Homélie :
« Qu’est-ce qu’il y aura pour nous ? » L’irritation perce dans la question de saint Pierre. Sans les quelques versets qui précèdent, il est difficile de comprendre. Le jeune homme riche vient de partir. La tension est palpable. « Difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux », conclut Notre-Seigneur. Les disciples, interdits : « Qui peut être sauvé ? ». La réponse est sans appel : « Pour les hommes, impossible. »
Arrive Pierre : « Eh bien ! nous, nous avons tout quitté et nous t’avons suivi… » Cela compte-t-il pour rien ? « Quelle sera donc notre part ? » Notre-Seigneur vient d’affirmer que ce qui touche au salut, au surnaturel, est inaccessible à l’homme. Pourtant, il ne nie pas maintenant, que le détachement des Apôtres pour le suivre puisse obtenir… « le centuple » ! L’accomplissement, à la perfection, de toute la morale, comme le jeune homme riche, est une impasse : « Il s’en alla tout triste. » Tout quitter pour s’attacher à la Personne de Notre Seigneur, voilà qui porte du fruit.
L’amitié seule peut expliquer une telle fécondité, amitié que le jeune homme riche n’a pas saisie. Dieu, dans son amour sans borne, a voulu que soit possible avec lui, l’amitié, l’union réelle de notre volonté à la sienne. Unie à celle de Dieu, notre volonté voit son objet prendre des proportions infinies. Selon un docteur que vous reconnaîtrez sans doute : « On peut mériter, pour un autre, la grâce, d’un mérite de convenance. Puisque l’homme, quand il est dans la grâce de Dieu, accomplit la volonté de Dieu, il convient, selon une proportion fondée sur l’amitié, que Dieu accomplisse sa volonté du salut d’un autre. » Notre union avec Notre Seigneur et les biens surnaturels qui en sont le fruit, sont à proportion de notre disposition à perdre tout autre attachement. Car « Dieu demande… une certaine ‘disposition à perdre’ plutôt qu’à s’enrichir, même spirituellement, insiste le Père François de sainte Marie.
Progresser dans son union, ce ne sera donc pas forcément – il s’en faut – gagner en ferveur, en vertu et en connaissance ; mais bien plutôt se sentir de plus en plus pauvre et l’accepter avec beaucoup de paix… » « Celui qui aura quitté maison, frères, sœurs, père, mère, enfants ou terre, à cause de mon nom, recevra le centuple et la vie éternelle. »
En ce jour où nous fêtons saint Benoît, ces mots de Notre Seigneur doivent stimuler notre foi. Notre bienheureux Père nous demeure présent par la lecture de la Règle, chaque matin. Il nous assure le cadre humain et durable qui permet ce détachement. Il nous offre les moyens simples et éprouvés pour nous unir profondément à Notre-Seigneur. « Il y a des hommes dont le salut dépend de la prière et de l’amour de ceux qui vont jusqu’au bout de leur vocation, qui vivent afin que le Christ vive davantage en eux. C’est un formidable effort qui leur est demandé dans l’ordinaire des jours…
Tendre de tout son être, rondement et sans excès, à la conformité de sa vocation, s’appliquer au gré des jours à ce que Dieu demande, cela porte de merveilleux fruits surnaturels. » « Toi seul dans mon cœur, Seigneur. » Amen.