Évangile : « Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes »
En ce temps-là, les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. — Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats.
Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »
Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
Homélie :
Le péché que Jésus dénonce le plus dans l’Évangile, c’est l’hypocrisie, Marc emploi le mot hypocrite une fois et Mathieu 12 fois. Jésus cite le passage bien connu d’Isaïe (29,13): »Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. »
Nous sommes en pleine actualité : Dom Grammont disait » qu’il y avait toujours un pharisien tapis au fond de nous et qu’il était toujours prêt à se manifester. »
Reconnaissons-le pour être dans nos paroles et nos actes, il faut être très vigilant. Sainte Thérèse de l’enfant Jésus écrivait : » j’ai toujours cherché la vérité » où » j’ai horreur de la feintise » – c’est une expression normande -. « Je suis le chemin, la vérité et la vie » dit Jésus. Pour lui l’enjeu est essentiel, il se révolte contre l’arrogance avec laquelle les pharisiens et les scribes traitent les pauvres, les paysans, en dénonçant publiquement leur ignorance des traditions des pères et des commentaires rabbiniques.
Ce n’est que peu à peu que le peuple s’est laissé imposer par les pharisiens ce filet serré de subtilités religieuses qui les ont conduits à la superstition et au fanatisme.
Or Jésus et ses disciples ont vécu en profanes, il est certain qu’il n’a pas défendu aux siens d’accomplir les ablutions mais il ne s’est pas prononcé sur ces choses. » Plus nous nous lavons, et plus nous devenons impurs » disait un ancien. Dans les versets 6 à 8 de notre évangile d’aujourd’hui, Jésus pénètre au cœur même de la question. Celui qui place les commandements humains au-dessus des commandements de Dieu, celui-là détourne l’homme de sa position véritable devant Dieu. Celui qui fait de la religion une technique est un hypocrite, il fait le mal. Et ce mal de l’hypocrisie se vit toujours dans l’église, on peut même le qualifier de criminel.
À quoi peuvent servir les prescriptions de la pureté, si personne ne peut être souillé par des choses qui viennent de l’extérieur, si le péché n’est jamais dans les choses mais toujours dans la volonté de l’homme de faire sa volonté propre ? La valeur ultime de l’homme vient, non de ce qu’il fait, mais des motifs pour lesquels il le fait. La chose la plus importante pour chacun de nous, c’est de cheminer intérieurement et en vérité vers Dieu.
Par l’incarnation du Christ, la distinction de nature entre profane et sacré, entre pur et impur, est abolie. Jésus à désacraliser toute chose dit sacré et il a sacralisé l’homme, tout l’homme : » vos corps sont le temple de l’Esprit Saint » dit Saint-Paul. Toute la loi de Dieu est fondée sur ses paroles. » Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. »
Dans tout l’Évangile, Jésus nous parle d’un Dieu qui nous rejoins directement sans qu’il soit besoin d’accomplir des rites. » Ô Dieu, crée pour moi un cœur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme. » Voilà la prière que nous devons faire en vérité. Pensons à toutes celles et ceux qui sont morts dans les camps, qui ne pouvaient accomplir aucun rite mais les paroles qu’ils nous ont laissé sont des paroles de vie exprimant leur total don à Dieu et aux hommes. Je pense en particulier à Etty Hillesum quand elle dit : » mon Dieu, ce n’est pas toi qui peut nous aider, car tu nous as tout donné, c’est nous qui pouvons t’aider » et c’est ce qu’elle a fait, elle a été la lumière de Dieu dans le camp Westerhof et à Auschwitz. Le seul rite qu’elle a accompli, ce fut de s’offrir, d’accepter de mourir pour son peuple et pour le monde, y compris pour les nazis, elle l’exprime très clairement. Demandons à Dieu les uns pour les autres cette pureté du cœur qui nous rend pauvres et vrais devant lui et devant les hommes.
« Heureux les cœur purs, ils verront Dieu. » de toutes les Béatitudes, c’est celle qui a été la plus commenté par les Pères de l’Église. Puissions-nous accéder à cette pureté du cœur non par nos propres forces mais en nous laissant recréer par l’amour de Dieu – Amen
Frère Michel
Moine du Bec