Solennité de saint Benoit – Matthieu (19, 27-29)

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Catégorie : Homélies

Évangile : « Vous qui m’avez suivi, vous recevrez le centuple »

En ce temps-là, Pierre prit la parole et dit à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? » Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. »

« Écoute, ô mon fils, l’invitation du maître, et incline l’oreille de ton cœur ; recueilles avec amour l’avertissement du père qui t’aime, et par tes actes, mets-le en pratique. » »

 

Saint Benoit de Nursie (vers 480-547) - Louvre Collections
Un proverbe africain confirme cette parole en disant : « Le vieillard assis voit plus loin que le jeune homme debout ». Cela nous interpelle et nous invite à lire et à relire les paroles de sagesse, en particulier la règle de vie de saint Benoît.

La parole de Dieu, en cette fête de Saint Benoît, nous place devant la Sagesse divine. Dans la première lecture, nous comprenons que la véritable sagesse trouve sa source et son origine en Dieu. C’est Lui qui, de son plein gré, prend l’initiative de la transmettre à l’homme et lui demande de la transmettre à son tour de génération en génération. C’est à ce titre que l’auteur du livre des Proverbes nous sert de courroie de transmission de cette sagesse divine.

Oui, mes frères, accueillir ces paroles de sagesse et les mettre en pratique nous permet de découvrir la connaissance de Dieu ; car la sagesse, la connaissance et la raison sortent de sa bouche. Un proverbe africain confirme cette parole en disant : « Le vieillard assis voit plus loin que le jeune homme debout ». Cela nous interpelle et nous invite à lire et à relire les paroles de sagesse, en particulier la règle de vie de saint Benoît, le fondateur de la famille bénédictine dont nous sommes membres. Ses conseils, sa sagesse et sa vie nous aident à ajuster nos vies et à avancer ensemble vers le Seigneur qui fait de nous ses disciples. Il nous rappelle qu’il faut vivre entièrement consacré au service de la Trinité Sainte. C’est cela le but de la vie monastique, une vie retirée du monde qui anticipe ce que nous vivrons au ciel. Tout cela doit être vécu dans l’humble réalité du quotidien, la réalité de la foi, et dans l’épaisseur de l’existence humaine avec ses joies et ses peines, ses réussites et ses échecs, ses grandeurs et ses misères, avec la grâce et le péché. Mes bien-aimés, nous sommes en état permanent de réconciliation avec Dieu, avec nous-mêmes et avec les autres, tout au long de la vie. La communauté monastique est le lieu par excellence de cette vie fraternelle où l’unité est vécue.

Votre présence ICI témoigne de la possibilité de vivre en frères au cœur des différences.

Le théologien Raymond Panikkar, dans son « Éloge du simple », dira que la voie monastique est « le rejet de tout autre projet pour atteindre le but ultime : Dieu ». On ne naît pas moine, on le devient sans cesse. C’est un dynamisme qui ne supporte pas la sclérose. C’est un chemin ouvert, une ascension. Les vœux sont un moyen pour avancer sans jamais reculer, avec l’aide de la prière où l’Esprit de Jésus est donné, dans la stabilité de la communauté et la joyeuse pénitence. « Le moine restera toujours un paradoxe », écrit encore Panikkar, en ce sens qu’il a fait l’expérience du but ultime, et en même temps de son absence. La vie monastique est un choix d’amour qui préfère une manière d’être au monde en ne servant que la vérité révélée dans le Dieu de Jésus-Christ.

Dans l’Évangile, Pierre pose courageusement une question à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? » Cette question de Pierre à Jésus est certainement notre préoccupation. Dans tous nos engagements, nous voulons toujours des garanties, des intérêts avant d’agir. Sinon, pourquoi renoncer si nous n’obtenons pas une récompense ? Pourquoi perdre si nous ne sommes pas sûrs de gagner plus ? Le sacrifice doit ouvrir à une récompense, sinon il perd son caractère de sacrifice. Même les disciples entrent dans ce jeu et se conforment à cette règle purement humaine où l’homme doit trouver son intérêt dans ce qu’il entreprend.

D’où la question de Pierre, qui exprime aussi le risque que les disciples ont pris de tout quitter pour suivre le Christ, de s’attacher à Dieu, de remettre leur vie et leurs espoirs à la providence divine. Mais la réponse de Jésus les renvoie, et nous renvoie, à ce qu’il y a de plus important, c’est-à-dire la vie éternelle. Pour Dieu, la vie ne se réduit pas à l’existence terrestre, à l’avoir, car son horizon est toujours ouvert vers le futur. Jésus nous fait regarder vers cet horizon lointain, afin que nos désirs et nos aspirations ne se focalisent pas exclusivement sur les biens matériels, c’est-à-dire les maisons, les frères, les sœurs, un père, une mère, des enfants ou une terre.

En Dieu, rien ne se perd, tout se transforme, car la vie en Lui est dynamique. Ce que nous croyons avoir perdu en son nom nous est restitué par Lui sous des formes diverses, y compris la vie en plénitude. Ainsi, l’espérance demeure et l ‘homme cesse de vivre dans les regrets. Le véritable héritage du chrétien est le cœur de Dieu, et ceux qui expérimentent cette intimité avec le Christ ont mille fois plus que tous les milliards de la terre. Cependant, pour le découvrir et le comprendre, il faut en faire l’expérience. Savoir se renoncer, savoir renoncer à tous ses désirs pour combler ceux de Dieu, voilà ce à quoi Jésus appelle son véritable disciple. Donc, mes frères, n’ayons jamais le regret d’avoir choisi de suivre Jésus ; notre récompense sera grande dans les cieux, ce royaume du Père qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen !

Mgr Alexis Aly Tagbino
Évêque du diocèse de Kankan
(Guinée-Conakry)