Évangile : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle »
En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !… C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »
À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »
Homélie :
Aujourd’hui la Parole de Dieu nous invite à la confiance : servir Dieu dans l’Alliance nous rassemble dans l’unité et la liberté.
La confiance en Jésus qui se donne à nous dans une Alliance nouvelle et éternelle scellée en son Corps – reçu et partagé – nous fait entrer en communion avec Dieu notre Père et avec nos frères dans l’amour du Christ.
L’alliance de Josué à Sichem renouvelle l’Alliance du Seigneur avec Moïse au Sinaï, à la sortie d’Egypte. La libération de l’esclavage n’est plus celle de l’oppression extérieure du peuple des Hébreux, mais le détachement de toutes les idoles qui nous séduisent : nous sommes tentés de nous prosterner devant ce qui semble nous donner une sécurité illusoire sur la route de la terre promise, sur notre route à la suite du Christ. Nous imaginons acquérir une garantie immédiate et magique de bonheur et de liberté sans l’attente confiante et patiente de l’accomplissement de la promesse de la vie éternelle que le Christ nous a faite.
L’Alliance que nous offre Jésus dans la communion à son Corps livré et son Sang répandu exauce nos attentes les plus enfouies et provoque en même temps une crise de confiance : » Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? ».
C’est pourtant dans la confiance en sa Parole – maintenue au-delà de toute explication – que nous pouvons passer avec Jésus – dans sa Pâque – de notre instinct de dévoration et de possession à une relation de communion et de respect avec Dieu et les uns avec les autres.
Etty Hillesum témoigne, dans ‘Une vie bouleversée’, de cette maturation humaine et spirituelle au long de sa découverte de Dieu. Son cheminement avec Dieu la conduit d’une consommation effrénée – « Je ne pouvais admirer une fleur sans avoir envie de la dévorer »– à l’action de grâce dans une communion avec Dieu et avec tous, jusqu’à ses bourreaux : « C’est à nous de t’aider Dieu, en défendant la demeure qui t’abrite en nous ; et peut-être contribuer à te mettre au jour dans le cœur des autres ».
Jésus se donne à nous comme la Parole faite chair. La Vie reçue du Père et qui nous conduit au Père par la communion à son Corps : » Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Cette parole heurte notre faiblesse impuissante, mais elle est « esprit et vie » pour qui l’accueille !
Jésus nous demande, comme aux Apôtres : « Voulez-vous partir vous aussi ? » Devant cet humble respect du Christ qui attend notre libre réponse, disons avec Pierre : « A qui irions-nous Seigneur, tu as les Paroles de la vie éternelle ! » Cette humble réponse inspirée par l’Esprit-Saint nous rend libre d’accueillir le mystère de l’Eucharistie. Notre confiance est éprouvée par l’inouï du don de Dieu et creuse en nous « l’espérance qui ne déçoit pas, car l’amour de Dieu est répandu dans nos cœur par l’Esprit-Saint qui nous est donné ».
Seul l’Esprit-Saint nous apprend l’amour sans possession qui se donne en nourriture dans toutes nos relations vécues comme communion à la Pâque du Christ.
Accueillons dans l’action de grâce le Corps du Christ que nous devenons ensemble en le recevant dans la confiance.
Frère Jean-Marie
Moine du Bec