vers Celui qu’ils ont transpercés ».
Car Jésus croit qu’en le regardant élevé sur la Croix, nous y verrons aussi notre remède : le contre-poison de son obéissance, de sa miséricorde, de son pardon qui reflètent l’infinie tendresse du Père qui nous guérit. Dans l’angoisse de la perspective de la Croix, Jésus reçoit du Père l’assurance d’accomplir par son obéissance la mission de révéler pleinement la gloire, l’être même de Dieu qu’il reçoit du Père : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, alors vous comprendrez que JE SUIS » (Jn 8,28) ; l’assurance aussi d’être dans sa Pâque le chemin vers Dieu : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (N 12, 32),
En cette fin de carême, regardons longuement vers le crucifié : nous y apprendrons la science de la Croix. Le Seigneur nous rejoint dans son mystère pascal, que nous célébrons jusqu’à ce qu’il vienne, et nous sauve aujourd’hui pour participer déjà à sa vie éternelle de Ressuscité.
C’est la foi que nous partage St Paul : « Dieu est riche en miséricorde ; à cause du trop grand amour dont il nous a aimé, nous a fait revivre avec le Christ, avec lui il nous a ressuscités. Jésus, Fils de l’Homme et Fils de Dieu, élevé auprès du Père au-dessus de tout nous donne de communier à son élévation sur la croix et dans la gloire du Père comme ses filles et fils adoptifs, dans la lumière et l’amour de l’Esprit-Saint.
Frère Jean-Marie
Moine du Bec