Vigile du 1er dimanche de l’Avent (Mt 24, 37-44)

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Quand revient le temps de l’Avent, il nous faut toujours dépasser l’impression du perpétuel recommencement qu’est la liturgie, comme si nous faisions du sur place, n’avancions pas, nous contentant d’évoquer, à périodes fixes, des événements du passé.

Pour fondateurs qu’ils soient, ces événements, en tant que tels, ne nous feraient pas vivre de Dieu.Par exemple, je sais que je dois ma liberté à tous ceux qui ont donné leur vie pour la défendre, en ’14 – 18’ et en ‘39 – 45’, mais cette réalité, factuelle, ne me dit pas pourquoi je suis sur terre, ce que j’ai à y faire, à quoi je suis destiné. Dans le Fils de Dieu fait homme, Christ ressuscité, ma vie a sa source, son cours est orienté par l’Evangile, sa fin est la gloire du ciel. Des mots usés peut-être, trop faciles sans doute, mais correspondant à un mystère de foi que rien ni personne ne peut nous enlever. D’Avent en Avent, ce mystère, qui est, pour nous, une vivante réalité, l’actualité-même de nos vies, devient notre chair, dans le sens où il nous transforme, nous transfigure en l’image-même du Christ, premier-né de la création nouvelle.

Notons que si la Bible voit, dans la dépravation des hommes, la cause du déluge, Jésus, lui, voit les choses autrement : de tout temps, aujourd’hui comme hier, l’homme est tenté de se suffire, de se contenter de survivre (on mange, on boit, on se marie, puis on meurt et notre descendance assure la suite, la continuité des générations…). Le plan de Dieu, le projet de sa création, son dessein d’Alliance avec nous, tout cela, nous l’oublions, préoccupés de l’immédiat, nos besoins primaires, notre désir d’un bonheur à notre porte, notre peur de manquer, nos rêves de survie dans les autres.

Quelle pauvreté ! C’est l’origine de bien des désespoirs, la source du mal-être qui ronge nos sociétés trop confortablement installées, l’origine des graves injustices qui font de notre monde, dit développé, une terre polluée, inhospitalière, ingrate.

Ce tableau, qui rejoint les perspectives apocalyptiques de l’Écriture, en ces jours, ne cherche pas à nous faire peur, mais à nous réveiller d’une routine facile, qui nous fait passer à côté de l’essentiel et nous englue dans l’insignifiance. Notre vie, renouvelée dans le Christ, est belle, promise à l’éternité, déjà transfigurée par le baptême, l’eucharistie et tous les sacrements.

La charité fraternelle à laquelle nous sommes appelés, parce qu’elle est le signe des temps nouveaux, doit se traduire par notre écoute mutuelle, la miséricorde entre nous, l’accueil de nos différences, la compassion pour nos faiblesses, le non-jugement, la bénédiction envers tous, le refus de toute comparaison, de toute compétition : « je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres, écrivait le Patriarche Athénagoras. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage. »

Voilà ce que doit faire de nous le Christ qui vient : des hommes et des femmes de Dieu !

Fr. Paul-Emmanuel
Abbé du Bec