Jésus est ressuscité ! Il est Christ et Seigneur, confessons-nous cette nuit.
C’est un événement relaté par des hommes et des femmes pragmatiques à qui il ne fallait pas raconter d’histoire! Mais aucun d’entre nous ne l’a vu, entendu, touché. Nous croyons ! Un acte de foi ne cherche pas de preuve et de démonstration. Nous avons tout donné pour le Christ, et notre vie atteste qu’il est vivant et demeure avec nous ; nous sommes signe de sa présence, comme tous les hommes, quand ils agissent ou parlent selon l’Évangile.Que s’est-il donc passé, cette nuit de Pâques ? Jésus crucifié est bien mort, on n’a même pas eu besoin de lui briser les jambes. Au matin du premier jour de la semaine, à la différence de Lazare que ses amis ont pu voir sortant du tombeau et reprendre sa vie d’avant, jusqu’au jour où il mourra pour de bon, Jésus est apparu à quelques proches, vivant, mais autre, le même, mais différent ; la mort ne pourra plus l’atteindre. Il s’est montré à Marie qui ne l’a reconnu que lorsqu’il l’a appelée par son nom ; il apparaît aux Dix, dans la chambre haute, toutes portes closes, puis disparaît, sans sortir.
C’est bien lui, mais plus comme avant. Pour les disciples, passer d’un contact physique avec lui, à l’acte de foi en sa résurrection, en sa présence invisible mais réelle, prendra du temps, quarante jours, et encore… Ce chemin est à reprendre tous les jours, pour nous aussi : Jésus, qu’à certaines heures nous avons comme saisi, aujourd’hui ne nous parle plus, se tait, comme absent… Pourtant, il est là, mais semble se cacher, se faire désirer et attendre.
La résurrection est un événement, oui, mais, on peut dire, cosmique : elle informe tous les temps, tous les lieux, tous les hommes et les femmes, ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain, un peu comme une promesse, un acte d’alliance, des vœux, qui sont l’heure fondatrice, renouvelée chaque matin, qui nous fera vivre jusqu’à la fin. L’événement Pâques, advenu il y a plus de 2000 ans, se réalise toujours aujourd’hui et sera accompli pleinement demain ; il est un événement du temps long, une actualité extensible à toute l’histoire humaine.
A partir de là, nous pouvons comprendre qu’il serait vain de contempler ce mystère en lui restant extérieur. Jésus ne se donnait pas en spectacle, quand il se montrait, après Pâques ; il s’offrait à la foi des siens, sans s’imposer comme une évidence. Si Dieu, son Père, l’a ressuscité des morts, ce n’est pas pour que soit sauve sa divinité ; c’est pour nous libérer du péché et de la mort, pour que nous ressuscitions avec lui.
‘L’homme ajouté’ dont sont fières nos sociétés n’est rien devant ‘l’homme nouveau’ que nous sommes tous dans le Christ. Certes, on ne peut pas définir cet ‘homme nouveau’, mais on en a un pressentiment dans l’éclair de joie, de paix, de confiance, d’amour et d’espérance qui parfois illumine un visage, surtout celui des petits, des défigurés, qui leur fait poser des gestes proprement divins, au-delà de ce qu’une intelligence formatée pourrait calculer et entreprendre. Jésus n’a rien à prouver sauf à nous manifester l’amour de son Père. Mais on ne peut le reconnaître vivant que si soi-même on se sait ressuscité avec et en lui.
Cette conscience nous conduit plus loin encore, car on ne peut ressusciter que si l’on consent à opérer le passage de Jésus lui-même. Mourir à nos rêves de réussite humaine, à notre besoin de confort et de sécurité, à notre désir de perfection imaginaire, à notre soif de reconnaissance et d’attention de la part des autres… Mourir, oui, à notre ego, pour accueillir la grâce de Pâques qui fait de nous les membres vivants du Corps du Christ ressuscité, les signes de l’avènement du Royaume.
Fr. Paul Emmanuel
Abbé du bec